
Clermont se rend à Northampton vendredi soir pour ce qui s’annonce comme l’un de ses matchs les plus importants depuis des années. Il y a dix ans, le club auvergnat faisait partie des géants de l’Europe. Trois finales de Champions Cup (2013, 2015, 2017), certes perdues, mais aussi deux Brennus décrochés au cœur de la décennie. Le tout porté par un public fidèle et passionné : la célèbre Yellow Army.
Ce huitième de finale de Champions Cup face aux Saints sonne comme le début d’un retour sur le devant de la scène. Clermont n’avait même pas réussi à se qualifier pour la grande coupe européenne la saison dernière, et en 2022-2023, le club n’avait pas dépassé la phase de poules.
2023, année zéro. L’ASM touche le fond : dixième du Top 14, pas de phases finales, pas de Champions Cup et une perte financière notable. À la place des 756 000 € promis par l’EPCR, Clermont doit se contenter des 508 000 € alloués aux qualifiés de la Challenge Cup. Une perte sèche pour un club déjà en pleine tempête économique.
Et comme si ça ne suffisait pas, deux cadres quittent le navire : Damian Penaud file à Bordeaux, Arthur Iturria à Bayonne. Un crève-cœur pour les supporters et un symbole de la chute.

Pire encore, deux figures du club, Sébastien Vahaamahina et Alexandre Lapandry, poursuivent Clermont en justice, estimant ne pas avoir été correctement pris en charge après leurs commotions. « Déçu et blessé », résumait Vahaamahina à propos de son traitement par le club.
L’image d’un club en crise devient difficile à masquer.
Ce déclin n’a pas été soudain. Il remonte à 2016, quand le groupe construit par Vern Cotter puis Franck Azéma commence à se désagréger. L’été voit partir des piliers comme Jamie Cudmore et Brock James, suivis en 2017 par Vincent Debaty, Thomas Domingo, Julien Bardy et Benson Stanley. Les autres cadres – Rougerie, Kayser, Fofana, Parra, Abendanon – arrivent eux aussi en fin de cycle.
Mais surtout, ceux qui arrivent pour les remplacer ne sont pas du même niveau. En 2018-2019, Clermont rate déjà la Champions Cup. Et ce qui finit de plomber le club, c’est le Covid.
Octobre 2020 : la direction tire la sonnette d’alarme. Janvier 2021 : Clermont est au bord du gouffre.
Le stade Marcel-Michelin, qui peut accueillir 20 000 spectateurs, était complet à chaque match dans les années fastes. C’était indispensable pour rembourser les 5 millions d’euros empruntés pour financer leur centre d’entraînement dernier cri, ouvert en 2015.
Puis est arrivé le Covid. Le Top 14 a été suspendu le 13 mars 2020, un coup dur pour tous les clubs du championnat. La saison suivante n’a pas été bien plus reluisante : des matchs ont bien eu lieu, mais d’abord avec une capacité réduite à 5 000, puis à 1 000, et enfin les rencontres se sont jouées à huis clos.
En octobre 2020, la direction de Clermont commençait à alerter sur la survie économique du club, et en janvier 2021, l’ASM se trouvait au bord du précipice. « Si nous ne retrouvons pas nos supporters d’ici la fin de la saison, nous aurons un déficit de 9 millions d’euros sur un budget de plus de 26 millions », expliquait alors Jean-Michel Guillon, le président du club. « Comment on va s’en sortir ? »
Les Clermontois retrouvent la victoire en #TOP14 🔥 pic.twitter.com/0dRe8AYiXR
— TOP 14 Rugby (@top14rugby) March 31, 2025
Un fonds de solidarité permet de récupérer environ 2,5 millions d’euros, mais le club doit tout de même imposer une baisse de 16,2 % sur les salaires supérieurs à 100 000 euros.
Guillon parle alors de « revoir notre modèle économique ».
Cette révision débouche en 2023 sur un changement capital : Michelin, dont le siège est à Clermont, devient actionnaire unique du club. Jusque-là, l’ASM était détenue par l’ASM Omnisports, en partie financée par la fondation Michelin.
Reconstruire le club en dehors du terrain ne pèsera pas bien lourd aux yeux des supporters si Clermont reste une équipe de milieu de tableau sur le terrain.
L’accord a permis une injection de 11 millions d’euros dans les caisses du club, réduisant significativement le déficit. L’objectif de ce partenariat, expliquait Michelin, est d’assurer l’avenir à long terme de l’ASM. Le groupe ajoutait : « L’ambition partagée entre le Groupe Michelin et l’ASM Clermont Auvergne est de relancer au plus vite les ambitions sportives de l’équipe professionnelle, tout en valorisant la marque et l’image des Jaunards. »
Pour concrétiser cette ambition, un nouveau poste a été créé, celui de directeur général, confié à Benoît Vaz. Un plan sur trois ans a été lancé avec pour but de rendre le club rentable d’ici 2026. Au cœur de sa stratégie : la création de la « Rugby City » de Clermont, prévue pour coïncider avec le début de la saison 2026-2027.
Ce projet, estimé à 19 millions d’euros, regroupera les équipes jeunes, féminines, amateurs et professionnelles, tout en offrant aux supporters des espaces pour se restaurer et faire leurs emplettes. Pour Vaz, c’est « le cœur même de la stratégie de reconstruction du club ».
Mais reconstruire le club en dehors du terrain ne pèsera pas bien lourd aux yeux des supporters si Clermont reste une équipe de milieu de tableau sur le terrain.
La saison dernière, Clermont a terminé huitième, à un point de Pau. Suffisant pour décrocher le dernier billet français pour la Champions Cup. Cette année, l’ASM est sixième… mais avec seulement cinq points d’avance sur le 11e, le Racing 92. Une non-qualification pour la prochaine Champions Cup serait un vrai coup dur pour le projet.
À court terme, c’est le déplacement à Northampton qui mobilise toutes les énergies. Un gros test. Et peut-être un modèle à suivre. Les Saints ont connu des années galères, eux aussi. Leur titre de champion d’Angleterre la saison dernière, dix ans après leur dernier sacre, montre qu’un retour au sommet est possible.
Clermont a touché le fond. Mais l’espoir renaît. La Yellow Army n’attend qu’une chose : que son équipe redevienne une force avec laquelle il faut compter.
Cet article, pulié initialement sur RugbyPass.com, a été adapté en français par Willy Billiard.
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