Comment expliquer le rendez-vous manqué de France 7 féminine à Paris 2024 ?
Ce quart de finale de tournoi olympique semblait largement à portée de l’équipe de France féminine de rugby à sept. Lors de la saison, la France avait rencontré sept fois le Canada. Et une seule fois seulement le Canada avait gagné (à Los Angeles).
« C’est un rendez-vous manqué », regrettait la capitaine du soir Camille Grassineau qui vit ses troisièmes Jeux olympiques. « Malheureusement, il faut faire avec. C’est la dure loi du sport, la dure loi du 7. Les Canadiennes ne nous ont pas battues de la saison et le font au bon moment. C’est ce que les gens vont retenir et c’est normal. »
Les Canadiennes, ce sont les cousines, celles qu’on aime affronter comme les Françaises l’avaient fait à Marcoussis douze jours avant.
Après la session, l’entraîneur David Courteix s’ouvrait à la presse sur l’état d’esprit des filles avant leur troisième tournoi olympique. Car même si cette saison sur le circuit mondial avait été l’une des meilleures, jamais encore la France n’avait réussi à crever le plafond de verre et à remporter une victoire complète.
« Cette équipe, il lui manque de gagner une finale et de gagner un tournoi », rappelait-il. « Il lui a manqué dans les moments clés la capacité d’exprimer pleinement son potentiel. C’est au moment où ça compte vraiment qu’on joue avec le frein à main, des hésitations qu’elles n’ont pas d’habitude. C’est ce qui nous manquait et j’espère que ça ne nous manquera pas. »
Ce scénario du pire, surtout après la victoire prometteuse en poule contre les Etats-Unis, s’est pourtant produit sur la pelouse du Stade de France. Jouer avec le frein à main avec des hésitations devant près de 69 000 spectateurs, dans ce quart de finale contre le Canada lundi 29 juillet.
Après le bronze à Rio 2016 et une 9e place à Tokyo 2020, le Canada a échangé les rôles avec la France, 5e à Rio et médaillée d’argent à Tokyo. Entre les deux, il y a eu la saison dernière où la France a fini 3e avec 104 points et vice-championne du SVNS à Madrid tandis que le Canada entrait timidement dans le Top 5 avec 80 points.
Le Canada a mangé son pain noir après des années difficiles et a prouvé son retour sur la grande scène, c’est certain. Dans ce quart, les Nord-Américaines ont patiemment construit leur jeu, pas flamboyant, mais opportuniste à l’image de ce dernier essai de Chloe Daniels alors que la défense française est bloquée sur un ruck.
Auparavant, il y a eu un nombre important de petites erreurs bégnines que les Françaises ont payé cash, cette mauvaise gestion des temps forts et des temps faibles, jouant avec précipitation et manquant leurs tentatives. Au final, même pas un match pour une médaille.
Dans les travées du Stade de France, Courteix a avancé une explication. « La dernière action, je la trouve un peu à l’image du match. On entreprend mais on ne passe pas assez dans le dos alors qu’il y a l’occasion de le faire. Et on s’y perd un peu, par excès de générosité. Ça faisait partie des dangers des choix qu’on avait faits… », souffle-t-il.
Son plan de faire entrer Séraphine Okemba en impact player – qui a si bien fonctionné à d’autres moments à telle point qu’on la comparait à Antoine Dupont, le super remplaçant – s’est finalement enclencher trop tard. « On avait un plan orchestré depuis plusieurs mois. L’idée était d’affronter ces Jeux avec deux équipes en une. Autrement dit, d’être capables de faire tourner, d’utiliser des gens à des postes différents… », explique Courteix.
Contre le Canada, le plan a foiré. « Il y aura des gens pour faire mon procès. Ce n’est pas grave, j’y survivrai. Quand le plan marche, il est bon. Quand il ne marche pas, c’est un con qui l’a élaboré. Je vais prendre le rôle du con avec un immense plaisir », lance-t-il l’air bravache.
L’air pincé pendant toute la rencontre, il affirme pourtant qu’il n’a pas senti ses filles subir la pression que les garçons avaient ressenti avant elles lors de leur première journée du tournoi olympique.
« Ce n’est pas le sentiment que ça m’a donné. Pour avoir passé tout le temps avec elle, je n’ai pas ce sentiment. Je n’ai pas perçu de relâchement ni de tension particulière. Mais parfois, les matchs vous échappent, ça va trop vite… Au 7, tu écris un scénario au fur et à mesure. Chacun prend la plume à son compte de temps en temps et là, très clairement, elles ont mis la main sur le stylo », dit-il.
« Le mental est très compliqué. La première des choses c’est de se le dire. Quand tu veux gagner un match il faut que tu le centres sur ce qui te fait gagner les matchs, pas sur l’envie de gagner », rappelait-il douze jours avant à Marcoussis.
« On avait tout en mains pour faire quelque chose de grand et le rêve s’arrête ici », confiait Anne-Cécile Ciofani, les larmes aux yeux, incapable d’expliquer à chaud les raisons de cet échec.
Ce soir-là, il y avait peu de satisfaction. En temps normal on aurait par exemple salué que Iän Jason était désormais co-meilleure marqueuse d’essais de la France (5 réalisations) avec Séraphine Okemba. Mais le cœur n’y est pas.
Il y a bien une cinquième place à aller chercher maintenant. Mais comment se remobiliser après avoir raté cette belle occasion de remporter les Jeux à domicile ? Médaillée d’or à Rio 2016, l’Australie avait chuté en quart face aux Fidji (14-12) à Tokyo 2020. Elle avait su se remobiliser pour finir à la 5e place en battant la délégation russe et les USA. Depuis, elle a tout bousculé sur le circuit mondial et est une sérieuse prétendante à la médaille d’or à Paris 2024. Un exemple à suivre ?