Condamnés pour viol, les rugbymen vont-ils pouvoir continuer à jouer avec leurs clubs ?
(Article mis à jour samedi 14 décembre à 9h10, suite à la réaction officielle de Oyonnax Rugby)
Cinq joueurs de rugby, dont trois encore en activité en Pro D2, ont été condamnés vendredi 13 décembre à des peines de 4 à 14 ans de réclusion criminelle pour un viol en réunion commis en 2017 à Bordeaux, après une soirée alcoolisée suivant un match de Top 14.
À l’issue de deux semaines de procès à huis clos et de neuf heures de délibéré, Denis Coulson et Loïck Jammes ont écopé de 14 ans de prison, tandis que Rory Grice a été condamné à 12 ans.
La Cour d’assises de Gironde a également prononcé des peines contre l’Irlandais Chris Farrell (4 ans de prison, dont 2 avec sursis) et le Néo-Zélandais Dylan Hayes (2 ans avec sursis) pour avoir assisté à tout ou partie du viol sans intervenir.
Les avocats des trois condamnés ont annoncé leur intention de faire appel et de déposer rapidement une demande de mise en liberté. Corinne Dreyfus-Schmidt, avocate de Denis Coulson, a souligné que les faits remontent à sept ans, que son client n’avait que 22 ans à l’époque et qu’il n’a jamais été placé en détention préventive. Selon elle, « condamner à 14 ans ne sert qu’à briser une vie, sans aucun intérêt pour la société ».
Au-delà de l’aspect particulièrement sordide de cette affaire se pose désormais la question de leur avenir en club qui se pose. Si le pilier irlandais Denis Coulson n’est plus en activité depuis 2020 (il aura disputé 83 matchs entre 2014 et 2020) et s’est reconverti dans le BTP, ses compagnons le sont toujours.
Depuis les faits, Loïck Jammes a disputé 117 matchs
Le talonneur Loïck Jammes (30 ans) est toujours salarié de Provence Rugby en Pro D2. Malgré sa convocation par la Cour d’assise en ce mois de décembre, le première-ligne a disputé dix rencontres cette saison (96 en tout sous le maillot de Provence Rugby, en plus des 17 à Brive et des 4 à Agen depuis que les faits ont été commis).
Provence Rugby, a d’ailleurs souhaité réagir dans la foulée de l’annonce du verdict.
Communiquéhttps://t.co/2TC7Tkt1pP
— Provence Rugby ⚫️🏉 (@ProvenceRugby) December 13, 2024
« Provence Rugby a pris connaissance du verdict rendu ce jour par la Cour d’Assise de Gironde concernant Loïck Jammes, condamné pour des faits de viol en réunion datant de 2017 », est-il écrit dans un communiqué transmis dans la soirée.
« Face à la gravité de cette affaire, nous souhaitons d’abord exprimer nos sincères pensées pour la plaignante et réaffirmer notre engagement contre toute forme de violence.
« Le club respecte évidemment la possibilité d’appel dans ce dossier. Conformément à nos valeurs et à nos responsabilités, nous nous réservons le droit de prendre des décisions complémentaires en fonction des développements judiciaires à venir. »
La gêne d’Oyonnax Rugby
Cette position est très inconfortable aussi pour le club de Oyonnax qui compte désormais deux joueurs reconnus coupables dans cette affaire, jugés et condamnés.
Après la commission des faits, le troisième-ligne néo-zélandais Rory Grice (34 ans) a signé à Oyonnax en 2017 et a été présent sur 134 feuilles de match, dont trois cette saison ; la dernière étant contre Mont-de-Marsan à la veille de sa convocation devant la Cour d’assise de la Gironde.
Enfin le trois-quarts centre irlandais Chris Farrell (31 ans), condamné à une peine aménageable sous forme de maintien à domicile avec bracelet électronique dans cette affaire, en est à sa troisième saison sous les couleurs d’Oyonnax. Juste après les faits, il était retourné en Irlande pour jouer avec le Munster et cumuler 15 sélections avec le XV du Trèfle. Cette saison, il a été présent sur dix feuilles de match, dont la dernière fois, lui aussi, à la veille de son procès.
« On a pris connaissance de la décision. Nous communiquerons ce samedi 14 décembre au matin sur le sujet », a déclaré le directeur général du club, Grégory Di Marco selon les propos rapportés dans La Voix de l’Ain.
Vers 9h le lendemain, un communiqué était en effet publié : « Le club d’Oyonnax Rugby a pris connaissance du jugement prononcé ce vendredi 13 décembre par la Cour d’Assises de Gironde concernant Rory Grice et Chris Farrell.
« Suite à cette décision de justice, le club informe qu’il communiquera dans les prochains jours concernant les conséquences de l’arrêt de la Cour d’Assises sur l’avenir des deux joueurs. Aucun autre commentaire ne sera fait à ce sujet. »
« Ce n’est peut-être pas le moment d’en parler »
Une sérieuse gêne face à une situation délicate lorsque le monde du rugby compte mettre en avant les valeurs et responsabilité. Le malaise se faisait aussi sentir du côté des supporters qui, alors que le jury rendait son verdict, étaient plus concentrés sur la victoire d’Oyonnax sur Soyaux-Angoulême (53-10).
« Il va falloir se renforcer Grice vient de prendre 12 ans de prison et Farell 2 ans », a osé un supporter sur Facebook avant de se faire remettre à sa place par un autre : « ce n’est peut-être pas le moment d’en parler », dans un échange surréaliste.
« Il vos (sic) mieux pensé à lui et ça (sic) famille plutôt de le zapper et vouloir renforcer l équipe », ajoutait un autre qui semblait remettre en question les « actes ignobles » subis par la victime que d’autres supporters lui rappelaient. « Ce n’est pas l endroit pour en parlé (sic) et cela ne nous regarde pas tout le monde fait des erreurs », concluait-il, histoire de mettre la poussière sous le tapis.
Cette complaisance face aux comportements déviants de certains faisait tristement penser aux ovations qu’Oscar Jegou avait reçu de la part du public de Marcel-Deflandre à La Rochelle le mois dernier alors que son affaire de viol aggravé n’avait toujours pas été tranché par la justice argentine.
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