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Enzo Hervé : une jeunesse au sein des gens du voyage

Enzo hervé

A coller aux clichés, on pourrait dire que Enzo Hervé est le Kendji Girac du rugby, juste parce qu’ils ont la même barbe et des origines communes au sein de la communauté des gens du voyage.

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« C’est pas quelque chose que j’ai envie de cacher », dit l’ouvreur de Toulon (2023) formé à Brive (depuis 2013), invité du quatrième épisode du BastaShow animé par Mathieu Bastareaud, à voir en exclusivité sur la chaîne YouTube de RugbyPassFR.

Ses origines, le jeune homme de 25 ans ne les renie pas. « C’est quelque chose que je garderai toute ma vie », affirme-t-il.

« J’ai une enfance qui n’est pas banale. J’ai grandi dans une famille de la communauté des gens du voyage. Une communauté un peu particulière où les gens nous voient un peu particuliers », raconte-t-il.

« J’ai voyagé jusqu’à l’âge de mes 9, 10 ans. Mon père a commencé à travailler vraiment dans mon village où on s’est sédentarisés. Ça a été compliqué. Comme on bougeait, il fallait à chaque fois s’inscrire dans de nouvelles écoles. On ne restait pas longtemps, donc on n’arrivait pas forcément à se faire trop de copains. »

Affronter le regard des autres

Au fil des ans, c’est cette difficulté, ce regard des autres qui va forger le petit Enzo jusqu’à en faire le joueur qu’il est devenu aujourd’hui, sept fois titularisé cette saison sur ses 13 matchs.

« Ça a été compliqué mais aussi très bien parce que je voyageais avec ma famille, on était toujours ensemble. Ça nous a forgé », dit-il. « Dans un monde un peu plus difficile, pour rendre fier notre famille, notre communauté, parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui sont professionnels, il faut s’accrocher, continuer. Les moments difficiles qu’on a vécu en étant jeune, même si des fois c’est difficile au rugby, c’est pas grave. Il y a des gens qui passent par de plus gros problèmes. C’est une source de motivation. »

Lorsqu’il est arrivé à Toulon à l’été 2023 pour succéder à Ihaia West, sa présentation aux autres membres du vestiaire n’est pas passée inaperçue, notamment vis-à-vis des joueurs étrangers qui n’ont pas nécessairement la même notion de « gens du voyage » qu’en France.

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« Après ma présentation ils m’ont posé quelques questions et c’est vrai que la plupart ont été un peu surpris », raconte Enzo Hervé. « Dans leur ville à eux, il y a sûrement aussi des gens du voyage, mais qui n’ont pas du tout le même mode de vie ou la même mentalité que je peux avoir.

« Et pour eux, ça les a surpris que j’arrive à garder ce côté professionnel, structuré et que j’arrive aussi à avoir avec ma famille ce même mode de vie que j’ai eu en étant petit. »

« C’est une force de savoir d’où on vient, de savoir ses origines, de les garder ancrées en soi. Ça fait aussi ta force », lui souffle Mathieu Bastareaud, son team manager à Toulon, présent à ce moment-là.

La force du père

Si Enzo en est arrivé là aujourd’hui, c’est notamment grâce à son père, joueur de Fédérale 1 pendant quatre ans. C’est lui qui lui transmet le goût et la passion du rugby, lui qui n’hésite pas à conduire 2h30 pour emmener le petit à l’entraînement et 2h30 pour le ramener à la maison et ce, quatre fois par semaine.

« Il a tout sacrifié pour moi. Je ne pouvais pas gâcher tout ce qu’il avait fait pour moi, juste pour une soirée entre copains dans le village », raconte Enzo, forcé de resté sage dans sa jeunesse.

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« Dans mon éducation, mon père a été top, il n’a jamais été dur avec moi. Mais par contre niveau rugby, il a toujours été très, très dur. Quand il m’a entraîné, il a toujours été très, très dur. Quand je suis arrivé à être professionnel, bien sûr c’était un peu le but ultime, et tout de suite il a été derrière moi.

« Il vient me voir, il enregistre tous les matchs, il rentre chez lui, il regarde le match, il m’appelle le lendemain, il me dit ‘ça, ça a été ça ; ça ça, n’a pas été’. Et je le sais dans son regard. Si j’ai fait un bon match, il ne me le dira jamais. Mais si je suis passé à côté, je peux me faire descendre… »

Il est le cousin d’Anderson et Carla Neisen

Il faut dire aussi que dans la famille, le rugby est une religion. Il y a le père, bien sûr, mais aussi le cousin, Anderson Neisen (30 ans) qui est aujourd’hui demi d’ouverture à Aurillac et la cousine, Carla Neisen (27 ans), capitaine de l’équipe de France de rugby à 7 féminin.

« J’ai joué depuis l’âge de mes 5 ans avec Carla. Il y avait cette règle que quand les filles faisaient du rugby, elles avaient le droit de faire un an de plus. J’ai donc toujours joué avec Carla.  On a grandi ensemble, c’est mon père qui nous a entraînés », confie Enzo.

La figure d’Anderson, l’aîné, est d’un autre niveau, comme ce joueur qu’on idéalise, dont on a le poster dans sa chambre, dont on lit les performances dans le journal et qu’on bade sur le terrain. Alors quand ce joueur est votre cousin, ça donne des ailes.

« Il était un exemple pour moi dans la famille », sourit Enzo. « Quand j’étais petit, le seul moment où j’étais vraiment satisfait, c’est quand Anderson rentrait et que j’allais au stade avec lui, dans notre village.

« Je lui renvoyais les ballons, il allait buter ; je lui renvoyais des ballons, je le regardais buter. C’est quelqu’un qui a un très bon jeu au pied. Il y avait des joueurs comme Johnny Wilkinson, Dan Carter et après il y avait lui. »

La force de se maintenir en Top 14

Depuis, Enzo a fait son chemin, à force de travail et de persévérance, échappant au Pro D2 pour rester en Top 14 lors de la descente de Brive la saison dernière.

« Tout ce que ses clubs lui reprochaient, il essayait de me le donner pour que je l’évite au maximum. Ça a vraiment été quelqu’un d’important pour moi », dit-il de son cousin qui vient de s’engager pour trois ans à Périgueux au terme de cette saison.

Enzo est devenu à son tour une référence dans sa communauté, un membre à part, un des rares qui ont réussi.

« Quand j’ai réussi à faire mes premiers matchs, je me suis dit, ‘Bon maintenant, qu’est-ce que je veux faire ? Est-ce que ça va me servir à y arriver, à me maintenir à ce niveau-là ? Ou est-ce que je vais faire un peu comme les autres : sombrer’. Je pense que ça m’a forgé », soupire-t-il aujourd’hui.

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