Et si l'absence de Dupont était bénéfique aux Bleus ?
C’était le 15 novembre dernier. La Coupe du Monde était terminée depuis tout juste un mois pour le Bleus, éliminés en quart de finale de leur Mondial par l’Afrique du Sud (28-29). Ce jour-là, Antoine Dupont officialise via un communiqué de la fédération française sa volonté de rallier l’équipe de France à VII en vue de préparer les Jeux Olympiques de Paris.
Un mois plus tôt, Fabien Galthié, au soir de la défaite face aux Springboks, se projetait déjà sur le prochain cycle de quatre ans qui mènera en Australie. « 80 ou 90 % de ce groupe sera là en 2027 », anticipait-il dans les entrailles du Stade de France. Dont, sans aucun doute dans l’esprit du sélectionneur, son capitaine Antoine Dupont. Sait-il déjà, à ce moment-là, qu’il devra faire sans sa star une bonne partie de l’année 2024 ?
Il le redoute à coup sûr. Il se murmure qu’il a même essayé de convaincre son demi de mêlée de participer au Tournoi 2024. Mais il s’y est préparé. « C’est sa décision, c’est à Antoine Dupont de choisir, avec la direction technique qui gère le rugby à VII, l’équipe de France de rugby et le Stade Toulousain. Je lui ai dit que sa décision serait la bonne », assurait Galthié au micro de RMC, début novembre.
On peut le croire. Galthié encourage les expériences et milite contre les cadences infernales de ses joueurs. Il a par exemple publiquement félicité le Stade Rochelais, qui a accepté la demande de pause post Coupe du monde de Gregory Alldritt afin que le N. 8 puisse se régénérer mentalement et physiquement, alors que le Top 14 battait son plein.
Galthié quand on lui présente le projet : « Génial, très bonne idée »
On imagine pourtant le casse-tête généré par l’absence de Dupont dans les plans de jeu des Bleus. Meilleur joueur du monde 2021, Dupont pèse comme peu de joueurs sur le jeu, distille de la confiance à ses coéquipiers, de la crainte à ses adversaires et influe sur l’arbitre. Des chiffres pour le prouver ? Sur le mandat Galthié, l’équipe de France gagne 84 % du temps (26 victoires, 5 défaites) quand « Toto » joue. Sans lui, le taux de succès tombe à 67 % (8 v., 4 d.).
Il faut pourtant faire sans lui. Alors autant prendre les choses du bon côté. « Ce projet existe depuis deux ans. On fait le Grand Chelem en 2022 », rembobinait Galthié à la veille de pays de Galles – France.
« Antoine et Jérôme Daret (le sélectionneur de l’équipe de France à VII, ndlr) me parlent de ce projet-là. La première chose que j’ai dite, c’est ‘Génial, très bonne idée’. C’est un projet à construire avec le Stade Toulousain, avec la fédération.
« En libérant cette place, Antoine va permettre à d’autres joueurs de jouer, de se frotter à ces responsabilités-là. C’est aussi du temps gagné pour l’équipe de France. »
Le Garrec appelé si Dupont était présent ?
Sur le coup, c’était loin d’être évident. On avait plutôt en tête les prestations ternes de Maxime Lucu à la mêlée au cours des trois premières journées du Tournoi, pas aidé il est vrai par une équipe de France atone. Tout convergeait à ce moment-là vers le vide laissé par Dupont qui lui s’éclate sur le continent américain.
Pour les deux premiers tournois du néophyte, les Bleus du Sevens terminent sur le podium à Vancouver, et raflent l’or la semaine suivante à Los Angeles. Le premier titre dans la discipline depuis 2005. L’effet Dupont ?
« Je suis très heureux pour l’équipe de France à 7, très heureux pour Antoine, se réjouissait Galthié. Challenge relevé. Une médaille de bronze, une d’or alors que ça fait un mois qu’il fait du rugby à VII. Il me semble que ce joueur a du talent, voire qu’il est doué. Ça fait du bien. »
Puis le match contre le pays de Galles a apporté un éclairage nouveau à la sortie de Fabien Galthié. Le sélectionneur a changé la moitié de son équipe pour aller à Cardiff, offrant le maillot N.9 frappé du coq à Nolan Le Garrec. Pour sa première titularisation, le joueur du Racing 92 a crevé l’écran et été élu homme du match. Aurait-il seulement été convoqué si Dupont n’avait pas bifurqué vers le Sevens ?
Tenter sa chance à VII, « c’est un choix inspirant. C’est un investissement pour Antoine, qui va porter ses fruits dans les années à venir », promettait Galthié avant d’aller à Cardiff. Il n’y aura pas eu besoin d’attendre autant.