Gabrielle Vernier : « On n’est pas loin de l’exploit » contre l’Angleterre
Neuf fois Gabrielle Vernier (26 ans, 44 sélections) a affronté l’Angleterre dans sa carrière. Et jamais, jamais, la trois-quarts centre du XV de France féminin n’a battu les Red Roses. Le plus gros écart, c’était 20 points, une défaite à domicile 10-33 à Grenoble le 14 novembre 2020. Et par deux fois l’écart n’a été que de deux points : 17-15 à Exeter le 16 novembre 2019 et le même score à Villeneuve-d’Ascq le 30 avril 2021.
Au moment d’affronter l’Angleterre pour le final en apothéose de ce Tournoi des Six Nations féminin 2024 à Bordeaux, la joueuse de Blagnac ne se berce pas d’illusions. « L’Angleterre sera favorite et on adopte cette casquette de créer l’exploit », évoque-t-elle dans le podcast bien nommé Crunch de L’Equipe.
« C’est un exploit à faire. On sait que ces Anglaises sont sur une énorme série sur le Six Nations. On a les armes pour essayer de rivaliser avec elles et on a hâte de montrer de quoi on est capables, de saisir l’opportunité de faire un Grand Chelem. »
Avec prudence, celle qui compte parmi les leaders dans le groupe cette année n’a pas voulu évoquer cet affrontement contre l’Angleterre dès le début du Tournoi. L’expérience, sans doute. La sagesse. « On sait qu’on est capables de parfois se fourvoyer, de faire de mauvais matchs. Penser à l’Angleterre dès le début du Tournoi, ça ne nous aurait pas aidé », dit-elle.
« On a bien appris à prendre les matchs les uns après les autres, à faire de bonnes performances pour grandir tout au long de ce Six Nations et je pense que c’est ce qu’on est arrivées à faire. On s’est construites, on a fait des matchs plus ou moins bien, avec plus ou moins de succès. Mais c’est de l’apprentissage et on a monté en niveau et en compétence pour avoir tous les ingrédients ce week-end. »
Les ingrédients nécessaires
Les ingrédients, c’est notamment ce jeu libéré, aussi plaisant à pratiquer qu’à regarder, insufflé par le duo de sélectionneurs Gaëlle Mignot et David Ortiz. C’est aussi cette mêlée qui a sauvé la France contre le Pays de Galles, alors que la touche était en piteux état avec six ballons perdus.
« C’est hyper important d’avoir une conquête propre pour les grands matchs. Les Galloises nous ont hyper bien lues et contrées pendant ce match. A nous de bosser fort pour proposer autre chose contre l’Angleterre. Heureusement qu’on a une mêlée très solide », sourit celle qui est ingénieure dans le civil.
Les ingrédients, c’est aussi cette discipline qui, jusqu’à présent n’avait pas fait défaut : 33 fautes sifflées en quatre rencontres, soit la deuxième équipe la plus disciplinée de ce Tournoi derrière l’Irlande et ses 32 fautes.
Tout allait pour le mieux jusqu’aux trois cartons subis contre le Pays de Galles lors de la quatrième journée. « Ce sont des faits de jeu. C’est un peu de la non-maîtrise de notre part. Ça arrive… Trois cartons, c’est vrai que c’est un peu beaucoup sur un match », tente-t-elle de relativiser.
Si les Bleues affichent un tel bilan c’est sans doute aussi grâce à la présence récurrente d’Aurélie Groizeleau, l’arbitre internationale, qui vient superviser les entraînements de temps en temps à Marcoussis.
« Elle nous fait des retours sur les matchs que l’on fait, nous donne des explications sur les fautes que l’on fait. Elle participe à nos oppositions et nous fait des retours en direct sur les fautes que l’on pourrait faire. C’est plutôt payant », apprécie Gaby Vernier.
Si proches de l’exploit
Tout comme les entraîneurs, la trois-quarts centre estime que le groupe est prêt à « créer l’exploit » face aux filles de John Mitchell, d’autant que cette victoire sera doublée d’un premier Grand Chelem depuis 2018. C’était son premier, son seul. Et depuis, rien.
« On est une génération qui travaille depuis des années et qui n’a pas de titre à se mettre sous la dent. C’est frustrant pour tout ce qu’on fournit au quotidien pour aller chercher des titres. Mais on n’est pas là à penser tout le temps qu’on ne gagne rien. Au contraire, on se dit qu’on n’est pas favorites mais on sait aussi qu’on n’est pas loin de l’exploit. Ce serait la plus belle des récompenses après tout le travail fourni depuis des années », assure-t-elle.
Si les Françaises sont conscientes qu’elles ne sont « pas loin de l’exploit », c’est qu’elles ont encore en tête la dernière rencontre entre les deux équipes, devant 58 498 spectateurs en 2023 à Twickenham. Les Anglaises avait remporté le Grand Chelem 38-33 au terme d’un match marqué par deux mi-temps bien distinctes.
« On a eu 20-25 minutes de blanc total où on se prend 30 points en 20 minutes », se souvient celle qui avait été sacrée Joueuse du Tournoi 2023. « On est dans leur camp pendant les 20 premières minutes et on ne score pas. C’est ce qui nous met dedans. Si on avait réussi à marquer dans les premières minutes du match de l’année dernière, je pense que la physionomie du match aurait été différente. »
Menées 33-0 à la pause et en difficulté après deux cartons jaunes (Jessy Trémoulière et Rose Bernadou), les Bleues se révolteront en seconde période avec un premier essai d’Emilie Boulard (48e), un deuxième de Gabrielle Vernier (55e), un troisième de Charlotte Escudero (65e), un quatrième d’Emeline Gros (76e) et un petit dernier de Cyrielle Banet (79e). Dans cet intervalle, les Red Roses ne pourront en inscrire qu’un seul. Mais le mal est déjà là.
« Sur les précédentes confrontations, il nous a manqué une première mi-temps », reconnaît Gaby. « C’est un souvenir frais. On en reparle entre nous. Cette deuxième mi-temps nous fait dire qu’on est capable de tout quand on joue libérées, quand on fait du beau rugby et qu’on s’amuse.
« On avait réussi à les faire totalement déjouer en deuxième mi-temps. Ce match de l’année dernière nous a montré ce dont on est capable quand tous les ingrédients sont réunis. Ça nous motive encore plus pour cette année parce qu’on est capables de faire de grandes choses contre elles. »
Les Françaises savent ce qu’il faut pour réussir et travaillent toute la semaine pour cela. La présence record du public au stade Chaban-Delmas de Bordeaux – « j’espère 30 000 spectateurs ! » – pourrait-être ce truc en plus dont la France a besoin pour l’emporter.