Joël Dumé sur l’arbitrage : « on a laissé le bon sens de côté »
Cette Coupe du Monde de Rugby 2023 est celle où on a le plus parlé de l’arbitrage. « Et ce n’est jamais très bon signe », regrette Joël Dumé, le patron des arbitres de Rugby Europe. « On préfère parler du jeu et des joueurs que de parler des arbitres. »
Invité à partager sa passion dans l’émission 100% UBB sur France Bleu Gironde le 19 décembre, le Girondin d’origine est revenu longuement sur cette Coupe du Monde de Rugby 2023 en France où l’arbitrage a été trop souvent au centre des discussions.
Le bunker : une mise en place trop rapide
Selon lui par exemple, le recours au bunker était, à la base, une bonne chose pour garder un certain rythme dans le match. « Vous savez, lorsque le jeu est arrêté et que l’on visionne sur le grand écran plusieurs fois la même phase de jeu, le public s’impatiente, tout le monde a un avis différent et ce n’est jamais très bon. Donc sur le fond c’était plutôt bien. Le problème vient des décisions prises et j’ai trouvé beaucoup d’incohérences dans les décisions prises », dit-il.
« C’est un avis très personnel, mais je crois qu’on a été trop rapide dans la mise en place de ce bunker. Ce sont des gens qui se trouvaient délocalisés à Roland-Garros et qui avaient pour mission de revisionner des actes de jeu déloyal qui avaient été détectés par l’arbitre qui, lui, n’avait sorti qu’un carton jaune, et qui pouvait, dans un temps de huit minutes exactement, se transformer en carton rouge.
« Sur le fond, c’est incontestablement une bonne chose parce que ça a évité de trop longs arrêts de jeu (…). Mais ça a manqué de cohérence, d’unité et ça, incontestablement, c’est préjudiciable, ne serait-ce que pour la crédibilité de la compétition. »
La volonté d’extrême précision a été préjudiciable
Autre point noir relevé par celui qui était auparavant directeur national de l’arbitrage à la FFR, la volonté des instances d’être irréprochable sur les décisions d’arbitrage quitte à être trop précises dans les décisions.
« Je crois que le fond du problème dans l’arbitrage de la Coupe du Monde a été l’extrême précision souhaitée par les instances. Quand je parle d’extrême précision, c’était le zéro erreur et être extrêmement précis », détaille Joël Dumé.
« En voulant être très précis, on a laissé le bon sens de côté. J’en veux pour preuve le fameux en-avant ou pas du quart de finale France-Afrique du Sud. Y a-t-il en-avant ou pas ? Je ne suis pas sûr qu’il y ait en-avant. »
Retour sur le terrain du Stade de France le 15 octobre 2023. A la 7e minute de jeu, alors qu’un essai semble être promis à la France qui n’a plus que cinq mètres à parcourir avant de plonger dans l’en-but, le deuxième-ligne Eben Etzebeth tente d’intercepter une passe de Damian Penaud à Thomas Ramos d’une main tendue.
A vitesse réelle, tout le monde crie au en-avant volontaire du Springbok. De tels gestes ont d’ailleurs été sanctionnés la veille et le jour même. Sauf que le visionnage de la vidéo montre bien qu’il ne s’agit pas de cela.
« Il essaie de l’attraper à une main, et elle va en arrière », affirme, catégorique, l’arbitre Ben O’Keeffe aux Français qui ne comprennent pas. Mais le doute subsiste.
« Et effectivement, avec les images vidéo, on les a vues, revues, tout le monde a un avis divergent », reprend Joël Dumé.
« On ne sait pas s’il y a en-avant ou pas. En tout cas, le bon sens aurait voulu qu’on siffle un en-avant et un carton jaune. Et en sifflant un en-avant et un carton jaune, je ne suis même pas sûr que les Sud-Africains auraient râlé. C’était tellement évident ! C’était une décision de bon sens. »