La gestion des enfants dans le rugby d’élite féminin : le précédent Agathe Sochat
Comme le dit Agathe Sochat (28 ans, 47 sélections), « peut-être qu’un jour, ça ne sera même plus un sujet ». Sauf qu’aujourd’hui, accueillir sa fille de presque deux ans (le 30 mars) pendant plusieurs jours à Marcoussis pour la préparation du Tournoi des Six Nations est suffisamment rare pour qu’on en parle.
En fait, c’est la première fois que ça se produit. « C’est quelque chose que l’on prépare depuis un moment », révèle Gaëlle Mignot, co-sélectionneure du XV de France féminin.
Nina avait failli partir en Nouvelle-Zélande sur le WXV
« Il était prévu que la fille d’Agathe vienne avec nous en Nouvelle-Zélande (pour le WXV à l’automne 2023, ndlr) parce que c’est une compétition qui est longue et Agathe avait émis le souhait de pouvoir avoir sa fille proche d’elle. La fédération avait accepté. Malheureusement, Agathe se blesse au tout début de la Nouvelle-Zélande et l’expérience n’a pas pu avoir lieu. »
Cette fois, la petite Nina a pu accompagner sa maman au centre national du rugby (CNR) à Marcoussis pendant plusieurs jours. La fédération avait proposé qu’elle arrive le samedi soir et qu’elle reparte le mercredi précédent le match d’ouverture contre l’Irlande.
« C’est un besoin que je ressentais. Je suis ravie d’avoir eu une écoute à ce niveau », confie Agathe Sochat. « C’est mon épouse (Adèle, ndlr) qui l’a amenée ici et qui la garde. Elle est là dans l’enceinte, dans le CNR.
« J’assiste à toutes les réunions, les entraînements, les repas avec l’équipe. Mais dans une journée on a des temps off et j’y vais quand j’ai rien d’autre à faire et à la fin de la journée. Même 20 minutes, c’est pour moi très ressourçant.
« C’est vraiment un bonheur pour moi de l’avoir ici, de rendre ces six semaines un peu moins longues. C’est la première fois que ça se fait ici. C’est une super opportunité et j’en suis ravie. D’un point de vue bien-être personnel, c’est une bouffée d’air. »
Nina est née en plein Tournoi des Six Nations
Il semble que le destin de Nina soit intimement lié au Tournoi des Six Nations puisqu’elle est née le 30 mars 2022, alors en plein Tournoi, quelques jours après la victoire de la France sur l’Italie (39-6). Titulaire sur la rencontre, Agathe avait joué les 62 premières minutes et ne s’était pas économisée (12 plaquages).
Alors qu’elle préparait la prochaine rencontre face à l’Irlande le week-end suivant, Agathe fut réveillée en pleine nuit par des messages de sa compagne puis un appel qui annonçait des contractions.
« Et là… Branle-bas de combat », a-t-elle raconté à l’époque à nos confrères du Midi Olympique. « À 5h20, je suis debout dans la chambre à faire ma valise. J’ai réveillé ma coloc’ Céline Ferer, mais elle a été top. Elle a appelé le taxi et consulté les vols pour que je prenne le plus rapide…
« J’ai pris l’avion à 8h20 et des gens de ma famille sont venus me chercher à l’aéroport de Toulouse. Il était convenu que je joue l’Irlande le 2 avril et que je rejoigne ensuite mon épouse car son terme était prévu pour le 8. C’est arrivé finalement un peu plus tôt que prévu. »
Remplacée par Laure Touyé contre l’Irlande puis l’Ecosse, Agathe avait retrouvé l’équipe pour battre le Pays de Galles avant de finir face à l’Angleterre.
Le bien-être de toute une équipe
« Le sourire d’Agathe et des filles est le bel exemple », observe Gaëlle Mignot. « Les filles de Bordeaux la chouchoutent un peu plus », rigole, un brin jalouse, la troisième-ligne du Stade Toulousain Charlotte Escudero (23 ans, 15 sélections).
« Ça change, ça casse un peu la routine et ça apporte un plus. C’est que de la mignonnerie. On est hyper contentes de la voir. Ça apporte un peu de fraîcheur dans le groupe. »
Pour la pilier de Bordeaux Annaëlle Deshaye (28 ans, 34 sélections), « c’est une bulle d’oxygène pour tout le monde. Ça permet de se dire qu’il y a la famille pas loin. Nina, tout le monde la connait. On la voie, on a envie de rire. »
Pour le staff, cette première expérience semble concluante. « On est en quête d’expériences en permanence dans tout ce que l’on fait. Le bien-être de nos joueuses est important. C’est une expérience, on est en train de construire », explique Gaëlle Mignot.
« On veut avoir un équilibre entre le bien-être personnel et le bien-être de l’équipe, d’avoir cette bulle équipe. On a accordé à Agathe de venir avec sa petite sur ce début de semaine et aujourd’hui ça porte ses fruits. Tout le monde est content. »
Une révolution dans le rugby d’élite féminin
Cette innovation pourrait bien entraîner une révolution dans le rugby d’élite féminin comme l’espère l’une des leaders du groupe, Marine Ménager. « C’est vraiment génial pour les générations futures », se réjouit-elle.
« Nous on a peu construit notre carrière en se disant : ‘ma fin de carrière sera le jour où j’ai envie d’avoir un enfant et je n’ai pas d’autre option’. Aujourd’hui pour les jeunes qui viennent d’intégrer le XV de France, peut-être qu’elles ne vont pas se fermer cette porte-là et se dire qu’elles peuvent jouer jusqu’à 35 ans parce que leur corps le permet, leurs performances le permettent et en plus aujourd’hui elles peuvent se permettre d’avoir un enfant sans que ça les pénalise sur la vie personnelle et la vie de sportive car les deux vont ensemble. C’est génial.
« Parlons-en, montrons le quotidien de ce que c’est d’avoir Nina avec nous au sein de l’équipe. C’est notre petit rayon de soleil. Tout le temps en train de sourire, elle joue aux jeux avec nous. Ça fait du bien à tout le monde. »
La France entamera le Tournoi des Six Nations en recevant l’Irlande au Mans samedi 23 mars.