Le Sevens, vecteur de développement du rugby féminin
Le rugby à VII, une version dynamique et rapide du rugby à XV, a connu une montée en puissance remarquable au cours des dernières décennies. Cette variante a non seulement transformé la perception globale du rugby, mais elle a également joué un rôle crucial dans la promotion et le développement du rugby féminin.
Et pourtant, on partait de loin. « Je suis tout à fait contre?! Les femmes n’ont rien à faire sur un terrain de rugby », s’offusquait par exemple Frantz Reichel, champion olympique à XV en 1900. « Elles ne peuvent pas y jouer. C’est dangereux pour elles et sans élégance. Elles ont assez de sports comme ça?; qu’elles s’en contentent », s’emportait celui qui laissera son nom à une catégorie de jeunes (19-21 ans).
Mais grâce à l’intégration du rugby à VII aux Jeux Olympiques, masculin comme féminin, et à l’augmentation de la visibilité médiatique, le Sevens a offert de nouvelles opportunités pour les joueuses et a inspiré une génération entière de jeunes athlètes.
L’impact des Jeux Olympiques
L’inclusion du Sevens aux Jeux Olympiques a été une décision historique qui a eu un impact profond sur le sport, notamment pour les femmes. Depuis son introduction à Rio en 2016, le rugby à VII a capté l’attention du monde entier.
La visibilité accrue lors des Jeux Olympiques a permis aux septistes féminines de se présenter sur la scène mondiale, démontrant leur talent et leur détermination. Cette exposition a conduit à une reconnaissance et un respect accrus pour le rugby féminin, attirant plus de sponsors et de financements nécessaires pour le développement du sport.
« Depuis Rio, le rugby féminin a connu une évolution fulgurante », confiait John Manenti à USA Today, l’ancien entraîneur de l’Australie, première nation championne olympique de Sevens chez les filles. « À l’époque, nous étions l’une des seules équipes professionnelles. Maintenant il y a huit ou neuf équipes sur le circuit qui sont entièrement professionnelles », poursuivait-il, démontrant l’impact positif des JO sur la pratique féminine.
Une exposition médiatique sans précédent
La médiatisation du rugby à VII a également joué un rôle clé dans la promotion du rugby féminin. Les retransmissions télévisées des compétitions internationales ont permis d’atteindre des audiences larges et diversifiées. Par exemple, le tournoi de Sevens féminin des JO de Tokyo 2020 a généré des millions de vues en ligne et une couverture médiatique extensive.
Selon un rapport de Nielsen, « La participation aux Jeux olympiques s’est avérée être un moteur d’intérêt et de sensibilisation au niveau mondial, en particulier dans les nations émergentes de rugby, 54 % d’entre elles reconnaissant que les Jeux Olympiques ont accru leur intérêt pour ce sport et 63 % regardant le rugby à VII pour la première fois ».
Mais les JO, que le Sevens va fréquenter pour la 3e fois seulement cet été à Paris, ne sont pas les seuls responsables de ce développement. Le circuit mondial, organisé depuis 25 ans, comprend huit étapes dans le monde entier, et est fréquenté par douze équipes. L’étape de Hong Kong, par exemple, est mythique et a largement servi à promouvoir la discipline, aussi bien masculine que féminine.
Des modèles inspirants pour les jeunes filles
L’essor du rugby à VII a également mis en avant des figures emblématiques du rugby féminin, qui sont devenues des modèles pour les jeunes athlètes. Des joueuses comme la Néo-Zélandaise Portia Woodman (championne olympique 2020 et vice-championne 2016 et l’Australienne Charlotte Caslick (championne 2016) ont capté l’attention des jeunes filles du monde entier.
« Voir des femmes exceller sur la scène mondiale du Sevens, c’est inspirant pour toutes les jeunes filles qui poursuivent leurs rêves sportifs », explique Sarah Hirini, capitaine de l’équipe de Nouvelle-Zélande, plus de 250 essais sur le circuit SVNS HSBC.
« L’impact des Jeux Olympiques sur le rugby féminin est énorme. Les jeunes filles voient des modèles à suivre et cela les motive à s’inscrire dans des clubs », renchérit la journaliste française Isabelle Ithurburu.
Développement et investissement dans les infrastructures
Avec l’intérêt croissant pour le Sevens, les investissements dans les infrastructures pour le rugby féminin se sont accrus. Les fédérations nationales ont commencé à consacrer plus de ressources à la formation et au développement des équipes féminines.
Rugby Canada a par exemple lancé des programmes dédiés pour encourager la pratique du Sevens par les filles, et ce dès le plus jeune âge. « Si l’on veut que notre sport continue de grandir, il faut investir dans le rugby féminin », affirmait Allen Vansen, alors PDG de Rugby Canada, en 2021, mesurant alors le potentiel de la discipline.
« La Fédération (FFR) nous prépare bien et la professionnalisation permet de sécuriser le parcours et d’être salariée depuis 2017. Ce statut professionnel est aussi une avancée », informe l’internationale française Caroline Drouin auprès de Ouest-France.
Égalité et représentation
L’un des aspects les plus significatifs de l’essor du Sevens est son rôle dans la promotion de l’égalité des sexes dans le sport. La parité entre les tournois masculin et féminin aux JO a envoyé un message fort sur l’importance de l’égalité dans le sport.
« L’égalité des sexes était un message central pour les JO de Tokyo et l’exceptionnel tournoi féminin a produit un match extraordinaire, avec la finale pour la médaille d’or lors du ‘Super samedi’. Les réseaux sociaux de World Rugby ont assuré une couverture équitable avec 44 % de contenu féminin, 48 % de contenu masculin et 8 % de contenu unifié », avance l’instance internationale, qui se base sur une étude menée par Nielsen en septembre 2021.
On l’a vu, l’essor du rugby à VII a été une bénédiction pour le rugby féminin. Grâce à sa présence aux Jeux Olympiques, à une couverture médiatique accrue et à des investissements ciblés, le rugby féminin a gagné en visibilité et en popularité. Les jeunes filles du monde entier ont maintenant des modèles sur qui prendre exemple et des opportunités pour s’engager dans le sport à un niveau compétitif.
L’objectif fixé par Katie Sadleir, ancienne directrice générale en charge du rugby féminin à World Rugby, n’est plus très loin : « Lorsque nous arriverons à parler d’une seul et même sport, le rugby, quelle que soit la pratique, masculine ou féminine, alors ce sera une véritable réussite ».