Les Anglais toujours plus nombreux à s’épanouir en Top 14 : « Ils peuvent très bien s’adapter au rugby français »
Conséquence de la mauvaise santé financière de la Premiership, des joueurs anglais de haut niveau sont venus exporter ces dernières années leurs talents en Top 14. Ils font désormais partie intégrante du paysage rugbystique français, à l’image des Fidjiens ou des Néo-Zélandais.
Voilà bien longtemps que le Top 14, championnat d’élite qui regroupe la crème du rugby mondial, s’est accoutumé à parler anglais. Voir des Anglais, sujets de sa Majesté, pousser la porte des vestiaires de l’élite hexagonale est en revanche bien plus récent.
À la marge avant les années 2020, le phénomène s’est depuis démocratisé. Alors qu’ils n’étaient que six à démarrer la saison 2018-2019, ils sont cette année 24 Anglais ou internationaux anglais répartis dans 12 clubs de Top 14 (seuls Bordeaux et Clermont n’en ont pas). Soit sensiblement autant que le contingent néo-zélandais, plus ancré historiquement en France.
Poussés à l’exil par une économie anglaise laissée exsangue par l’épidémie de Covid-19 – qui a conduit à la disparition des Wasps, de Worcester et des London Irish – bien plus que par le souvenir glorieux de Jonny Wilkinson à Toulon, plusieurs actifs forts de Premiership sont venus frapper à la porte des clubs français. Même la Pro D2 a été enrichie par l’arrivée de têtes d’affiche capées comme Jonny May (78 sélections) à Soyaux-Angoulême ou Courtney Lawes (105 sélections) à Brive.
« Des joueurs robustes, aguerris et endurants pour le Top 14 »
« Cet apport est plutôt une réussite », affirme le manager de la Section paloise Sébastien Piqueronies, qui compte quatre Anglais dans son effectif et confie régulièrement l’animation de son jeu à la charnière 100% anglaise Dan Robson – Joe Simmonds.
« La culture est différente mais ces joueurs ont l’habitude d’un championnat long et pour les meilleurs d’entre eux de naviguer entre club et équipe nationale. Ce sont des joueurs robustes, aguerris et endurants pour le Top 14. Ils sont très faciles à coacher car ils ont une connaissance du haut niveau élevée et vont très vite à l’essentiel. »
Pour une adaptation parfois express, à l’image de Joe Simmonds, meilleur réalisateur l’an dernier avec Pau pour sa première saison en France, ou encore du Toulousain Jack Willis, d’entrée étincelant en ‘rouge et noir’ et élément déterminant du doublé haut-garonnais la saison dernière.
On ne manquera pas non plus d’évoquer le triplé retentissant d’Henry Arundell – pépite du XV de la Rose lors de la dernière Coupe du Monde – à Mayol pour ses débuts avec le Racing 92 le 13 novembre 2023. Simmonds, Willis, Arundell : des joueurs dans la fleur de l’âge qui pourraient encore prétendre à la sélection mais qui y ont choisi d’y renoncer en venant en France.
Le Racing 92 à l’heure anglaise
Pour l’ex-fusée des London Irish, la première flamboyante a laissé place à des lendemains moins enjoués, liés aussi à la concurrence dans un club où il peut néanmoins se sentir à bien des égards comme chez lui.
Avec cinq joueurs, un manager, un team manager et deux analystes vidéo sujets de Charles III, le Racing 92 est en effet le plus “british” des clubs du Top 14.
Arrivé la saison dernière à la tête de l’institution altoséquanaise, l’ancien sélectionneur du XV de la Rose Stuart Lancaster connaît bien les enjeux de l’adaptation à un rugby différent.
« En Angleterre, quand vous êtes un jeune joueur, on vous parle de système et de structure. En France, on vous dit d’attaquer les espaces. Quand elle est maîtrisée, cette façon de jouer à la française est inarrêtable », soutient-il.
« On le voit avec le Stade toulousain et l’équipe de France. C’est le meilleur rugby car il n’y a pas de rucks, de structure et c’est impossible à défendre. La capacité de faire vivre le ballon constamment est une philosophie forte en France. En Angleterre, on apprend aux joueurs l’inverse : c’est par les détails du système et de la structure qu’on veut franchir le rideau défensif. »
L’appréhension d’un autre rugby
Une approche différente, pas irrémédiablement inconciliable avec ce qui est pratiqué de ce côté de la Manche, mais qui nécessite une certaine souplesse d’esprit.
« Le défi a été pour moi d’adapter ce que j’ai appris en Angleterre et en Irlande avec les joueurs et la philosophie de jeu du Racing 92 et du Top 14 », poursuit Lancaster.
« Dans le rugby moderne, les défenses se sont nettement améliorées au fil des ans avec des joueurs plus costauds, plus en forme et capables de répéter les tâches. Greffer le souci du détail à cette philosophie de jeu à la française est pour moi la clé du succès à haut niveau. C’est ce que nous essayons de faire au Racing. »
Un mariage des cultures qui produit jusqu’à présent des résultats mitigés dans le 92, jadis considéré comme un des bastions forts du french flair. Une notion que s’attachent aujourd’hui à maîtriser avec plus ou moins de succès les Owen Farrell, Jack Nowell, Joe Marchant, Sam Simmonds et autres stars de la patrie berceau du rugby venues tenter l’aventure en France.
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