Les équipes d’Afrique du Sud ont-elles encore un avenir en Champions Cup ?
Le patron des Sharks de Durban John Plumtree, n’a pas mâché ses mots pendant le week-end, alors que son équipe venait d’essuyer une lourde défaite 56-17 contre les Leicester Tigers. Même chose pour son collègue des Stormers John Dobson qui s’est interrogé publiquement s’il fallait maintenir les équipes d’Afrique du Sud en Champions Cup.
Après leur victoire convaincante contre les Exeter Chiefs à domicile (39-21) au Hollywoodbets Kings Park le 7 décembre, les Sharks ont dû changer d’hémisphère pour affronter Leicester moins d’une semaine plus tard et se prendre une rouste.
Même chose pour les Stormers laminés par les Harlequins (53-16) une semaine après avoir affronté Toulon chez eux (14-24). Après ce week-end prolongé dans l’hémisphère Nord, les deux équipes ont dû vite revenir poursuivre l’URC en recevant les Bulls (pour les Sharks) et les Lions (pour les Stormers).
Se passer des cadres
Avant son déplacement en Europe, le coach des Sharks John Plumtree avait établi une liste de joueurs indisponibles pour cause de blessure (Eben Etzebeth, Lukhanyo Am, Makazole Mapimpi et Bongi Mbonambi) ou de mise au repos (Siya Kolisi, Ox Nche, Andre Esterhuizen) en nommant un XV avec huit changements.
Pour sa part, John Dobson a dû composer sans Manie Libbok, Damian Willemse ou Frans Malherbe au risque de donner le sentiment de manquer de respect à l’équipe accueillante. « C’est comme si on était invité à l’anniversaire de quelqu’un et qu’on se plaignait des chips », a-t-il illustré.
Une pression physique et mentale pour les joueurs
Les deux entraîneurs se retrouvent sur l’énorme pression physique et mentale que subissent les joueurs sud-africains en cumulant les matchs du United Rugby Championship et de la Champions Cup.
« Bien sûr que je veux venir ici avec notre meilleure équipe et offrir un grand spectacle à Leicester. Je comprends la frustration des supporters. Croyez-moi, je veux que l’on montre ce dont on est capables. Mais la réalité, c’est qu’il faut prendre soin de ces athlètes. Ce ne sont pas des robots », a martelé Plumtree, des Sharks.
« Les Sud-Africains sont aujourd’hui traités comme des machines. On ne peut pas les voir performer à leur meilleur niveau chaque semaine sans répit. Nous devons être responsables et préserver leur santé sur le long terme. »
Irlande – Pays-de Galles – Italie – Afrique du Sud
Pour mieux se rendre compte de la situation, regardons de plus près le calendrier des Sharks, par exemple, depuis le début de la saison… Leur premier match a eu lieu le 28 septembre en Irlande (défaite 36-30 face au Connacht). La semaine suivante, ils poursuivaient leur voyage au Pays de Galles pour l’emporter 33-30 sur les Dragons de Newport, puis vers l’Italie le 12 octobre où ils se sont inclinés face au Benetton Trevise (38-10).
Leur premier match chez eux était deux semaines plus tard face au Munster (victoire 41-24), puis ils ont enchaîné contre les Stormers (21-15) un mois plus tard avant de se concentrer sur la Champions Cup.
Après un troisième match à domicile (contre Exeter) le 6 décembre, nouveau voyage en avion vers l’hémisphère Nord pour affronter Leicester le 14 décembre en Angleterre avant de vite revenir pour la réception des Bulls le week-end suivant, d’enchaîner au DHL Stadium au Cap contre les Stormers, d’accueillir Toulouse en Champions Cup le 11 janvier et de repartir dans l’hémisphère Nord pour s’enquiller Bordeaux (le 19 janvier) et Cardiff le 25
Une chance de participer à la Champions Cup
Si on peut comprendre la position de Plumtree, celle-ci n’est pas partagée par l’ancien sélectionneur des Wallabies et désormais entraîneur des Leicester Tigers, Michael Cheika. « Il n’y a pas de problème à résoudre », dit-il. « C’est la Coupe d’Europe, le sommet du rugby de clubs en Europe. L’objectif est de faire de son mieux et d’aller la gagner contre les meilleures équipes. Je ne vois rien de problématique dans le format actuel. »
Il convient de rappeler que personne n’a tordu le bras aux équipes du Sud pour rejoindre la Champions Cup pour la saison 2022-2023. Tournant le dos au Super Rugby, elles pensaient que jouer sur les mêmes fuseaux horaires seraient à la fois moins néfastes pour la santé des joueurs et bénéfiques pour les droits de retransmission TV.
John Dobson lui-même est conscient de la chance qu’il a de jouer avec les Stormers dans ce championnat inter-continental. « Nous devons participer à ce tournoi parce qu’il est d’un niveau si élevé et qu’il s’agit d’un grand tournoi », assure-t-il.
« Et si on ne fait pas partie de la Champions Cup, et que l’URC se transformait en un championnat anglo-britannique qui nous obligerait à revenir à la Currie Cup des années 1980 où on jouait contre Griqualand West et Free State dans la poussière de Kimberley, ce serait désastreux pour le rugby sud-africain. »
Mieux agencer le calendrier
« Cette compétition est probablement ce qui nous a tant aidés en Coupe du monde. Chaque ruck est un combat. Chaque mêlée est un contest de 20 secondes. Chaque touche ou chaque maul est une compétition », détaille-t-il.
« Ça a donné un élan considérable au rugby sud-africain et on doit faire en sorte de pouvoir nous maintenir. Mais des soirées comme celle-ci n’aident pas. »
Pour autant, Plumtree maintient son appel à une révision du calendrier de la compétition. « Je pense que les organisateurs doivent se poser des questions : ‘Pourquoi envoyons-nous une équipe ici pour une seule semaine ?’ On arrive le mercredi et on joue le samedi. Ce n’est pas vraiment optimal en termes de performance. Peut-être devrions-nous venir pour disputer plusieurs matchs et rester une quinzaine de jours. Ils doivent réfléchir à cela », a-t-il insisté.
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