Les Jeux olympiques seront un tournant pour le rugby à Sept
Par Rupert Cox
Avant le Madrid Sevens du week-end dernier, la joueuse des Black Ferns, Portia Woodman-Wickliffe, a partagé son parcours de vie et de rugby avec l’équipe de commentateurs. Pendant une demi-heure captivante, mêlant humour et émotion, elle a raconté ses débuts en tant que joueuse semi-professionnelle de netball, aspirant à devenir une Silver Fern. À l’époque, le netball était la seule voie pour les athlètes féminines néo-zélandaises désireuses de pratiquer un sport professionnel, et Portia était animée par une ambition débordante.
Cependant, le netball ne s’est pas avéré être sa voie vers le professionnalisme. Son talent exceptionnel a attiré l’attention des recruteurs de rugby avant les Jeux olympiques de Rio, qui l’ont ensuite dirigée vers ce sport. Le reste, comme on dit, est entrée dans l’histoire : Woodman-Wickliffe a conquis tous les grands titres en rugby à quinze et à sept. Elle détient le record du nombre d’essais marqués lors des HSBC SVNS World Series et a franchi la barre des 250 réalisations à Singapour le mois dernier.
Une anecdote particulière de Portia a captivé l’attention. À Rio 2016, lors de ses premiers Jeux olympiques, les Black Ferns ont été battues en finale par l’Australie. Pour beaucoup, une médaille d’argent en rugby serait une réussite, mais pour une Néo-Zélandaise née et élevée dans le rugby, cela ne signifiait que la défaite.
Quatre ou cinq ans plus tard, en 2021, les démons de Rio ont été chassés par une performance impériale lors de la finale des Jeux olympiques de Tokyo contre la France. C’était le moment pour lequel elles s’étaient battues, avaient travaillé, avaient souffert, s’étaient sacrifiées et avaient rêvé. Elles étaient championnes olympiques, médaillées d’or. Elles avaient atteint le sommet de leur Everest.
Sauf que.
Selon Portia, ce moment de triomphe et d’exaltation a plutôt été marqué par un sentiment de vide. Malgré leurs médailles d’or autour du cou, dans le magnifique stade de Tokyo pouvant accueillir 50 000 personnes, il n’y avait personne. Le silence régnait. Aucun spectateur n’avait été autorisé à assister à l’événement. Après avoir célébré du mieux qu’elles le pouvaient (tous les ingrédients de la fête avaient été entrés clandestinement dans l’hôtel de l’équipe), la première équipe néo-zélandaise à remporter une médaille d’or aux Jeux olympiques en rugby à sept est rentrée chez elle et a été immédiatement placée en quarantaine. Plutôt que de célébrer publiquement, l’équipe s’est discrètement conformée au confinement national.
Ce sentiment de soufflé qui retombe n’a pas seulement été ressenti par Portia. Depuis que le Sevens est devenu un sport olympique – ce moment qui a soi-disant « changé la donne » lorsque le CIO lui a accordé le statut de sport olympique – nous aspirons aux feux d’artifice et à l’éblouissement, au pétillement et aux skills de ce merveilleux sport pour qu’il soit mis en valeur aux Jeux olympiques. Mais les circonstances ont depuis joué en sa défaveur.
Pendant la période du Covid et ses conséquences prolongées, même les radiodiffuseurs ont eu du mal. J’étais commentateur à Tokyo pour la chaîne américaine NBC, qui espérait captiver l’Amérique avec le rythme rapide et les sensations fortes de ce sport, et peut-être même diffuser en direct la victoire d’une médaille américaine à des millions de téléspectateurs aux États-Unis. Cependant, malgré le talent déployé et l’intensité des compétitions sur le terrain, le vide à l’intérieur du stade a miné l’enthousiasme et l’énergie que les commentateurs tentaient d’insuffler. Comme l’a confirmé Portia, un stade vide crée un vide émotionnel. L’élan du rugby à sept semblait s’être dissipé.
À seulement 50 jours des Jeux olympiques de Paris, organisés par une grande nation du rugby, nous espérons tous que le moment tant attendu est enfin arrivé – le moment où Portia, et le rugby à sept dans son ensemble, auront enfin l’occasion de briller, de susciter l’engouement, de s’enflammer et de se hisser parmi les meilleurs. Paris pourrait bien être le catalyseur du changement promis depuis 2016, et pour l’instant, l’avenir semble prometteur.
Le tournoi de rugby à sept est le deuxième événement le plus vendu des Jeux, avec six jours d’action hommes et femmes, à guichets fermés dans le puissant Stade de France. Bien que le stade soit configuré pour l’athlétisme, 60 000 spectateurs seront toujours présents, captivés par l’atmosphère unique et indomptable du rugby à sept, qui le distingue si nettement des autres sports. Vingt-quatre équipes venues du monde entier s’affronteront pour les médailles devant un nombre de supporters jamais atteint lors d’une compétition de rugby à sept. Le bruit, l’ambiance et le spectacle seront au rendez-vous.
Les Français, nous le savons, ont une passion particulière pour leur rugby, et en tant que pays hôte, ils excellent, et même au-delà. L’équipe de France féminine se bat régulièrement pour des médailles dans les HSBC SVNS Series, tandis que l’équipe masculine vient de remporter la première Grande Finale de Madrid après avoir été sacrée à Los Angeles.
Bien sûr, il y a Antoine Dupont. Le joueur de rugby le plus célèbre du monde, probablement le meilleur, et certainement le plus passionnant. Sa renommée est immense : à Madrid, j’ai rencontré un fan français qui avait parcouru tout le chemin depuis Carcassonne juste pour le voir jouer au rugby à sept. Il n’était pas le seul. Dupont, dont les exploits à XV résonnent encore dans les rues de Toulouse, n’a participé qu’à trois tournois des Series, mais il a déjà remporté une médaille de bronze et deux médailles d’or.
Il a été sélectionné dans la Dream Team lors de ces trois événements, a remporté le titre de « Révélation de la saison », et sa contribution à ses coéquipiers de l’équipe de France 7 est indéniable. Après avoir été éliminé de la Coupe du Monde de Rugby 2023 à Paris l’année dernière, le demi de mêlée a maintenant l’opportunité de décrocher une médaille d’or lors des Jeux olympiques à domicile, devant un public enthousiaste et passionné. Tout comme Jonah Lomu l’a fait pour le rugby à quinze en 1995, Antoine Dupont peut accomplir la même prouesse pour le rugby à sept en 2024.
À cinquante jours de l’événement, nous avons le sentiment de construire le moment que nous avons tous tant espéré pour le rugby à sept. Alors que les circonstances ont semblé étouffer l’étincelle à Tokyo, les planètes s’alignent désormais pour l’enflammer dans la Ville Lumière.
Le compte à rebours est lancé et l’adrénaline monte, non seulement dans les stages de préparation des joueurs, mais aussi dans les coulisses du réseau international de rugby. Joueurs, administrateurs, sponsors, diffuseurs et supporters. Nous le ressentons tous. 2024 a toutes les chances d’être l’année du rugby à sept. Go !
Cet article publié à l’origine en anglais sur RugbyPass.com a été adapté par Willy Billiard.