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Marc Lièvremont, le « sale gosse » devenu sélectionneur du XV de France

French Flair, Spécial Coupe du Monde de Rugby, épisode 2

Marc Lièvremont est un cas unique dans l’histoire du rugby. Il est en effet le seul à avoir disputé deux finales de Coupe du Monde de Rugby en tant que joueur (1999) et sélectionneur (2011) et à chaque fois sous les couleurs de la France.

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Il aurait même pu compter une deuxième Coupe du Monde, en 1995, mais il obtient sa première sélection avec le XV de France juste après le mondial en Afrique du Sud. « J’étais certainement à maturité tardive. J’avais eu quelques stages en équipe de France mais j’avais très certainement manqué aussi un peu d’ambition », explique-t-il au micro de World Rugby.

« J’étais un profil un peu particulier parce que, en tant que troisième ligne aile, j’étais à 90 kilos, donc c’était quand même des standards de poids déjà à l’époque. Mes concurrents, entre guillemets, c’était des Benazzi qui étaient à deux mètres et 115 kilos. Et donc c’est arrivé sur le tard et j’ai eu assez peu de sélections d’ailleurs, 25 sélections seulement. Pas mal de blessures aussi. »

Un gabarit qui ne l’empêchera d’ailleurs pas de disputer la Coupe du Monde de Rugby à Sept à Hongkong en 1997 avec son frangin Thomas et olivier Magne.

25 sélections qui le mèneront jusqu’en 1999 (même s’il prend sa retraite de joueur en 2002) et cette demi-finale de légende contre la Nouvelle-Zélande (gagnée 43-31). Mais avant d’y arriver, il faudra en baver avec le couple de sélectionneurs Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux. Skrela dira d’ailleurs que cette Coupe du Monde fut « humainement difficile à vivre pour tous les membres du groupe France ».

« J’ai le sentiment d’avoir vécu cette Coupe du monde 99 avec beaucoup de fraîcheur, beaucoup d’enthousiasme ; j’étais juste heureux d’être là », se rappelle pour sa part Lièvremont. « Je revenais d’une grave blessure à la clavicule et j’étais absolument pas certain d’être dans les petits papiers.

« J’ai eu la confiance incroyable de Skrela et de Villepreux qui m’ont pris alors que ça faisait six mois que je ne jouais plus au rugby. J’étais plein d’ambition et très loin évidemment de l’état d’esprit des entraîneurs de l’époque qui étaient extrêmement critiqués. »

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Déjà à cette époque, les médias avaient parlé d’un groupe de joueurs en auto-gestion… une situation qui ne sera pas sans rappeler ce que Lièvremont vivra lui-même douze ans plus tard en tant que sélectionneur cette fois.

« Pour moi, je n’ai jamais eu le sentiment qu’en 99, il y avait une forme d’auto-gestion, mais plutôt une responsabilisation des acteurs. À Dublin, en quarts de finale contre les Pumas qui n’étaient pas encore les Pumas d’aujourd’hui et que l’on maîtrisait à peu près. Et puis ce match qui a été abordé en demi-finale contre les All Blacks. Il y avait une forme de certitude de tous les acteurs que la France n’avait pas la moindre petite chance de gagner ce match. »

D’ailleurs, à ce moment-là, les bookmakers en Nouvelle-Zélande ne misaient pas sur la victoire des All Blacks, mais bien sur l’écart qui allait les séparer des Français.

« On s’est préparé en se disant bon, d’accord, on n’a aucune chance, mais on y va », en rigole aujourd’hui Marc Lièvremont dont l’objectif était de « jouer pour éviter l’humiliation ».

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« Toujours est-il qu’on a mis une intensité dans la préparation, dans l’investissement. C’était assez incroyable. Les Blacks ont toujours été dominants dans l’histoire des Coupes du monde et cette année-là, ils ont massacré tout le monde sur leur passage. C’était vraiment mission impossible.

« Il y avait à la fois un contexte assez particulier parce que nos dirigeants étaient clairement soulagés que la France soit qualifiée en demi-finale alors qu’on nous promettait l’enfer. Nos entraîneurs étaient soulagés, les supporters étaient plutôt contents, mais c’était une forme de bonus et on a mis des ingrédients assez incroyables avec un scénario rocambolesque et qui a généré une émotion hallucinante.

« Je me souviens des gens qui pleuraient partout, du public anglais de Twickenham qui chantait la Marseillaise. C’était un match incroyable. Ça n’était hélas qu’une demi-finale. Puis on est lourdement tombés en finale quelques jours après contre les Australiens (défaite 35-12), peut-être moins talentueux encore que les All Blacks, mais nettement plus préparés, conditionnés, sûrs de leur force. Et nous, le soufflé était retombé. »

Des évènements qui seront fondateurs pour le XV de France et qui conduiront, bien des années plus tard, Marc Lièvremont à prendre la tête de la sélection sur demande express du président de la FFR de l’époque, Bernard Lapasset. Lui l’entraîneur de Dax, à qui on renverra pendant les quatre années de son mandat son illégitimité à ce poste.

Sa façon cash de s’exprimer dans les médias comme avec ses joueurs feront de ce mandat un véritable chemin de croix… jusqu’à l’épisode dit des « sales gosses », formule à l’attention de certains joueurs prononcée en conférence de presse.

« Il y a une dimension d’affection à sale gosse », s’explique-t-il douze ans plus tard. « C’était le soir d’une demi-finale où, en accord avec le capitaine Thierry Dusautoir, on s’était dit qu’on avait une finale dans une semaine. On disait aux joueurs ‘soyons responsables, ne sortons pas’. C’était logique, c’était convenu avec le capitaine et j’apprends le lendemain matin que six joueurs ont fait le mur et sont rentrés à 5 ou 6h du matin, dont deux ou trois titulaires. Je suis juste déçu et en colère, donc spontanément, je dis que ce sont des sales gosses. C’est presque une anecdote, pas très appréciée par certains à l’époque. Mais je n’ai pas de regrets. »

Un épisode qui le renvoie douze ans en arrière, quand lui-même faisait partie d’un groupe de joueurs qui voulaient s’affranchir du duo d’entraîneurs Skrela/Villepreux.

« J’étais peut-être pas le pire des sales gosses », sourit-il. « En 99, j’étais quand même un joueur qui était au service ; je n’étais pas le mec gavé qui manifestait le plus de crises d’égo en tant que joueur. »

Trop tard, le mal est fait. « L’anecdote » lui revient comme un boomerang. « C’est comme ça que j’appelle mes neveux ou quand je parle à mes frères », insiste-t-il.

« Mais en même temps, il y avait un climat de tension vis à vis de moi à cette époque-là, depuis quelques semaines. L’essentiel, c’est que peut-être que je ne l’ai pas fait consciemment. Je ne l’ai pas fait pour les blesser. Je l’ai fait de manière spontanée, comme la plupart du temps. Je crois avoir été quelqu’un d’assez spontané, maladroit parfois certainement.

« L’essentiel, c’est malgré tout cette mobilisation des joueurs, c’est ce pacte que les joueurs ont scellé avec leurs sensibilités différentes. » Un pacte qui conduira les joueurs à défier les All Blacks en finale à Eden Park pour, là encore un match d’anthologie. Mais à la fin, c’est la Nouvelle-Zélande qui a gagné cette fois (7-8).

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