Osea Kolonisau : le passage de joueur à entraîneur à Hongkong
Par Tom Mitchell, ancien spetiste international
C’est drôle, les souvenirs.
La première fois que j’ai rencontré Osea, c’était à Las Vegas en 2012. Quelque chose l’avait visiblement dérangé à l’estomac et je me souviens de sa silhouette courbée faisant des allers-retours vers les toilettes communes des vestiaires partagés, sa grosse coiffure de l’époque se balançant au gré de ses envies. Le régime de Las Vegas ne convient pas à tout le monde.
Peu après cette première rencontre, j’ai appris qu’il était un élément essentiel de l’équipe des Fidji à l’époque. Il allait continuer à jouer ce rôle central pendant des années. Déjà leader décoré de son équipe fidjienne, avec des titres consécutifs sur le circuit mondial, il s’est rendu aux Jeux olympiques de Rio en 2016 en portant le poids de l’attente de son pays.
Offrir la récompense ultime du rugby a gravé son nom dans les livres d’histoire des Fidji. On se souviendra à jamais de sa médaille d’or, et son portrait figure même sur le billet de sept dollars ! Mais comment un nouveau chapitre en tant qu’entraîneur principal de son pays va-t-il façonner son héritage ?
En tant que joueur, il a été un rouage important de l’équipe, en particulier sous la direction de Ben Ryan, qui a pris les rênes de l’équipe en 2013. Osea avait été écarté par l’ancienne équipe dirigeante, peut-être parce qu’il avait fait des vagues et réclamé un salaire équitable pour ses coéquipiers.
Ben Ryan l’a repêché et révélé
Ryan a relancé la carrière d’Osea. Reconnaissant ses qualités de joueur et ses compétences de leader, il en a fait son capitaine et l’un des « architectes culturels » de l’équipe.
Ben Ryan disait de lui : « Il a du mana, comme on dit dans les îles, du respect et de la présence. Il a un code moral très élevé ».
Dans le sport, il est rare qu’un entraîneur suscite un respect immédiat de la part de ses joueurs. Je pense cependant que les joueurs fidjiens actuels sont suspendus aux moindres paroles d’Osea depuis qu’il a franchi la porte de l’équipe.
Il était là avant eux et il a réussi. Et il n’y a pas si longtemps, en plus. La plupart des gens se seraient pressés autour de leur téléviseur pour le voir mettre un genou à terre pour recevoir sa médaille d’or à Rio. C’est devenu un moment culte de ce sport.
Cela étant dit, bien que la gravité et le respect restent des fondements essentiels, il devra également se plonger dans les détails de leur rugby pour garantir la victoire et maintenir le soutien du public de leur côté. Ryan a déclaré qu’Osea « sait que la condition physique et la discipline sont essentielles pour permettre à l’équipe fidjienne de faire ce qu’elle veut ».
Ben Gollings, qui a récemment été remercié par la fédé, peut témoigner que le rôle d’entraîneur de l’équipe masculine fidjienne de rugby à sept est impitoyable à bien des égards. Mais la récompense et le potentiel sont énormes : travailler avec un matelas de joueurs de rugby à sept talentueux et avoir la chance d’être à la tête d’un sport national, un sport qui, parfois, ressemble à une religion pour de nombreux habitants de l’archipel.
Une faible expérience en tant qu’entraîneur
Le CV d’Osea en tant qu’entraîneur n’est pas très fourni. Son passage le plus marquant a été de mener les Chinoises aux Asia Sevens Series il y a quelques années.
Mais l’entraînement professionnel n’a pas été sa vie. Depuis qu’il a raccroché les crampons, Osea a déménagé aux États-Unis et a surtout travaillé dans le secteur de la sécurité pour subvenir aux besoins de sa famille.
Mais son ancien entraîneur, Ben Ryan, s’attend à ce qu’il réussisse. « Il y a des gars qui deviendront des entraîneurs extraordinaires, et Osea est à cent pour cent l’un d’entre eux, si ce n’est le premier ».
La façon dont il a joué lui permet d’être légitime au poste de sélectionneur. Il avait une présence sûre de lui sur le terrain et des bases impeccables. S’il avait des skills, il était le maître constant de sa bande de joueurs. Avec une multitude de facteurs X autour de lui, c’est lui qui les a révélés et les a connectés à d’autres.
Quel meilleur endroit pour faire son entrée dans ce nouveau rôle que la prochaine étape du HSBC SVNS 2024, à Hongkong ?
Le Cathay/HSBC Hong Kong Sevens a accueilli de nombreux moments mémorables pour les Fidji au fil des ans : le jonglage du ballon du bout des doigts d’une seule main de Waisale Serevi, l’extravagance de William Ryder – et la première fois qu’une équipe fidjienne a porté le trophée de Hongkong en 1977.
Hongkong, le tournoi porte-bonheur des Fidji
Les Fidji ont remporté 19 titres lors de cette étape du rugby à sept, soit le même nombre de tournois que l’équipe n’a plus remporté ces derniers temps. Il s’agit d’une disette historique, mais Hongkong a tendance à faire ressortir le meilleur des superjoueurs en blanc.
Après avoir porté le trophée à Hongkong en tant que joueur, Osea, plus que quiconque, voudra vivre d’autres moments magiques.
Le souvenir d’avoir essayé d’empêcher Osea de marquer le premier essai de la finale olympique de Rio est gravé en moi. J’ai fait une tentative de plaquage désespérée lors du travail de démolition que les Fidji ont fait subir à mon équipe de Grande-Bretagne. Mais il y a peu de joueurs avec une telle grâce et un tel caractère contre lesquels j’aurais préféré perdre.
Ce qui s’est passé ensuite a été capital pour les Fidji, non seulement parce qu’ils sont apparus pour la première fois sur la carte olympique en tant que médaillés d’or, mais aussi parce que le pays s’est enflammé. Les Fidji est un pays qui déborde de fierté nationale à tout moment, mais cette fierté a débordé et s’est répandue dans le Pacifique le jour où Osea et ses coéquipiers ont remporté ce match.
En conséquence, le sélectionneur Osea a établi sa propre norme. Elle est incroyablement élevée. Cependant, alors que les supporters fidjiens espèrent des trophées, j’ai hâte de revoir son sourire radieux sur le bord d’un terrain de rugby à sept.