Pierre Dantin : « Quoi de plus naturel que d’avoir un doute pour progresser ? »
Pierre Dantin a une approche très simple de la haute performance, domaine dont ce professeur de 59 ans s’est fait une spécialité. A ne pas confondre avec le haut niveau, mieux répandu dans le paysage sportif français.
« Avec le haut niveau tu espères devenir une meilleure version de toi-même, aller aux Jeux ou faire une finale du Top 14. La haute performance, elle, c’est pour gagner », décrypte-t-il dans la troisième émission du BastaShow, à voir en exclusivité sur la chaîne YouTube de RugbyPassFR.
Ils ont travaillé ensemble avec Matthieu Bastareaud lorsque celui-ci jouait à Lyon, puis se sont retrouvés à Toulon. Proche de Pierre Mignoni (comme de Ugo Mola et d’autres coachs du Top 14), Pierre Dantin a su instiller sa vision des choses aux joueurs pour leur permettre de se dépasser.
Assumer sa vulnérabilité pour rebondir
Et contre toute attente, avant même de viser la réussite, il met le doigt… sur l’échec, la vulnérabilité et le fait de l’assumer, à défaut de l’accepter. Pierre Dantin estime même que c’est la base de la haute performance, socle du lien de confiance qui doit lier un entraîneur à son joueur et vice-versa.
« La problématique de la haute performance sportive, c’est que très souvent, lorsque tu parles de tes vulnérabilités, tu es considéré comme faible, comme pas ‘invitable’ au rang du plus haut niveau. Mais pas du tout ! Quand tu parles de ta vulnérabilité, tu nommes tes peurs. Et si tu nommes tes peurs, on peut t’aider. Aider l’autre à devenir, c’est lui faire confiance », dit-il.
« Le vrai rapport de confiance, c’est parler de ses doutes, de ses craintes, de ses peurs, de ses moments de mal être. Et ça, il faudrait considérer que c’est le vrai début de la haute performance. »
Savoir repartir
Le parallèle avec la période que traverse actuellement le XV de France est évident. La défaite en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby contre l’Afrique du Sud, puis l’humiliation face à l’Irlande à Marseille en ouverture du Tournoi ont fait retomber la France dans ses doutes.
Or, entre ces deux rendez-vous internationaux, ce travail d’introspection ne semble pas avoir été réalisé entre le staff et les joueurs. Après la Coupe du Monde, chacun est rentré chez soi, le staff a changé, les joueurs sont repartis jouer, espérant vite tourner la page. Mais les plaies ne se sont pas refermées.
« Quand tu gagnes beaucoup, tout le monde te suit. Mais quand ça s’amenuise, derrière chaque adorateur existe un bourreau », relève le professeur, connu comme étant le coach des coachs en France. « Il faut apprendre à vivre avec cette nouvelle pression qui est très contemporaine.
« Aujourd’hui que la promesse est là, il faut cranter quelque chose d’autre parce qu’à défaut on va retrouver des peurs : peur de mal faire, peur de gagner, peur de pas être à la hauteur… tout ce que le XV de France a su transcender.
« Tout ce qu’on a appris, faut le capitaliser, que ça serve de leçon. Transformons vite et que cette entame de Tournoi ne soit qu’un contre-évènement. »
Le moment idéal pour entamer une reconstruction
Ce serait donc le moment idéal pour commencer un travail d’introspection avant de se reconstruire ?
Pierre Dantin poursuit : « Il faut un rapport très sincère, authentique, qu’on assume beaucoup, qu’on dise qu’on n’a pas été bon partout, qu’on sache nommer des peurs, nommer ce qu’il faut améliorer. Il y a un jeu d’interaction et de communication avec les gens qui t’aiment. Sinon tu vas te mettre à distance de plus en plus s’il y a de l’incompréhension. »
Un discours applicable aussi bien à la relation joueur/entraîneur que entraîneur/supporter et joueur/supporter, le triptyque du rugby. Or, la communication du sélectionneur Fabien Galthié semble justement aller à rebours de ce que prône le professeur.
Le soir de la victoire étriquée 20-16 contre l’Ecosse à Murrayfield samedi 10 février, Galthié ne tarissait pas d’éloges sur le jeu de son équipe, évoquant « un contenu parfait », « une des plus belles victoires de notre équipe », alors qu’il était évident que la France était à mille lieues d’avoir fourni sa meilleure partition, créant une certaine confusion dans l’esprit des supporters et des observateurs.
Cet enthousiasme surjoué jetait un voile de félicité sur une prestation perfectible, comme si les mots à eux seuls pouvaient simplement faire oublier le reste. Comme au lendemain de l’élimination en Coupe du Monde où l’on espérait sans doute que le temps allait faire son travail d’oubli.
« Quoi de plus naturel que d’avoir un doute pour progresser ? », semble répondre le Professeur Pierre Dantin dans le BastaShow, sans avoir l’outrecuidance de porter un jugement sur le travail du staff du XV de France.
« Il n’y a qu’à écouter tous les champions. Ils viennent systématiquement te parler de leurs doutes et ce qu’ils en ont fait en étant écoutés, avec bienveillance et empathie.
« La haute performance se construit aussi dans la bienveillance et l’empathie, sinon elle ne serait pas durable. »