Pourquoi est-il grand temps de diffuser le championnat Elite 1 ?

Internationale de 21 ans, la demie d’ouverture ou arrière Morgane Bourgeois compte 8 sélections avec le XV de France féminin. Co-meilleure réalisatrice d’Elite 1, elle est double championne de France (2023 et 2024) avec son club du Stade bordelais. Pour RugbyPass, elle livre en exclusivité son regard sur le rugby féminin français.

Le samedi 2 novembre, à 16h45, un match d’Élite 1 sera diffusé sur Canal+ pour la première fois. Affiche de prestige pour une première historique, l’ASM Romagnat reçoit les Championnes de France en titre, le Stade Bordelais, pour une revanche prometteuse.

Si le grand public s’en réjouit, c’est aussi pour nous, joueuses, le signe d’une avancée significative dans la considération du rugby féminin.

“Croyez-en mon expérience personnelle, jouer à Chaban devant 500 personnes, c’est triste…”

Le rugby féminin prend de l’ampleur. La saison dernière, des records ont été enregistrés sur plusieurs matchs de championnat avec plus de 6000 personnes présentes à Ernest Wallon et au Michelin pour des rencontres de haut de tableau. Également, lors du Crunch à Bordeaux, c’est plus de 28 000 fans de rugby qui étaient présents pour pousser derrière les Françaises. Ce record a ensuite été largement dépassé avec 66 000 supporters lors des Jeux olympiques au Stade de France.

Les affluences ont été de plus en plus nombreuses mais ce n’est pas le cas tous les week-ends. Malgré ces records, la plupart des rencontres se déroulent encore devant des tribunes désertes.

Croyez-en mon expérience personnelle, jouer à Chaban devant 500 personnes, c’est triste. Demandez aux joueurs de l’UBB comment ils ont vécu leur saison Covid à huit clos…

En moyenne, un match d’élite 1 attire entre 500 et 1000 supporters chaque week-end contre 15000 en Top 14. Pourtant, nous jouons le même sport et évoluons à un niveau équivalent. Seul les internationales ont la chance et le privilège de pouvoir s’exprimer devant des milliers de personnes durant le Tournoi des Six nations.

Cette opportunité, je l’ai eue, et c’est  dimension émotionnelle rend chaque instant sur le terrain encore plus précieux. Cette ferveur dans le stade, j’aimerais la retrouver en championnat ; toutes les joueuses méritent d’y goûter.

Pour la croissance de notre sport, il est crucial de rassembler un large public, d’attirer l’intérêt général mais surtout les sponsors et diffuseurs. Économiquement, il faut que tous les acteurs soient prêts à contribuer un peu, car ils en récolteront les bénéfices par la suite. Le manque de moyens alloués à notre championnat s’explique par l’absence d’informations de celui-ci et le manque de visibilité.

Un tremplin pour le rugby féminin

La diffusion des matchs est donc un tremplin pour le rugby féminin. Cinq affiches de prestige pourraient être diffusées sur Canal + cette saison. Cela va attirer la curiosité des téléspectateurs et fans de rugby. Promouvoir notre discipline, c’est aussi inspirer les jeunes générations en leur offrant des modèles, afin de d’assurer un avenir prometteur.

“Cette ferveur dans le stade, j’aimerais la retrouver en championnat ; toutes les joueuses méritent d’y goûter.”

Également, le nombre croissant de supporters rend plus viable l’organisation de compétitions régulières et de grande envergure. Depuis quelques années, le championnat français ne cesse de changer de format. D’abord top 8, puis top 16, top 12 et enfin top 10 cette année. Difficile pour les fans de suivre un championnat changeant, quand, même nous joueuses, avons du mal à nous y retrouver.

Le nouveau format proposé, plus rythmé, sera l’occasion de voir de grands matchs tous les week-ends, dans un championnat plus équilibré. L’objectif, c’est de jouer dans une ligue attrayante, de fédérer l’intérêt autour de l’Elite 1.

Exemple anglais à suivre ?

La Premiership, championnat professionnel anglais, génère beaucoup d’enthousiasme et de nombreuses joueuses étrangères s’y rendent pour progresser. Depuis 2023, leurs matchs sont diffusés sur RugbyPass ce qui permet aux amateurs du ballon ovale de suivre pleinement une compétition sur sa longueur. En tant que française, quand on voit la considération du rugby en Angleterre, on se pose forcément la question d’aller y vivre une aventure…

Jusqu’ici, il est difficile de se faire une place dans le sport de haut niveau. La diffusion des matchs sur une chaine comme Canal+ est un tournant pour le rugby féminin. Il est important de récompenser nos efforts. L’élite 1, cela représente environ 300 joueuses qui s’entrainent tous les jours, bi-quotidiennement pour la plupart, pour seulement 10% de professionnelles.

À l’image de ce qu’il se passe en Angleterre, la France pourrait, à terme, offrir un environnement où notre sport serait pleinement reconnu et respecté. Cette première marche ouvre la voie à de nouvelles opportunités et à une reconnaissance légitime pour nous, athlètes, actrices principales.