Pourquoi le Canada ne gagne plus : l'avis du Castrais Tyler Ardron
Tyler Ardron, ancien capitaine du Canada, estime que la chute du rugby canadien ces dernières années ne peut pas être attribuée uniquement à l’entraîneur principal sortant, Kingsley Jones. Selon lui, les racines du problème sont beaucoup plus profondes, remontant au sein du conseil d’administration de Rugby Canada.
Ardron n’hésite d’ailleurs pas à confier sa crainte que l’équipe, qu’il a fièrement dirigée par le passé, échoue à se qualifier pour une deuxième Coupe du Monde consécutive.
Mercredi 4 décembre, la nouvelle est tombée : Kingsley Jones, en poste depuis 2017, quittera ses fonctions d’entraîneur en chef. La recherche de son successeur est désormais lancée.
Rugby Canada et l’entraîneur en chef Kingsley Jones reconnaissent la nécessité de donner une nouvelle direction à l’équipe masculine de rugby du Canada et ont mutuellement convenu de se séparer.https://t.co/CoErTHv4zG
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De son côté, Ardron termine sa carrière de joueur à Castres, en France. Il n’a plus joué avec l’équipe nationale depuis sa dernière apparition lors de la défaite contre le Chili en 2021, un match décisif des qualifications pour la Coupe du Monde de Rugby 2023.
Selon lui, bien que le départ imminent de Kingsley Jones semble inévitable – après avoir remporté seulement 13 de ses 48 tests en tant que sélectionneur – il insiste sur le fait que la responsabilité ne peut pas être uniquement imputée au Gallois.
« On pourrait avoir le meilleur entraîneur du monde ici au Canada, et avec un tel bilan, on ne s’attendrait pas à ce que quelqu’un reste. C’est la réalité du sport professionnel que je connais. Dans un environnement de haute performance, des changements sont nécessaires lorsque les résultats sont là, et je suis surpris que ça ait pris autant de temps », a commenté le joueur de 33 ans.
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Il ajoute : « Je n’ai jamais été du genre à mâcher mes mots, je dis les choses franchement. Les entraîneurs doivent être tenus responsables, mais je ne blâme pas uniquement Jones pour la situation actuelle. »
Selon lui, les racines des problèmes de l’équipe nationale masculine du Canada remontent au départ de Kieran Crowley en janvier 2016, qu’il considère comme « l’un des meilleurs entraîneurs avec lesquels j’ai travaillé ».
Crowley a quitté son poste après une Coupe du Monde de Rugby 2015 marquée par quatre défaites, alors que le Canada avait l’opportunité de décrocher deux victoires. L’équipe avait perdu de justesse face à l’Italie (25-28) à Leeds et, dans un match historique, avait subi la plus grande remontée de l’histoire du tournoi, s’inclinant 17-15 face à la Roumanie à Leicester.
Le Canada avait aussi failli battre l’Écosse l’année précédente, et l’ambiance générale était que, sous la direction de l’ancien arrière des All Blacks, l’équipe pouvait rebondir si elle recevait le soutien nécessaire, malgré sa chute à la 18e place du classement mondial.
Cependant, Crowley n’était pas convaincu que Rugby Canada continuerait de soutenir le programme centralisé qu’il jugeait essentiel pour un avenir plus brillant. Il a donc choisi d’accepter l’offre de Trévise pour devenir entraîneur à plein temps.
Une période d’incertitude qui dure déjà depuis 8 ans
Après une courte période d’intérim sous la direction de François Ratier, sélectionneur de l’équipe féminine, Rugby Canada a nommé le Néo-Zélandais Mark Anscombe entraîneur principal en mars 2016. Cependant, Anscombe n’est resté que 16 mois à ce poste, terminant avec un bilan encore moins reluisant que celui de son successeur, Kingsley Jones (2 victoires, 1 nul, 11 défaites). Depuis, le rugby canadien a continué sa descente aux enfers, tombant au 23e rang mondial, et même au 24e à un moment donné.
Le futur sélectionneur aura fort à faire pour redorer le blason de l’équipe, et il semble peu probable qu’il puisse convaincre Tyler Ardron, l’unique Canadien à avoir évolué en Super Rugby (avec les Chiefs), de revenir en sélection.
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« Je ne vois pas de chemin clair pour qu’ils progressent », a confié le double participant à la Coupe du Monde. « Ils ont un nouveau directeur général, Nathan Bombrys, en poste depuis deux ou trois ans, mais je n’ai jamais reçu le moindre appel de leur part. »
À 33 ans, Ardron ne cache pas sa priorité actuelle : « Ma vie est bien installée ici, à Castres. Si Castres joue contre Toulouse en Top 14 et que le Canada affronte le Chili ou le Portugal, il ne me reste que quelques matchs à disputer dans ma carrière, et mon choix est clair. »
L’Urgence de rappeler les internationaux basés en France
La sélection canadienne pour la tournée de novembre en Roumanie illustre bien le défi auquel elle est confrontée. Sur un effectif de 32 joueurs, seuls trois évoluent en dehors de la Major League Rugby nord-américaine : Siôn Parry (Ebbw Vale, Pays de Galles), Peter Nelson (Dungannon, Irlande du Nord) et Nic Benn (sans club, Australie).
Mais pour que le Canada ait les meilleures chances possibles de se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde de Rugby 2027 en Australie, il a besoin que ses pros à plein temps basés en France comme Ardron, Evan Olmstead (Agen) et Matt Beukeboom (Soyaux-Angoulême) soient ramenés au bercail.
Trois billets pour la Coupe du Monde de Rugby 2027 seront distribués à l’issue de la Pacific Nations Cup en 2025. Les Fidji et le Japon étant déjà assurés de leur place, seule l’équipe qui terminera à la dernière place manquera la route la plus directe vers l’Australie.
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Si le Canada termine à nouveau à la dernière place en 2024, il devra affronter le finaliste de la Sudamerica 2025, très probablement le Chili.
Le perdant de ce match aura encore une dernière chance de participer à la Coupe du Monde de Rugby 2027 par le biais du Tournoi de Qualification Final, la voie empruntée par le Canada pour se qualifier en 2019, lorsque Ardron portait encore le maillot à la feuille d’érable.
En l’état actuel des choses, Ardron voit le Canada manquer à nouveau à l’appel, même si le tournoi a été élargi à 24 équipes.
« Je ne suis pas dans le système, donc je ne sais pas quel est le sentiment des gars. Je regarde de l’extérieur, mais je ne mettrais pas d’argent là-dessus, c’est certain. »
Cet article a été initialement publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Willy Billiard.
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