Pourquoi Le Racing 92 devrait s’inspirer de la stratégie de Soyaux-Angoulême
Par Gavin Mortimer
Début de semaine, le Racing 92 a annoncé qu’il devait délocaliser les premiers matchs de la saison au stade Dominique Duvauchelle à Créteil.
Cette décision est due à l’accueil, par la Paris La Défense Arena, des épreuves de natation et des finales de water-polo dans le cadre des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024, du 27 juillet au 8 septembre. Les matchs concernés sont les réceptions de Clermont le 14 septembre, de La Rochelle le 28 septembre et de Toulon les 12 et 13 octobre.
Le diffuseur a-t-il été informé que Siya Kolisi se dirige vers les Sharks à Durban ? Le double champion du monde avec les Springboks rejoint une liste croissante de grands noms qui n’ont pas réussi au Racing, parmi lesquels figurent Dan Lydiate, Jamie Roberts, Johan Goosen, Jonny Sexton, Emiliano Boffelli, Kurtley Beale, Brian Mujati et Pat Lambie.
Mais Kolisi semble sans doute être le plus grand flop de cette liste. Lorsqu’il a rejoint Paris en novembre dernier après avoir signé un contrat de trois ans avec le Racing, il avait déclaré : « J’ai une réputation mais ce n’est pas la réputation qui jouera sur le terrain. Je dois faire mes preuves, apprendre une nouvelle langue et appréhender une nouvelle culture. Je vais essayer d’apporter mes qualités humaines, créer une dynamique autour du club ou plutôt l’accentuer. »
Les dirigeants ne diront probablement pas s’il a réussi à faire ses preuves, surtout pas Jacky Lorenzetti, le propriétaire du Racing. En fait, il est possible que le départ de Kolisi ait été précipité par les commentaires de Lorenzetti, qui avait qualifié de « transparente » sa performance lors de la demi-finale du Top 14 perdue contre Bordeaux en juin.
Hasard du calendrier, le départ de Kolisi est accompagné par l’arrivée d’Owen Farrell. L’ancien demi d’ouverture des Saracens et de l’équipe d’Angleterre, qui a sans doute ressenti le poids de l’expérience avant de s’installer à Paris, sait maintenant que tous les yeux seront rivés sur lui la saison prochaine, en particulier ceux de Jacky Lorenzetti. Depuis près de 20 ans que ce magnat suisse investit dans le Racing, il n’a remporté qu’un seul titre majeur, le Top 14 en 2016. Il reste à voir combien de temps son engagement et ses investissements se maintiendront.
Si Farrell ressent la pression de réussir à Paris, son mentor, Stuart Lancaster, le directeur du rugby du Racing, partage également ce sentiment. Lancaster, qui a joué un rôle crucial dans les débuts internationaux de Farrell en tant que sélectionneur de l’Angleterre, est lui aussi sous pression pour faire fructifier cette collaboration au sein du club parisien.
La première saison de Lancaster à la tête du Racing avait débuté de manière prometteuse, mais elle s’est essoufflée après Noël, et le club a une fois de plus terminé la saison sans trophée. Avec le départ de Kolisi, le club a au total perdu quatorze joueurs au cours de l’été, parmi lesquels les vétérans Juan Imhoff, Bernard Le Roux et Wenceslas Lauret.
En plus de Farrell, Lancaster a recruté les internationaux français Demba Bamba et Romain Taofifenua, ainsi que son propre fils Dan, un demi d’ouverture en provenance d’Ealing, et Sam James, qui arrive des Sale Sharks.
Aucune de ces recrues ne percevra le même salaire que Farrell, dont la rémunération, selon la presse, serait de 66 000 euros par mois.
C’est 60 000 euros de plus par mois que ce que va gagner l’un des anciens coéquipiers de Farrell en Angleterre pendant son séjour en France.
Il y a moins d’un an, Farrell et Jonny May étaient alignés avec l’Angleterre lors de la demi-finale de la Coupe du Monde de Rugby contre l’Afrique du Sud. Bien que Farrell ait joué une dernière fois pour son pays lors de la finale de bronze contre l’Argentine, le match contre les Boks a marqué la fin de la carrière internationale de Jonny May, qui s’est étendue sur une décennie et comptait 78 tests, dont 36 matchs en tant que meilleur marqueur d’essais, un nombre que seul Rory Underwood a surpassé sous le maillot blanc.
A 34 ans, Jonny May est seulement dix-huit mois plus vieux que Farrell, mais il a décidé de mettre un terme à sa carrière en rejoignant Soyaux-Angoulême, en Pro D2. On ne peut pas dire que Soyaux-Angoulême soit une grande force du rugby français. Il y a trois ans, l’équipe évoluait en Nationale, le troisième échelon, avant de monter en Pro D2. Après avoir terminé quatorzième en 2022-2023, le club a progressé à la douzième place la saison dernière, jouant ses matchs à domicile au stade Chanzy, qui compte 8 000 places.
Comment un club comme Soyaux-Angoulême, situé entre La Rochelle et Bordeaux, a-t-il pu attirer l’un des grands noms du rugby anglais ? Lorsqu’il a annoncé son départ de Gloucester au début de l’année, la presse locale avait spéculé sur le fait que May pourrait « rejoindre soit la lucrative League One, soit le Top 14 ».
Le président de Soyaux-Angoulême, Didier Pitcho, a récemment révélé au Midi Olympique comment il avait réussi l’un des coups de transfert de la décennie : « C’est tout simple, Jonny May avait envie de venir en France et il a eu un véritable coup de cœur », a-t-il déclaré. « Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est ma compagne qui a principalement œuvré dans cette venue. »
Lorsque Didier Pitcho a appris que May envisageait de venir en France, il pensait qu’il n’y avait aucune chance de réussir et qu’il n’y avait rien à gagner. Cependant, sa compagne, Séverine, prof d’anglais à Paris, a pris l’initiative de contacter Jonny et sa femme. Après des échanges de messages et des appels vidéo, le couple a été convaincu par l’argumentaire persuasif de l’enseignante.
Le salaire était la principale préoccupation de Pitcho ; selon les sources, May avait d’abord rejeté l’offre initiale de 5 000 euros par mois, mais a finalement accepté celle de 6 000 euros.
Les May sont en France depuis un mois et tout le monde est satisfait. « Il a suffi de deux ou trois séances d’entraînement pour comprendre qu’il n’était pas venu pour prendre une retraite anticipée », a observé Gautier Gibouin, le capitaine du club, à la presse la semaine dernière. « Il a du gaz, de grandes qualités techniques… il est digne de son statut. De plus, c’est vraiment un bon gars. Il a vraiment envie de s’intégrer le plus vite possible. »
May et sa femme, Sophie, prennent des cours de français et semblent déterminés à tirer le meilleur parti de leurs deux années en France.
Il y a peut-être une leçon à tirer de cette situation pour Jacky Lorenzetti : les joueurs peuvent être achetés, mais pas leur véritable engagement. À moins qu’un joueur ne souhaite vraiment rejoindre un club, aucune somme d’argent ne pourra garantir son succès.
Cet article originellement publié sur RugbyPass a été adapté par Willy Billiard.