Sifflets et huées, la nouvelle sale habitude du rugby
Chambrer, d’accord. Manquer de respect, non. On avait déjà remarqué cette étrange et sale nouvelle habitude qui envahissait les stades de rugby à l’occasion de la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France.
Chaque fois qu’Eddie Jones, alors coach des Wallabies, apparaissait sur les écrans d’un stade, il était largement conspué. Dès le millième de seconde où son visage apparaissait, des dizaines de milliers de sifflets se faisaient entendre.
« Apparemment, je ne suis pas populaire ici », avait-il souri en conférence de presse suivant la victoire de l’Australie sur la Géorgie (35-15). « Il y a ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas. Je fais partie de ceux qui ne sont pas populaires ici mais ça ne me dérange pas. »
Ben O’Keeffe, Owen Farrell…
Outre l’arbitre néo-zélandais Ben O’Keeffe – dont la prestation sur le quart de finale entre la France et l’Afrique du Sud n’a jamais été digérée – le capitaine de l’Angleterre Owen Farrell a vécu la même chose lors de la victoire de l’Angleterre sur l’Argentine dans la finale de bronze (26-23).
Lorsque lui avait été posée la question en conférence de presse juste après, il avait fait mine de balayer ce phénomène : « Je ne suis pas surpris. Lors du Tournoi des Six Nations, c’est pareil. C’est toujours un peu différent de botter ici, en France. Mais ce n’est pas un problème », avait-il alors répondu. Quelques mois plus tard, il mettait sa carrière en pause.
Cette triste pratique qui a éclaboussé la Coupe du Monde de Rugby était une conséquence, pensait-on, de l’élargissement du public du rugby à l’occasion du tournoi mondial. La figure de « sport de gentlemen » en avait pris un coup par ces réactions de mauvais esprits.
Le rire jaune d’Ugo Mola
Sauf qu’on a retrouvé ce même phénomène dans les tribunes du stade Marcel-Deflandre à La Rochelle samedi 30 décembre pour la réception du Stade Toulousain (victoire de La Rochelle 29-8). Chaque fois que Ugo Mola apparaissait à l’écran, sifflets et huées se faisaient entendre.
Le manager du Stade Toulousain l’a d’abord pris à la rigolade en conférence de presse : « Ce qui est sûr, c’est que je vais annuler mon compromis de vente à l’Île de Ré ».
Ensuite, il a pris la mesure et est devenu plus grave dans son propos : « C’est peut-être la limite en ce moment du côté populaire du rugby où nous avons besoin d’avoir une figure qui vous empêche de tourner en rond. Après, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je vis ça depuis que je suis gamin donc une fois de plus, une fois de moins, j’ai presque envie de vous dire que c’est comme ça.
« Je n’ai pas envie de vous dire qu’ils continuent parce que ce n’est pas agréable. Voilà, il y a l’effet de masse et l’effet populaire qui parfois dépassent ce que pensent les uns et les autres. Tant que je suis détesté à ce rythme-là, c’est que nous allons peut-être empêcher La Rochelle une paire de fois de gagner encore. Après, ne vous inquiétez pas, ils me siffleront moins quand ils nous auront roulé dessus comme ils l’ont fait ce soir. »
Pourquoi Ugo Mola a tant été sifflé ?
En retour, Ugo Mola s’est à un moment retourné vers les tribunes et a mimé le geste de lever le bouclier de Brennus, répétant une scène qui s’était produite quelques mois plus tôt au Stade de France lorsque Toulouse avait battu La Rochelle en finale du Top 14, 29-26.
Est-ce pour cette raison qu’il a été sifflé ? Est-ce parce qu’il avait choisi de faire tourner son effectif pour cette dernière rencontre de l’année, laissant au repos ses mondialistes (Thomas Ramos, Antoine Dupont, François Cros, Cyril Baille, Peato Mauvaka) malgré le retour de Julien Marchand alors qu’en face Grégory Alldritt faisait son grand retour comme remplaçant ?
Est-ce qu’il faut remonter encore peu plus loin lorsqu’Ugo Mola avait qualifié le Stade Rochelais d’épouvantail ? Un qualificatif qui était mal passé alors qu’il partait d’une bonne intention.
Début juin 2023, Ugo Mola évoquait en effet le bon parcours de La Rochelle en Champions Cup alors que Toulouse avait été éliminé en demi-finale.
« On sait tous que notre championnat n’est pas adapté aux compétitions européennes, donc quand une équipe y arrive, il faut la féliciter. Je ne suis pas jaloux des gens, mais admiratif quand ils font bien. Il y a peut-être des choses à observer, parce qu’il y a peut-être des choses qu’on ne fait plus bien. On a été l’épouvantail pendant quelque temps, aujourd’hui c’est La Rochelle », avait-il alors dit.
Reste que, à en croire les échanges entre supporters, « la moitié du stade ne savait même pas pourquoi ils sifflaient ». Beaucoup rapprochaient ce phénomène à celui observé dans les stades de foot. Sale habitude dont le rugby ne sort pas grandi.