Anne-Cécile Ciofani : « Je ne pensais pas faire les JO en rugby »
Au terme de la meilleure saison de l’équipe de France féminine de rugby à sept, Anne-Cécile Ciofani a établi un nouveau record de la saison pour la France en marquant 33 essais, dépassant ainsi le précédent record de Joanna Grisez (23 essais) établi en 2022.
La trentenaire originaire de Colombes a effectué 123 courses avec le ballon, réalisé 33 franchissements et enregistré le deuxième plus grand nombre d’offloads (32), derrière Camille Grassineau.
Ses parents ont tous deux été athlètes olympiques : son père Walter Ciofani a terminé septième au lancer de marteau aux Jeux de 1984 pour la France, tandis que sa mère Jeanne Ngo Minyemeck a participé au lancer de disque aux Jeux de 1988 pour le Cameroun.
Meilleure marqueuse d’essais du SVNS, Anne-Cécile Ciofani se confie à une semaine d’entamer les Jeux olympiques de Paris 2024.
Vous revenez d’un stage de préparation de près de 20 jours au Portugal, comment ça s’est passé ?
« C’était ce qu’il fallait. Ça reste du sept, ça veut dire que ce n’est jamais facile. Les entraînements sont toujours hyper intenses. C’était une préparation qui était optimale dans tous les domaines. On a été en altitude, à la chaleur, on a essayé d’aller chercher tout ce qui nous permettrait d’être le plus à l’aise possible sur le terrain dans quelques jours. »
Comment vous sentez-vous à près d’une semaine du début des Jeux olympiques ?
« Un peu d’excitation, un peu d’appréhension aussi. On ne sait pas trop encore comment aborder. On a été préservé en faisant des stages qui n’étaient pas dans la région parisienne, un peu loin de tout ce qui s’enclenche autour de ça. Au fur et à mesure que les jours défilent, on se rend compte de l’ampleur de l’évènement. On a hâte que ça arrive, on a hâte que ça se termine aussi. »
Mentalement, comment on appréhende cette ambiance ?
« Pour tous les athlètes français c’est particulier. Pour le public français c’est particulier. On essaie de garder la tête sur les épaules, de ne pas laisser la pression nous submerger, d’apprécier jour après jour, de prendre ce qu’il y a à prendre et de profiter parce que ça passe vite. On a hâte que ça arrive mais une fois que ce sera passé, on regrettera peut-être ces moments d’attente. On profite, on savoure chaque jour qui passe et on appréhende de la meilleure des manières le peu de jours qui nous restent. »
Il y a donc plus de plaisir que de pression ?
« On essaie. Après, c’est propre à chacune. On essaie de ne pas laisser la pression prendre le dessus et de profiter de kiffer sur le terrain. »
Avez-vous reçu des conseils de vos parents pour bien gérer tout ça ?
« Non… On en discute beaucoup. Je sais comment eux ont vécu les Jeux. Il y a une certaine distance qui s’est faite pour que je puisse aussi vivre mon aventure pleinement. Il y a un partage d’expérience qui s’est fait, bien sûr. Les petits conseils que les parents peuvent donner sont toujours les bienvenus, mais c’est vrai qu’ils me laissent vivre mon aventure. On en débriefera après. »
Y a-t-il un côté héréditaire dans la famille pour participer aux Jeux ?
« Mes parents m’en parlent avec beaucoup d’émotion. Ils n’ont pas eu la chance comme nous d’avoir fait une médaille (médaille d’argent à Tokyo 2020, ndlr). Ils me parlent avec beaucoup d’émotion de tous les moments qu’ils ont pu partager avec les autres athlètes, les autres nations, l’effervescence autour des Jeux, le plaisir de se retrouver dans un village, dans un milieu complètement inédit. C’est de très bons souvenirs qu’ils ont gardés. Ils me parlent plus de l’ambiance qu’il y a eu autour des Jeux que de la compétition en elle-même. C’est que du bonheur que, eux m’ont partagé. »
Quel a été votre premier souvenir des Jeux olympiques en tant que spectatrice ?
« C’était en 2008, en vacances en Italie avec ma famille. On regardait les Jeux. Mon père était à fond. C’était la première fois que je suivais les Jeux. »
Est-ce que vous rêviez d’y participer aussi ?
« Oui, mais je ne pensais pas le faire en rugby, ce n’était pas du tout dans les plans ! Je m’imaginais courir autour d’une piste d’athlé. Je m’y voyais. C’était vraiment mon rêve d’avoir mes parents dans les tribunes, de courir devant un stade plein mais sur une piste d’athlé. »
Et votre souvenir le plus fort des JO, cette fois en tant qu’actrice ?
« La demi-finale gagnée contre la Grande-Bretagne. On est rentrées sur le terrain. Il y a trois mots qui se sont échangés. On s’est dit : ‘c’est pour nous. On sait que c’est pour nous, ça ne peut pas se passer autrement.’ On n’a jamais été autant déterminées qu’à ce moment-là. Je nous ai senti vraiment imbattables et puissantes. »
C’est important de se remémorer ce genre de souvenirs juste avant la compétition ?
« Ce sont des souvenirs positifs qu’il faut prendre, mais pas forcément se reposer dessus. C’est plus les garder, les emmagasiner et essayer de reproduire des souvenirs qui nous procureront le même sentiment. Mais pas reproduire à l’identique ce qui s’est passé. »
Comme la médaille d’or à Tokyo ?
« C’est accepter ce qui s’est passé. Une page a été tournée après la médaille olympique à Tokyo. Un nouveau chapitre s’est construit et aujourd’hui on écrit notre histoire au fur et à mesure des tournois. On espère écrire une grande page de l’histoire du rugby à sept cet été. »
Vous jouez aussi au rugby à XV ; quel aspect du XV vous aide pour le 7 ?
« Le XV, c’est un jeu qui est un peu plus frontal. Le 7, c’est beaucoup d’évitement étant donné les espaces qu’il y a. A XV il y a beaucoup de jeu dans le dos, de jeu à une passe, de courses à contre-courant. Il y a beaucoup de petites fenêtres qui sont attaquées et enchaînées et à sept ça nous sert énormément. »
Vous avez commencé par l’athlétisme, en faisant de l’heptathlon. Qu’est-ce que ça vous a apporté ?
« Je pense que c’est grâce à ça que j’ai été repérée au rugby et d’avoir ce cran d’avance qui me permettait de compenser les lacunes techniques que je pouvais avoir ; cette vitesse et cette technique de course qui n’étaient pas aussi importantes que ça dans le rugby quand je suis arrivée d’ailleurs. Aujourd’hui, ça arrive de plus en plus. On demande aux athlètes, aux joueurs et aux joueuses, d’apprendre à courir pour être plus efficient sur les courses. Et moi je suis arrivée avec déjà cette efficience. Ça a été le petit plus qui m’a permis de compenser ce qui me manquait. »
Que préférez-vous dans le rugby que vous ne retrouvez pas dans l’athlétisme ?
« L’esprit collectif, vraiment. Ça a été le point d’accroche avec le rugby. C’est ce qui m’a fait basculer complètement dans ce sport. Les vestiaires, l’après-match, l’avant-match, la mi-temps… C’est tout ça. »
Face à des équipes que vous avez l’habitude de croiser sur le SVNS toute l’année, est-ce que vous vous attendez à ce que les équipes soient cette fois transcendées par l’enjeu olympique ?
« Nous en tout cas on sera transcendées ! J’espère que les équipes en face seront prête. Nous, on y va avec cet état d’esprit-là. On sait que les compétitions comme celle-ci amènent les équipes à repousser leurs limites, à recréer leur jeu aussi. On essaie tous de se dépasser, de créer la surprise, de ne pas se reposer sur ce qui est déjà acquis, sur ce qu’on fait déjà ; et je pense que toutes les équipes feront la même. On s’attend à une opposition plus relevée que d’habitude. On s’y prépare. »
Est-ce que jouer au Stade de France vous permettra d’avoir ce petit plus pour enfin décrocher la médaille d’or ?
« Bien sûr, la voix du public français ! Le fait d’avoir l’opportunité et la chance de jouer dans un stade comme celui-ci… On espère que ce sera la petite voix qui fait qu’on arrive à se dépasser un peu plus quand on pense qu’on ne peut pas. »