Autumn Nations Series : qui a brillé, qui s’est raté ?
Les Autumn Nations Series se sont achevées samedi dernier par la victoire de l’Irlande sur une Australie en plein renouveau à Dublin. Le mois de novembre a été riche en rebondissements, avec l’émergence de nouvelles stars, des batailles féroces et des changements dans l’équilibre des forces.
RugbyPass évalue ici les tournées d’automne des 12 meilleures équipes au classement World Rugby et leur situation après un mois d’affrontements.
Afrique du Sud (1re)
Résultats : 32-15 contre l’Écosse, 29-20 contre l’Angleterre, 45-12 contre le pays de Galles.
Bilan : Les Boks n’auraient pas pu faire mieux. Rassie Erasmus a utilisé 52 joueurs en 13 test-matchs en 2024 et a ajouté de la profondeur sans compromettre les résultats. Les progrès de l’Afrique du Sud ont de quoi impressionner toutes les autres nations.
Constat : Avec sa montée en puissance et la chute relative de l’Irlande, l’Afrique du Sud est indéniablement la meilleure équipe du rugby mondial.
Question en suspens : Qui joue au poste de demi d’ouverture ? Manie Libbok peut débloquer les défenses mais n’est pas toujours fiable face aux perches, Handre Pollard est un bon commandant mais n’a pas le flair de Libbok, et Jordan Hendrikse est un jeune outsider qui n’a été titularisé que deux fois, à chaque fois contre le pays de Galles, pour deux victoires faciles. Sacha Feinberg-Mngomezulu a brillé pendant le Rugby Championship avant qu’une blessure au genou ne l’écarte de l’équipe à l’automne.
Irlande (2e)
Résultats : 13-23 contre la Nouvelle-Zélande, 22-19 contre l’Argentine, 52-17 contre les Fidji, 22-19 contre l’Australie.
Bilan : Pas vraiment de quoi se plaindre avec trois victoires en quatre matchs, mais l’équipe d’Irlande a montré qu’elle était clairement en transition. Elle a bafouillé en attaque lors d’une prestation décousue contre la Nouvelle-Zélande et a toujours semblé sur la réserve, à l’exception de sa large victoire sur les Fidji.
Constat : La colonne vertébrale de l’équipe semble solide et prête pour les prochaines années. James Ryan, Caelan Doris, Joe McCarthy et Hugo Keenan ont tous moins de 30 ans et semblent bien partis pour atteindre les 100 sélections. C’est une très bonne nouvelle pour l’Irlande et peu de nations peuvent en dire de même.
Question en suspens : Qui va remplacer les vieux grognards ? Bundee Aki, Jamison Gibson-Park et Cian Healy auront du mal à tirer jusqu’à la prochaine Coupe du Monde. Healy n’a débuté que 10 matchs au cours des trois dernières années et en a disputé 49. Qui va prendre leur place et quand s’installeront-ils dans cette équipe ?
Nouvelle-Zélande (3e)
Résultats : 64-19 contre le Japon, 24-22 contre l’Angleterre, 23-13 contre l’Irlande, 29-30 contre la France, 29-11 contre l’Italie.
Bilan : Une fois de plus, les adversaires des All Blacks ont attaqué cette tournée avec l’espoir et l’ambition de les dominer, mais les Néo-Zélandais sont rentrés chez eux avec quatre victoires en cinq rencontres. Potentiellement vulnérable dans l’analyse et les discours, cette équipe montre tout l’inverse sur le terrain.
Constat : Wallace Sititi est aussi bon qu’on le pensait. Il a joué chaque minute de cette tournée et a fait preuve d’une grande assurance. Une pépite de plus à ajouter à cette 3e ligne bourrée de talents.
Question en suspens : Ils ne sont pas aussi dominants ou effrayants que les All Blacks d’antan, mais ils continuent de gagner des matchs. Ils en ont gagné trois d’affilée contre l’Angleterre cette année, avec une différence de points combinée de + 10. Soit les rumeurs sur leur déclin ont été exagérées, soit cette équipe en perte de vitesse arrache des victoires par la force de sa volonté.
France (4e)
Résultats : 52-12 contre le Japon, 30-29 contre la Nouvelle-Zélande, 37-23 contre l’Argentine.
Bilan : Deux victoires confortables et une prestation exceptionnelle lors du meilleur match de l’automne contre les All Blacks. L’encadrement a fait appel à de nouveaux joueurs, à l’image de l’Afrique du Sud, et ne pouvait pas demander beaucoup plus.
Constat : France – Nouvelle-Zélande est la plus belle affiche du rugby international. En Fabien Galthié a pour habitude de faire reposer tous ses meilleurs pour les tournées de juillet. Les All Blacks, qui ont largement protesté contre cette décision, espèrent encore le faire changer d’avis. Espérons que nous aurons droit à deux équipes au complet l’année prochaine pour une série de trois tests en Nouvelle-Zélande.
Question en suspens : Louis Bielle-Biarrey peut-il maintenir ce niveau de jeu ? Si c’est le cas, il remportera le titre de joueur mondial de l’année dans les deux années à venir. Cet automne, l’ailier de l’UBB a confirmé tout le bien qu’on pense de lui depuis son arrivée fracassante en bleu.
Argentine (5e)
Résultats : 50-18 contre l’Italie, 19-22 contre l’Irlande, 23-37 contre la France.
Bilan : Les Pumas ont donné l’image d’une équipe fatiguée, à la fin d’une longue saison. Victoire confortable contre l’Italie, à deux doigts de battre l’Irlande, mais largement dominée par la France. L’Argentine reste irrégulière.
Constat : Tout le monde le sait, passer du temps en infériorité numérique n’est pas une bonne tactique si vous voulez gagner. L’Argentine a reçu cinq cartons jaunes en trois matchs. Cela inclut un carton jaune à la première minute pour Matias Moroni contre l’Irlande, encaissant un 12-0 sur ce laps de temps. Malgré une bonne dernière heure de jeu, l’Argentine n’a pas pu combler cet écart.
Question en suspens : Comment l’Argentine peut-elle devenir plus régulière ? Cette saison, elle a battu l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud puis s’est inclinée face à ces mêmes équipes au match retour. Capable de sorties exceptionnelles, mais rarement d’enchaîner des victoires consécutives. Ce qui confirme un vieux stéréotype qu’on accole généralement au rugby français : on ne sait jamais quelle Argentine se présentera sur la pelouse.
Écosse (6e)
Résultats : 56-17 contre les Fidji, 15-32 contre l’Afrique du Sud, 59-21 contre le Portugal, 27-13 contre l’Australie.
Bilan : Une série de matchs très judicieuse qui a permis à l’attaque de prendre ses marques et de se faire plaisir contre les Fidji et le Portugal, deux adversaires un cran en dessous. Mais c’est la défense qui leur a permis de rester dans le match contre l’Afrique du Sud jusqu’à la 64e minute et de remporter la victoire contre l’Australie.
Constat : Sione Tuipulotu est un joueur de très haut niveau. Difficile de ne pas l’imaginer titulaire avec les Lions britanniques irlandais l’été prochain, sauf blessure. Il est électrique avec le ballon en main et extrêmement solide en défense. L’Écosse peut construire autour de son nouveau capitaine.
Question en suspens : La défense de l’Écosse a été remarquable cet automne, tout comme elle l’a été au cours du dernier Tournoi des Six Nations (deuxième meilleure défense). Elle a également été formidable contre les États-Unis, le Canada et le Chili au cours de l’été, ces trois adversaires n’inscrivant que 30 points à eux trois. Mais faut-il commencer à s’inquiéter de leur attaque ? L’Écosse n’a passé la barre des 20 points qu’à deux reprises au cours des sept derniers matchs face à l’une des quatre meilleures équipes au classement. La deuxième levée du Tournoi 2025 sera l’occasion de remettre les pendules à l’heure face à l’Irlande.
Angleterre (7e)
Résultats : 22-24 contre la Nouvelle-Zélande, 37-42 contre l’Australie, 20-29 contre l’Afrique du Sud, 59-14 contre le Japon.
Bilan : Les fidèles de Twickenham ont eu droit à un spectacle plutôt déprimant. L’Angleterre a laissé filer la Nouvelle-Zélande au dernier moment. L’Australie en a fait de même la semaine suivante. Mais le plus inquiétant, c’est que personne ou presque ne misait sur le XV de la Rose lors de son troisième match contre l’Afrique du Sud. Le résultat contre le Japon a été un bon remontant pour un automne dans l’ensemble difficile.
Constat : Marcus Smith et Chandler Cunningham-South semblent désormais avoir trouvé leur place. Sam Underhill, fort de ses deux apparitions convaincantes, a lui aussi donné l’impression qu’il devait ressortir du frigo international pour de bon. Dans une équipe où presque tous les autres postes sont à pourvoir, cette stabilité est essentielle.
Question en suspens : le rugby est un sport qui se joue à 23, et le banc anglais pose clairement question. Aucun point inscrit après l’heure de jeu contre les All Blacks et l’Afrique du Sud, deux essais encaissés dans les dix dernières minutes contre l’Australie. De quoi donner le sentiment que le banc a été conçu pour tenir un résultat plutôt que pour tuer le match.
Australie (8e)
Résultats : 42-37 contre l’Angleterre, 52-20 contre le Pays de Galles, 13-27 contre l’Écosse, 19-22 contre l’Irlande.
Bilan : Les défaites face à l’Écosse et à l’Irlande viennent tempérer ce qui était parti pour être un automne exceptionnel pour les Wallabies. Les attentes étaient faibles, mais Joe Schmidt a opéré sa magie plus vite qu’on ne l’aurait cru. L’Australie semble redevenir une équipe qui compte qui trouve ses marques, et la tournée des Lions qui se profile l’été prochain n’en est que plus passionnante.
Constat : Cette tournée aurait pu être très inquiétante si l’Australie n’avait pas gagné et si la dynamique qu’elle avait créée, jusqu’à un certain point, dans le Rugby Championship s’était évanouie. Mais ils sortent de novembre avec quelques certitudes. Des joueurs comme Tom Wright, Max Jorgensen et Noah Lolesio rattrapent le temps perdu après avoir manqué la Coupe du Monde l’année dernière et Rob Valetini a été brillant.
Question en suspens : L’Australie est sortie du piège grâce à son attaque lors des deux premiers matchs, marquant 94 points au total. Mais elle n’a marqué que 32 points lors des deux suivants. Nous n’en sommes qu’au début de la nouvelle ère du rugby australien, mais Schmidt peut-il créer un jeu offensif cohérent et consistant, capable de poser problème aux meilleures défenses ?
Fidji (9e)
Résultats : 17-57 contre l’Écosse, 24-19 contre le pays de Galles, 33-19 contre l’Espagne, 17-52 contre l’Irlande.
Bilan : Une équipe très irrégulière donne forcément des résultats… très irréguliers. Caleb Muntz a débuté tous les matchs, et a été fabuleux contre le pays de Galles. Mais le reste de l’équipe a changé autour de lui. Trois joueurs ont débuté aux deux postes de trois-quarts centres et le reste des arrières a changé d’un match à l’autre. Malgré cela, l’équipe a remporté la première victoire de son histoire à Cardiff et a réussi à battre l’Espagne.
Constat : Les Fidji ont eu du mal à garder 15 joueurs sur le terrain. Ils ont reçu sept cartons en quatre matchs, dont le carton rouge de 20 minutes reçu par Semi Radradra. C’est le même problème qu’à la Coupe du monde, durant laquelle il n’y a que contre l’Australie (victoire 22-15) qu’ils ont joué toute la rencontre à 15. Les cartons ne sont plus aussi définitifs qu’avant, mais ils contribuent à l’accumulation de fatigue et n’aident en rien les joueurs.
Question en suspens : Les Fidjiens ont démontré qu’ils étaient capables n’importe quelle équipe ou presque, ont atteint les quarts de finale de la Coupe du Monde et ont frôlé les demi-finales. Ou, tout du moins, l’équipe composée de leurs meilleurs joueurs. Le problème des Fidji, c’est de rassembler tous ces joueurs suffisamment longtemps pour créer un plan de jeu cohérent et assimilé par tous. Peuvent-ils accomplir cela ?
Italie (10e)
Résultats : 18-50 contre l’Argentine, 20-17 la Géorgie, 11-29 contre la Nouvelle-Zélande.
Bilan : Une courte victoire sur une Géorgie renaissante a permis d’amener quelque chose de positif dans un automne frustrant. Lors du premier match contre l’Argentine, les Italiens étaient loin d’avoir le rythme requis et cela s’est poursuivi pendant les 50 premières minutes contre les Lelos. Mais les choses se sont ensuite améliorées. Face aux All Blacks, ils ont réussi à encaisser moins de 30 points, un an après avoir perdu 96-17.
Constat : L’équipe d’Italie est très stable, et l’on pourrait citer au moins 10 des 15 titulaires à chaque match. Ignacio Brex et Tommaso Menoncello forment un formidable duo au centre, tandis que Paolo Garbisi et Ange Capuozzo se sont approprié les maillots de 10 et 15. Danilo Fischetti et Marco Riccioni occupent les deux côtés de la première ligne et tous ces joueurs, à l’exception de Brex, sont jeunes.
Question en suspens : Cette équipe avait le vent en poupe avant l’automne. Invaincue lors des trois derniers matchs du Tournoi des Six Nations, elle a confortablement battu le Japon et les Tonga pendant l’été, concédant toutefois une défaite surprise contre les Samoa. La question est de savoir si l’Italie a subi cet automne un simple ralentissement ou si la dynamique s’est totalement inversée.
Pays de Galles (11e)
Résultats : 19-24 contre les Fidji, 20-52 contre l’Australie, 12-45 contre l’Afrique du Sud.
Bilan : La série de défaites du pays de Galles s’est étendue à 12 matchs à la fin de l’automne. Les 30 premières minutes contre les Fidji ont été marquées par des éclaircies, mais celles-ci se sont rapidement éclipsées et les deux derniers matchs ont plongé les supporters dans le découragement.
Constat : Il y a suffisamment de bons joueurs dans cette équipe galloise pour sortir du marasme. Le défi consiste à les avoir tous en forme en même temps. Le niveau de talent individuel a peut-être masqué certains problèmes structurels plus importants, mais c’est aussi la façon dont cette équipe peut s’accrocher à la victoire et relancer une dynamique complètement brisée.
La question en suspens : Il en reste plusieurs. Warren Gatland est-il l’homme de la situation ? La WRU doit-elle supprimer une province ? La prise de conscience de l’ampleur de la tâche a déclenché une recherche frénétique de solutions instantanées. Malheureusement, il pourrait s’agir d’un travail de reconstruction à long terme plutôt que de quelque chose qui peut être réparé en l’espace d’un an. Le rugby gallois traverse des turbulences, et cela pourrait durer.
Géorgie (12e)
Résultats : 17-20 contre l’Italie, 22-7 contre les Tonga.
Bilan : Deux matchs seulement, mais les signes sont très positifs de la part d’une équipe géorgienne qui tente de se réinventer en passant d’une équipe historiquement dominée par les avants à une équipe polyvalente comptant sur des trois-quarts électriques.
Constat : Il y a quelques années, il semblait évident que l’écart entre le bas du classement du Tournoi des Six Nations et le haut du classement du Rugby Europe Championship se creusait. Ce n’est plus du tout le cas. La Géorgie a été à deux doigts de battre l’Italie cette fois-ci et a réussi à le faire en 2022. Elle a également battu le pays de Galles à la fin de l’année 2022 à Cardiff. Les choses s’améliorent.
Question en suspens : Avec Luka Matkava et Davit Niniashvili, la Géorgie dispose de deux stars du ballon ovale. Elle dispose également d’une génération montante de jeunes joueurs tels que Georges Shvelidze (Brive), le 3e ligne de Provence Rugby Tornike Jalagonia et l’arrière lyonnais Beka Saginadze. Ce vivier de talents peut-il continuer à produire à son rythme actuel ? De plus, la volonté est-elle de garder ces jeunes talents en Géorgie ou de les développer en France ?
Cet article a été publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.
Nos experts ont classé les meilleurs joueurs de rugby de l’histoire. Retrouvez notre Top 100 et dites-nous ce que vous en pensez !