Entre XV et Sevens, Antoine Zeghdar ne veut pas trancher
À 25 ans à peine, Antoine Zeghdar a déjà connu une riche carrière rugbystique, qui l’a mené de Toulon à Castres en passant par l’or olympique cet été avec l’équipe de France de Sevens. Un parcours marqué par l’ambition, la polyvalence et un engagement total, quelle que soit la discipline pratiquée.
Au cours d’une interview exclusive accordée à RugbyPass, Zeghdar s’est confié sur ses différentes expériences, les leçons qu’il a apprises en chemin, et sur ce que le futur lui réserve, aussi bien au rugby à VII qu’à XV.
Ses débuts à Toulon
Zeghdar a démarré sa carrière professionnelle au RCT. Il y a passé cinq ans, terminant sa formation sur la Rade.
« J’ai commencé à Toulon, et j’y suis resté cinq ans. Les deux premières années, je jouais dans les équipes de jeunes. Puis, à 18 ans, j’ai rejoint les pros avec qui je m’entraînais.
« Arriver là-bas en tant que jeune joueur, puis intégrer les pros, c’était quelque chose d’assez unique pour moi. »
En effet, se retrouver si jeune entouré de stars du jeu a eu un impact majeur dans son développement.
« À Toulon, j’ai eu la chance de côtoyer des joueurs exceptionnels. A cette époque, il y avait notamment Ma’a Nonu, Malakai Fekitoa, Bryan Habana…
« En tant que jeune joueur, quand tu as l’occasion de t’entraîner avec des joueurs de ce calibre, tu regardes tout ce qu’ils font et tu essaies d’apprendre d’eux.
« On avait aussi une très bonne équipe de jeunes. On a remporté le Championnat de France trois fois, et évoluer auprès de ces gars m’a beaucoup fait grandir. J’en garde beaucoup de bons souvenirs. »
Cette expérience a façonné son approche du jeu et lui a inculqué l’importance du travail et de la persévérance.
La découverte du Sevens
Zeghdar est arrivé au rugby à VII presque par accident.
« J’ai découvert le Sevens à 19 ans, alors que je jouais en U20. J’étais avec l’équipe de France à XV pour préparer le Tournoi des Six Nations, mais je n’avais pas été retenu pour le début de la compétition. On m’a alors proposé d’aller faire un stage avec l’équipe de France à VII. Au début, je ne voulais pas y aller, je préférais rester avec les quinzistes, mais finalement ça m’a plu.
D’abord réticent à l’idée d’abandonner le rugby à XV, Zeghdar est rapidement tombé amoureux du rugby à VII et de son jeu rapide.
« Le premier tournoi que j’ai fait avec l’équipe de France de Sevens, c’était à Las Vegas et c’était tellement cool. J’ai adoré ça.
« La semaine suivante, on était à Vancouver. Et pour la première fois depuis je ne sais pas combien d’années, on a terminé deuxièmes. J’ai pris beaucoup de plaisir et j’ai souhaité continuer à pratiquer le rugby VII avec l’objectif de participer aux Jeux Olympiques. »
Zeghdar a été immédiatement séduit par les exigences et l’esprit de camaraderie propres à ce sport.
En route pour l’or olympique
La médaille d’or aux JO de Paris remportée avec l’équipe de France de Sevens constitue jusqu’à présent le meilleur moment de la carrière de Zeghdar. Selon lui, le succès de cette équipe tient aux liens forts qui unissent les joueurs et à l’engagement collectif.
« Je pense qu’on formait, même si ça semble évident de dire ça, comme une fratrie. On s’entend bien sur le terrain, mais aussi en dehors. On passe beaucoup de temps ensemble, et c’est selon moi une des plus grandes qualités de ce groupe.
« On est très proches et on forme une équipe complète. Tout le monde se donne à 100% pour l’équipe, et c’est ça qui nous a menés à la médaille d’or. »
Sans oublier la ferveur d’un public de passionnés, offrant une expérience inoubliable à Zeghdar.
« Avant les Jeux olympiques, j’avais le sentiment qu’il y aurait beaucoup de pression sur nous, mais en fait tout le monde attendait cet événement. Dès que nous sommes entrés sur le terrain, c’était la folie.
« Le public était tellement enthousiaste, tout le monde nous encourageait. Ça nous a donné beaucoup de motivation. »
Sans oublier la présence de stars comme Antoine Dupont qui a aussi participé à la dynamique.
« Évidemment, la dynamique a changé parce que Dupont, c’est l’un des meilleurs joueurs du monde. Dès qu’il est arrivé, il s’est intégré au groupe. C’était particulier parce qu’il dégage le charisme de celui qui a déjà beaucoup gagné.
« Quand tu joues au côté d’un joueur comme lui, tu as envie de donner le meilleur de toi-même. Je pense que tous les autres joueurs l’ont regardé et se sont donnés à 100% avec lui.
« Antoine est un gars très humble, il est arrivé sur la pointe des pieds pour son premier tournoi de Sevens. Il nous posait des questions pour savoir s’il se plaçait correctement. Quand on sait qu’il est l’un des meilleurs joueurs du monde actuellement, il a fait preuve de beaucoup d’humilité.
« C’était assez marrant qu’il nous pose des questions. Il ne faisait pas partie de l’équipe sur le premier tournoi, mais il a appris très vite. »
La victoire aux JO et son impact sur le rugby en France
Zeghdar estime que le succès de la France aux Jeux Olympiques a suscité une nouvelle vague d’intérêt pour le rugby, en particulier le rugby à VII.
« Beaucoup de gens, notamment en France, ont regardé le Sevens aux JO. J’ai reçu beaucoup de messages de la part de personnes qui m’ont dit qu’elles ne connaissaient pas grand-chose au rugby, mais qu’elles avaient pris beaucoup de plaisir à regarder le Sevens.
« Certains ont même pleuré quand on a gagné. Le Sevens a gagné en visibilité, et c’est super pour nous et l’avenir de la discipline. »
Cette exposition devrait encourager davantage de jeunes à pratiquer ce sport et contribuer à développer le rugby à VII en France avant les prochains Jeux Olympiques de Los Angeles.
« Certains jeunes auront regardé les JO et auront peut-être envie de pratiquer le rugby plus tard. Pour les Jeux olympiques de Los Angeles, j’espère que les gens seront présents et qu’on pourra continuer développer encore plus ce sport. »
À propos de sa carrière aux multiples facettes
La carrière de Zeghdar couvre aussi bien le rugby à XV que le Sevens, mais il admet que c’est le fait d’avoir participé aux Jeux Olympiques qui l’a le plus marqué.
« Mon stade préféré, c’est le Stade de France parce que c’est là qu’on a joué pendant les JO. J’ai eu la chance de jouer dans ce stade avec mon équipe de Top 14, Castres, pour la finale (du Top 14) en 2022. Mais ce n’était pas le même niveau d’intensité que les JO.
« Pendant les JO, l’ambiance était folle. Les gens ont célébré notre victoire et c’était génial d’avoir autant de soutien. Donc les JO restent mon meilleur moment dans ma carrière professionnelle.
« J’avais très envie de disputer les JO, car on n’avait pas réussi à se qualifier à Tokyo. Je crois que cet or olympique, c’est quelque chose qu’on peut inscrire dans l’Histoire du rugby français.
« C’était vraiment particulier pour moi de participer au JO, et j’espère bien avoir l’occasion de recommencer.
Sans toutefois délaisser le XV, la discipline dans laquelle il a commencé sa carrière.
“J’ai aussi envie de rejouer à XV. Pour l’instant, je ne sais pas vraiment comment je vais réussir à faire les deux, mais j’espère que je vais trouver un moyen. »
Les exigences physiques du Sevens
Passer du rugby à XV au Sevens n’a pas été facile, à écouter Antoine Zeghdar.
« À VII, on joue beaucoup plus de duels. Tu peux toucher le ballon beaucoup plus durant les quatorze minutes d’un match de Sevens. Alors qu’en 80 minutes, lors d’un match à XV, tu touches le ballon une ou deux fois. »
L’entraînement pour le rugby à sept met davantage l’accent sur la vitesse et l’agilité, avec des exercices originaux comme des leçons de danse pour améliorer le rythme et la coordination.
« La vitesse est très importante, donc il faut la travailler. Cette année, notre entraîneur nous a concocté quelques leçons de danse pour qu’on acquière cette coordination tous ensemble.
« Selon moi, c’est plus compliqué de passer de XV à VII parce que cela ne demande pas la même condition physique et la même musculature. Quand tu passes au Sevens, tu t’entraînes spécifiquement pour ça et donc tu perds un peu de poids, ce qui fait que tu cours plus vite et tu gagnes en endurance.
« J’estime que c’est plus facile de passer du Sevens au rugby à XV que l’inverse. »
Conseils pour la génération qui arrive
Antoine Zeghdar prodigue des conseils simples, mais précieux aux jeunes joueurs qui voudraient suivre ses traces.
« Dans le sport pro, il faut être prêt à faire des sacrifices, à s’entraîner dur, à travailler dur. C’est le revers de la médaille de notre magnifique sport. Mais en travaillant dur, on peut obtenir des moments magiques.
« Donc je dirais juste ‘Travaillez dur, entraînez-vous sérieusement, et profitez ensuite des bons moments’. »
Son futur
Quand le champion olympique se tourne vers l’avenir, il reste déterminé à continuer à progresser en tant que joueur tout en trouvant un équilibre entre le XV et le VII.
« Pour l’instant, je ne sais pas vraiment comment je vais réussir à combiner les deux, mais j’espère que j’y arriverai. Je suis en train de voir avec mon club comment on va gérer cette transition, car je veux rester en forme pour l’équipe de France de Sevens. »
L’histoire d’Antoine Zeghdar, c’est une histoire d’engagement, de polyvalence et d’amour du jeu. Que ce soit sur les terrains du Top 14 ou sous les regards du monde entier lors des JO, il continue de viser l’excellence, drainant dans son sillage une nouvelle génération de joueurs.
Cet article a été à l’origine publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.