Hoani Bosmorin : « On n'est pas venus en vacances en Afrique du Sud, on a un titre à défendre »
Du haut de ses 19 ans, il s’exprime avec l’assurance des vieux briscards rompus depuis longtemps à l’exercice médiatique. Parle d’inclusion, organise des cafés collectifs, s’attache à bien intégrer les derniers appelés.
Il y a bien quelques éléments de langage convenus, les fameux « matchs les uns après les autres », le groupe qui « vit bien », mais la présence de Hoani Bosmorin au premier point presse de l’équipe de France U20, qui démarre sa Coupe du Monde le 29 juin, en Afrique du Sud, avait quelque chose de rafraichissant.
Alors que les Bleuets lancent la défense de leur titre face à l’Espagne, l’ailier rochelais au discours mature et posé se livre sur les attentes de ce groupe amputé de quelques joueurs retenus avec les A pour aller en Argentine, mais à l’ambition bien intacte.
Alors que l’équipe de France a remporté les trois dernières éditions de cette Coupe du Monde U20, cette génération parait pourtant moins armée que ces devancières, notamment celle de 2023 qui avait roulé sur la compétition.
Cela n’empêche pas Hoani Bosmorin de croire en les chances de son équipe, qui lance sa compétition dans trois jours. Interview.
Hoani, la sélection U20 va démarrer sa Coupe du Monde ; la France a remporté les trois dernières éditions. Ça vous met une pression supplémentaire ?
« Je ne dirais pas une pression, plus une excitation. Le Tournoi a été une déception, maintenant il n’y a pas tout à jeter, il y a eu des choses excellentes sur le match du pays de Galles, en Écosse également. Ce n’est pas une pression, c’est plutôt à prendre comme une force. On n’est pas venus en vacances en Afrique du Sud, on est venus pour gagner. On a un titre à défendre, oui, ce n’est pas facile. Certains joueurs sont en tournée avec les A, d’autres sont blessés malheureusement, et tous ceux qui sont là méritent leur place.
« Il ne faut pas partir du fait qu’ils ont été champions l’an dernier, donc on va être champions cette année. Je pense que c’est l’erreur à ne pas faire. On sait que ça va être très compliqué, en passant par les Espagnols, une grosse équipe des Blacks et une grosse équipe du pays de Galles. On ne pense pas aux phases finales, on veut déjà terminer premier du groupe et après on pourra envisager la suite. »
Vous commencez votre tournoi face à l’Espagne, puis jouerez la Nouvelle-Zélande. Les regards sont-ils déjà tournés vers les Baby Blacks ?
« On aborde les matchs tels qu’ils sont. On pense tout d’abord à l’Espagne, la semaine a vraiment été basée sur les Espagnols. Il ne faut pas les sous-estimer, c’est une grosse équipe. Pour les avoir déjà joués à VII, notamment aux championnat d’Europe U18, c’est une équipe très combative, qui reste debout. Ils peuvent nous mettre en difficulté donc non, on n’a pas encore coché la case « Espagne » et tout de suite pensé à la Nouvelle-Zélande. On va prendre match après match et la Nouvelle-Zélande viendra la semaine prochaine. »
On constate que le projet U20 offre beaucoup de liberté dans le jeu. C’est plaisant ?
« L’équipe de France a en effet ce projet de jeu assez particulier. Les trois-quarts, on a la chance de pouvoir jouer au ballon, de mettre beaucoup de vitesse. C’est le cas cette année avec des joueurs rapides derrière, qui vont apporter des ballons plus vite à l’aile, ce que j’espère. Il faudra aussi que les ailiers aillent se les chercher, comme l’a très bien dit Benoît Baby (l’entraîneur en charge de l’attaque chez les U20, ndlr). »
En tant qu’ailier, aimes-tu venir chercher le ballon, un peu comme un centre ?
« Ce n’était pas du tout mon plan de jeu dans mes débuts à l’aile, mais je pense que pour jouer au haut niveau plus tard, il faut s’imprégner de ça. Venir chercher les ballons, taquiner les centres, les troisièmes lignes, autour du 9 et du 10. C’est important pour apporter plus d’énergie et toucher plus de ballons plutôt que d’attendre sur son aile à ne rien faire. »
À titre personnel, la saison a été particulière avec des matchs et des essais en Top 14, avec les U20, et aussi des blessures aux ischio-jambiers… Dans quel été physique et psychologique es-tu aujourd’hui ?
« Pour être honnête, ç’a été une année assez particulière pour moi. J’ai vécu un début de saison particulier, je ne m’attendais pas à jouer forcément. Ou du moins, je n’étais pas prêt. Je crois que ça m’a beaucoup aidé pour la suite, j’ai grandi aussi humainement de mon côté depuis le Tournoi des Six Nations où j’ai vécu un rêve durant les deux premières semaines avec l’Irlande et l’Écosse. C’était assez riche en émotions sur le terrain, et aussi avec les copains en dehors.
« Partir un mois pour jouer une Coupe du Monde avec tous ses potes en Afrique du Sud, honnêtement, à 18, 19, 20 ans c’est le Graal »
« J’ai voulu revenir trop vite de ma blessure, je me suis vraiment précipité. Je suis jeune, je suis insouciant aussi. Quand je dis que j’ai grandi humainement, c’est aussi par rapport à ça. Je me suis donc re blessé et j’ai eu cinq mois de convalescence, ça n’a pas été facile moralement, j’en ai bavé. Mais je ne suis pas du genre à lâcher, j’y ai cru et aujourd’hui j’ai eu la chance d’intégrer le groupe France. Je suis très fier de ça, très heureux et j’essaie d’apporter un max sur le terrain comme au-dehors. »
Un autre ailier rochelais, Simeli Daunivucu, aurait dû être avec vous, mais part finalement en tournée avec les A…
« Sa sélection est méritée, il a des qualités que j’ai rarement vues chez un joueur de son âge. Il y a aussi Oscar Jegou qui va participer à la tournée des Bleus en Argentine. On est tous hyper fiers d’eux et ça donne aussi envie d’être à leur place. Il ne faut pas sous-estimer la compétition U20 qui est une super compet pour nous les jeunes, on a un titre à défendre. Demain, on dit à n’importe quel joueur de partir un mois pour jouer une Coupe du Monde avec tous ses potes en Afrique du Sud, honnêtement, à 18, 19, 20 ans c’est le Graal. C’est quelque chose qui me fait rêver depuis tout petit. »
Dans quel état d’esprit se trouve le groupe ?
« Le groupe vit très bien, tous les mecs sont heureux d’être là, on apprend à se connaître aussi. On a mis quelques petites stratégies hors rugby dans le groupe pour essayer de déconnecter aussi. Par exemple, j’essaie de mettre quelque chose en place, c’est de prendre un petit café tous ensemble pour apprendre à se découvrir, se connaître les uns les autres car on n’est pas tous de la même génération. Il y a par exemple un “2006”, Samuel Jean-Christophe qui vient d’arriver, ce n’est pas facile d’intégrer un groupe U20 expérimenté. Donc on a pris le temps de bien l’accueillir, de bien l’intégrer. »
Fédérer, c’est un rôle qui te plait ?
« Oui, et ça va au-delà du petit café, ce sont des relations humaines qu’il faut entretenir chaque jour. C’est ne pas manger toujours à la même table avec les mêmes personnes, c’est aussi découvrir les gars que je ne connais pas. Il ne faut pas croire, mais un mois avec les gars, c’est long donc il faut entretenir ces relations humaines sur et en dehors du terrain. C’est important d’apprendre à connaître leur parcours rugbystique, mais aussi personnel. Je ne le fais pas tout seul, il y a énormément de mecs qui sont dans la même optique que moi. Pour le moment on est sur la même longueur d’ondes, on marche sur le même chemin donc pour le moment ce n’est que du positif. »