Jonathan Laugel : comment il a vécu sa non-sélection à Paris 2024
Le vétéran de France 7 a mis un terme à sa carrière au lendemain de la médaille d’or décrochée à Paris 2024, tournoi olympique duquel il a été écarté. En exclusivité pour RugbyPass, il raconte comment il a vécu cet épisode.
Lorsque la sélection pour les Jeux olympiques est tombée le 8 juillet, le nom de Jonathan Laugel (31 ans) n’y figurait pas. Avec une telle expérience pourtant, on aurait pensé qu’il en fasse partie, que ce serait une consécration pour saluer près de 600 matchs avec l’équipe de France de rugby à sept, dont 443 sur le World Series, au terme d’une carrière commencée par le tournoi de Wellington en février 2012.
Son dernier match aura donc été le 5 mai à Singapour face aux États-Unis ; une défaite de deux points (19-17). Un faible écart qui ne pardonne pas tant l’exigence du Sevens est grande. Et c’est entre autres pour cela qu’il n’a pas été sélectionné pour les JO.
« Le ressenti n’était pas évident à vivre », confie-t-il dans un entretien exclusif avec RugbyPass.
« Même si, c’est une réalité, ce n’était pas ma meilleure saison et j’en étais conscient. J’étais aussi conscient qu’il y avait des joueurs très performants à mon poste. De ne pas être dans ce groupe des Jeux olympiques, c’était un scénario auquel j’avais pensé.
« Jérôme (Daret, le coach) et Christophe (Reigt, le manager) m’ont appelé et Jérôme m’a partagé cette nouvelle de la non-sélection dans le groupe olympique.
« Ensuite, il m’a rapidement demandé si j’acceptais de me mettre à disposition de l’équipe pour les besoins qu’elle aurait, notamment sur des analyses de match pendant la compétition pour apporter un regard complémentaire. Pour moi, c’était évident de me mettre à sa dispo.
« Dans tous les scénarios que j’avais fait, pris ou pas pris, ce qui comptait c’est que l’équipe aille chercher sa médaille et qu’on puisse être le plus performant possible. Je suis vite passé à autre chose. »
Si Jonathan ne participe pas aux dernières semaines de la prépa olympique au Centre National du Rugby à Marcoussis, son expertise est régulièrement sollicitée comme un super consultant, même pendant la compétition, ce qui lui a permis de vivre le tournoi de Paris 2024 de manière qu’il n’aurait pas soupçonnée.
« Je pense qu’il y a eu eu trois rôles », dévoile-t-il. « Le rôle du supporter qui était de crier depuis mon siège ; c’est un rôle qui était assez agréable.
« Il y a eu le rôle du joueur car Jérôme m’a consulté, avec d’autres joueurs, sur une analyse de match des équipes et des individualités, par exemple pour l’Afrique du Sud, où on devait identifier les identités fortes du tournoi et sur quels points elles pourraient s’exprimer le mieux.
« Et ensuite, une troisième posture qui était celle de spectateur plus engagé en ouvrant la session finale de rugby à sept. J’avais cette triple casquette. C’était assez puissant et ça m’a procuré beaucoup d’émotion. »
Pendant la finale, c’est des tribunes qu’il a vu Joseva Talacolo marquer au bout de deux minutes, Andy Timo perforer la défense fidjienne jusqu’à ce que Jefferson-Lee Joseph parviennent à récupérer un offload pour marquer son les poteaux et égaliser, Antoine Dupont rentrer pour la seconde période, échapper à un plaquage et passer à Aaron Grandidier pour mener au score, puis Dupont, encore, enfoncer le clou et remporter la finale 28 à 7.
« J’étais avec ma mère et ma sœur. C’était un moment qui était plein d’émotion, parfois antinomiques. Je suis là, je suis avec les gars au soutien. J’ai envie qu’ils gagnent pour le rayonnement que ça va apporter au rugby à sept en France et dans le monde. Mais d’un autre côté, je me dis qu’ils vont le faire et moi je suis dans les tribunes », raconte Jonathan Laugel.
« C’est à ce moment-là où on se crée des scénarios dans la tête avant que ça arrive : si on se retrouve en finale, moi dans les tribunes, comment je réagirais.
« Ce que j’avais construit, c’était de pouvoir estimer la responsabilité que j’ai eu dans ce résultat final et comprendre que je suis une part du résultat et de l’histoire en train de s’écrire. C’est ce à quoi je me suis raccroché rapidement pour exprimer beaucoup de joie, en les voyant dominer cette finale et faire le jeu juste.
« Après, beaucoup de personnes sont venues me voir dans les tribunes pour me féliciter pour cette médaille et m’y associer. Concernant l’équipe, je les voyais célébrer, je me suis demandé si je devais les appeler, si j’avais envie d’aller sur le terrain…
« Je sentais que cette association, plus spirituelle en ce qui me concerne, me convenait. Je n’ai pas ressenti la nécessité d’aller vite sur le terrain la fêter ou vite les retrouver après, pour avoir la médaille par procuration.
« Je me sentais bien avec leur victoire. Les voir heureux me rendait heureux. Partager ce moment avec ma famille qui m’avait accompagné aussi dans toute cette trajectoire émotionnelle depuis plusieurs mois me semblait la bonne chose à faire. »
A l’heure qu’il est, Jonathan n’a toujours pas tenu la médaille d’or au creux de ses mains. « Pas encore. Et est-ce que j’ai vraiment besoin de la toucher ? », s’interroge-t-il.
« Elle n’est pas autour du cou, mais elle est quelque part en moi. C’est imperceptible, mais on ne m’enlèvera pas ce ressenti. Je n’étais pas sur le terrain, je ne l’ai pas eu autour du cou. Spirituellement, c’est ce qui m’apporte le plus. L’essentiel est fait. Mentalement, ça me nourrit bien plus que si je dois la toucher. »
C’est sans amertume ni frustration qu’il n’a pas célébré au Club France, qu’il ne s’est pas rendu au Champ-de-Mars sous les ovations du public, qu’il n’a pas dansé avec ses coéquipiers. Pour lui, l’essentiel est ailleurs.
« J’ai aussi conscience que la victoire appartient à ceux qui sont sur le terrain, à ceux qui l’ont vécu en équipe. C’était important que eux en profitent. J’étais juste heureux de les voir heureux, fêter, danser cette danse qu’on a faite pendant des années. J’étais trop content qu’ils fassent honneur à ce travail qu’on a réalisé, sans amertume. J’avais la sensation d’être là où je devais être, même si c’était devant la télé », sourit-il.
Désormais une nouvelle page s’ouvre. Ce 24 août, il se marie, en septembre, il part en lune de miel, en octobre, il entre chez Capgemini, là où il a été formé au cours des dernières années. Une nouvelle page de sa vie s’ouvre.