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Kolbe ou Dupont ? Qui est le roi de la polyvalence ?

KOLBE NO.2

Il y a quelques semaines, le monde du rugby est devenu dingue en voyant Antoine Dupont effectuer un lancer en touche aux Jeux Olympiques, et c’est normal. Après tout, le Toulousain s’est entraîné toute sa vie à ramasser le ballon à la base d’un ruck ou à le déposer entre les pieds d’un monstre à seize pattes. A Paris, il ne s’est contenté de se déguiser en talonneur, il a exécuté ce rôle à la perfection.

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Dans un sport comme le rugby où chaque poste est hautement spécialisé et représente une somme de variables uniques fonctionnant ensemble, il s’agissait d’un terrain inconnu, même pour celui communément qualifié de « meilleur joueur du monde ». Les fans du ballon ovale ont, à juste titre, perdu la tête devant l’audace du Toulousain.

Mais peut-être est-ce là la nouvelle norme. Peut-être que les chiffres au dos des maillots vont devenir aussi insignifiants que ceux floqués sur les maillots des footballeurs. Au cours des quatre dernières années, Dupont a parfois fait preuve de la passion d’un demi d’ouverture, de la vitesse d’un ailier, des capacités de course d’un premier centre et du sens de l’espace d’un arrière. Et si vous pensiez que sa polyvalence est l’exception qui confirme la règle, jetez plutôt un œil à la performance de Cheslin Kolbe contre les Wallabies la semaine dernière.

Kolbe serait-il, encore plus que Dupont, le joueur polyvalent par excellence de notre sport ? Le fait même de poser cette question pourrait bien être qualifié de sacrilège par les supporters français les plus zélés, mais laissons parler les preuves fournies par Kolbe lors de la première journée du Rugby Championship.

Dès la première mêlée, quelques minutes à peine après le début du match, l’ancien joueur du Stade Toulousain introduisait le ballon. Le fait qu’il le fasse alors que Cobus Reinach, le demi de mêlée désigné, était sur le terrain a semblé choquer même Rassie Erasmus, qui affichait le même visage qu’un jeune marié découvrant une inconnue en robe blanche remontant l’allée de l’église. Mais Kolbe était bien là, N.14 sur le dos, faisant rouler le ballon entre les deux packs.

Siya Kolisi a déclaré un jour que l’ailier casqué des Springboks dopé à la nitroglycérine était son « joueur préféré » et l’homme qu’il souhaitait imiter sur le terrain.

Peu de temps après, Kolbe était positionné en ouvreur, ajustant les passes vissées vers ses coéquipiers. Puis, on le retrouvait premier centre, venu de son aile pour apporter l’étincelle à la ligne d’attaque springbok. Ensuite il a défendu le couloir dévolu au second centre, un des rôles les plus difficiles à assumer selon les entraîneurs de la défense. Puis il a plaqué Allan Alaalatoa, un joueur pesant 50 kg de plus que lui.

Pour couronner le tout, et peut-être sous l’influence de Dupont, Kolbe a effectué une remise en touche à la suite du carton reçu par Malcolm Marx. Bien sûr, sa munition a trouvé preneur. On suppose qu’une fois sorti du Suncorp Stadium, il a enchaîné les strikes au bowling et les carreaux à la pétanque.

Siya Kolisi a déclaré un jour que l’ailier casqué des Springboks dopé à la nitroglycérine était son « joueur préféré » et l’homme qu’il souhaitait imiter sur le terrain. « Pour moi, ce qu’il fait sur le terrain, honnêtement, je pense qu’il est l’un des meilleurs à l’avoir jamais fait », a déclaré Kolisi. « C’est inspirant. Je suis heureux de jouer avec lui et non contre lui. »

Kolbe est-il le champion de la polyvalence ou Dupont reste-t-il le maître incontesté ? C’est une question qu’il vaut mieux laisser aux parieurs qui en sont à leur deuxième double brandy-coca ou à leur troisième verre de Cabernet Sauvignon.

Ce qui est plus intéressant, c’est de savoir comment cette fusion des rôles pourrait façonner la stratégie des Springboks au cours des trois prochaines années et si, oui ou non, ces joueurs polyvalents sont en train de changer irrévocablement le jeu tel que nous le connaissons.

Erasmus s’est vu attribuer de nombreux mérites. Il a fait évoluer la culture de son équipe nationale, en l’associant davantage à la nation dans son ensemble et en touchant des supporters qui se sentaient autrefois lésés par des relents d’apartheid.

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Il a œuvré pour l’unité sans sacrifier la qualité, tout en soutenant des joueurs qui auraient pu être jugés trop petits auparavant. Sur le terrain, il a recalibré la façon dont les remplaçants sont utilisés dans le monde entier et a cultivé un sentiment de fraternité extrêmement puissant.

Le nouveau sujet brûlant, la lumière qui devrait nous attirer, c’est la souplesse et la créativité qui constituent désormais la marque de fabrique de cette équipe.

Mais un élément mérite plus d’attention qu’il n’en a reçu. Plus que tout autre sélectionneur des Springboks – et sans doute plus que tout autre sélectionneur au monde – il a redéfini les fonctions de chaque poste. Lorsque son talonneur s’est blessé pendant la Coupe du monde l’année dernière, il a fait entrer un demi d’ouverture et a envoyé un 3e ligne entre ses deux piliers.

Avant qu’Erasmus ne prenne les rênes des Springboks en juin 2018, Pieter-Steph du Toit avait joué 66 % de ses tests au poste de 2e ligne. Un an plus tard, il était devenu le meilleur flanker du monde. Il a contribué à transformer un joueur de Sevens rapide mais comparativement petit en un N.8 de niveau international et a sélectionné quatre demis de mêlée pour une Coupe du monde qui a vu deux d’entre eux jouer à l’aile et un autre au poste de demi d’ouverture.

C’est de cela qu’il faut parler lorsque l’on évoque les Springboks. Oui, ils sont grands et puissants, oui ils sont directs et vous regardent droit dans les yeux, oui une grande partie de leurs supporters prennent ce jeu beaucoup trop au sérieux et oui leurs entraîneurs font des discours d’équipe à la mi-temps comme s’ils étaient sergent dans les tranchées de Verdun.

Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. Le nouveau sujet brûlant, la lumière qui devrait nous attirer, c’est la souplesse et la créativité qui constituent désormais la marque de fabrique de cette équipe.

Rassie Erasmus
Rassie Erasmus a permis à des joueurs comme Kolbe d'acquérir des compétences qui ne sont pas habituellement associées à leur poste (Photo Matt Roberts/Getty Images).

Pour le deuxième test contre l’Australie ce week-end à Perth, Erasmus a effectué dix changements par rapport à l’équipe qui a démoli les Wallabies à Brisbane (33-7). Kolbe conserve sa place au poste de numéro 14, mais franchement, qui sait ce qu’on lui a demandé de faire ?

Du Toit est replacé en troisième ligne, mais cela n’a guère d’importance puisqu’il a joué comme un flanker la semaine dernière, bien que sur le papier il était positionné 2e ligne. Lukhanyo Am revient dans l’équipe au poste de premier centre, un pas de plus vers l’action par rapport à sa position habituelle, et deux demis d’ouverture, Manie Libbok et Handre Pollard, débuteront sur le banc.

Libbok remplacera-t-il Aphelele Fassi au poste d’arrière ? Glissera-t-il au poste de demi d’ouverture et poussera-t-il Sacha Feinberg-Mngomezulu vers l’arrière ? Pollard continuera-t-il à trouver sa place en premier centre, offrant une combinaison de puissance et d’habileté à un poste qui n’était jusqu’à présent occupé que par des chars d’assaut ? Marx offrira-t-il une option en 3e ligne ? Grant Williams rôdera-t-il sur l’aile ?

Le fait est que nous n’en savons rien. Cette équipe, autrefois considérée comme totalement unidimensionnelle, incapable de concevoir une autre approche pour franchir un mur de briques que de le traverser en courant, est aujourd’hui capable d’escalader n’importe quelle montagne, de contourner n’importe quel obstacle et de le transpercer si c’est la dernière option disponible.

Le premier match du Rugby Championship a été un succès retentissant pour les Boks. Le défi consiste à faire en sorte que la machine continuer de tourner à plein régime et que les postes sur le terrain demeurent en constante évolution.

Cet article a été publié à l’origine en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.

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