L'avenir en Bleu de Matthieu Jalibert est-il définitivement bouché ?
Remplaçant contre le Japon vendredi dernier, non retenu contre les All Blacks samedi, le demi d’ouverture Matthieu Jalibert doit s’interroger sur son avenir en Bleu.
En à peine plus d’un an, la trajectoire internationale de Matthieu Jalibert a pris du plomb dans l’aile. Si la carrière en bleu du joueur de l’Union Bordeaux-Bègles n’a jamais été linéaire, elle est en train de tourner à l’eau de boudin, entre temps de jeu réduit et éviction de la feuille de match.
Propulsé titulaire à la veille de la Coupe du Monde 2023 à la suite de la grave blessure de Romain Ntamack (rupture de ligaments croisés du genou) en match de préparation, le demi d’ouverture bordelais n’aura pas vraiment profité de ce statut.
Il n’a disputé que sept matchs avec le N.10 dans le dos : quatre durant le Mondial (Nouvelle-Zélande, Namibie, Italie, Afrique du Sud) et trois au début du Tournoi des Six Nations (Irlande, Écosse, Italie) avant de retourner à sa condition de super joker.
En dépit de la nouvelle absence sur ces Autumn Nations Series de Ntamack, qui apparait depuis plusieurs années comme son principal concurrent pour mener le jeu des Bleus, le Bordelais ne semble même plus constituer une solution de rechange au poste de demi d’ouverture.
Le staff lui préfère Thomas Ramos, habituel arrière. Le buteur toulousain avait pris le relais durant le dernier Tournoi, que Jalibert avait quitté blessé contre l’Italie.
Et les Bleus, mal en point jusque-là, avaient relevé la tête sur les deux dernières rencontres en gagnant largement à Cardiff avant de s’offrir l’Angleterre à Lyon. Sans Jalibert, donc.
En 2021, Jalibert promu puis déclassé
On peut même remonter un peu plus loin sa trace sinueuse en bleu. Il y a trois ans exactement, des voix s’élevaient (déjà) pour réclamer la titularisation de « Jalib’ ». Ce dernier avait été aligné en 10 lors de la tournée d’automne 2021 contre l’Argentine (29-20) puis la Géorgie (41-15), repoussant Ntamack à un poste de premier centre où son influence s’était diluée.
Le Toulousain était revenu à l’ouverture pour le dernier match de la tournée face à la Nouvelle-Zélande, et la victoire flamboyante des Bleus sur les Blacks avait clos le débat pour quelque temps.
Au-delà de son essai joliment amené, le fils d’Émile avait réussi un match plein, marquant notamment les esprits avec son incroyable relance depuis l’en-but qui a tourné en boucle sur les réseaux sociaux et toutes les chaines du monde.
Une action qui avait marqué le grand public et si l’on se doute que Galthié et ses adjoints n’arrêtent pas leur choix à cela, ils auront sans doute noté la différence de performance collective avec ou sans Jalibert à ce moment-là.
Le profil de Jalibert colle plus à l’UBB qu’à l’équipe de France
Le constat est brutal et même un peu injuste pour un joueur éminemment doué, leader offensif d’une UBB qui affiche la meilleure attaque actuelle du Top 14, souvent brillant sous le maillot bordelais. Un joueur dont les qualités correspondent fort bien au jeu prôné en Gironde, fait de prises de risques et d’initiatives individuelles, mais moins à la philosophie de Galthié, tout aussi évolutive qu’elle soit.
Résultat, huit mois après le Tournoi, l’expérience Ramos à l’ouverture a été reconduite contre le Japon vendredi dernier, et Jalibert a dû se contenter d’une demi-heure de jeu.
Une semaine plus tard, le déclassement est encore plus visible puisque le joueur de l’UBB ne fait même pas partie des « finisseurs », première victime du banc comprenant six avants.
Interrogé en conférence de presse sur cette absence remarquée, Fabien Galthié n’a pas voulu faire de cas particulier.
« On prend le temps de discuter avec tous les joueurs. Il y a 15 places de titulaires, huit de finisseurs. Cela fait 23 places en tout, on travaille avec un groupe de 42. Il y a donc des joueurs qui repartent, d’autres en réserve. L’émulation dans ce groupe est très importante », a-t-il développé, avant d’encourager à voir plus loin que ce mois de novembre.
« Concernant les joueurs qui n’ont pas la chance d’être dans ce groupe, c’est un moment important pour 2027. Ces quatre semaines vont nous permettre d’embarquer tous les joueurs qui ont la capacité de tenir sur la distance, de se développer physiquement, rugbystiquement. »
« Il faut de l’endurance mentale, de la force de caractère pour jouer en équipe de France, pour traverser les moments heureux et aussi les moments difficiles ».
Difficile de dire comment Matthieu Jalibert, reparti à Bordeaux pour le week-end à sa demande alors qu’il était prévu qu’il soit réserviste, vit ce moment. On se doute que le moment est forcément désagréable, et que mille questions vont lui traverser l’esprit samedi soir, s’il regarde le match.
Galthié sur Jalibert : « Il continuera. S’il le souhaite bien sûr »
Relancé sur le cas Jalibert et ses éventuels états d’âme, le sélectionneur a fini par lâcher quelques mots sur son joueur. « Chacun est libre de vivre ses émotions, de les partager. On a besoin de détermination, de joueurs forts.
« Même si jusqu’à présent son parcours avec nous n’a pas été linéaire, il a apporté à l’équipe de France sa force, son talent. Il a toujours donné le meilleur de lui-même et il continuera. S’il le souhaite bien sûr. »
Une dernière petite phrase qui, en extrapolant, pourrait ne pas être aussi anodine qu’elle en a l’air. Jalibert aurait-il en tête de faire un break des Bleus, voire de renoncer l’équipe de France ? Il est bien trop tôt pour le dire, et la décision lui revient à lui seul.
Mais d’autres l’ont fait avant lui. On se souvient de la retraite internationale de Jefferson Poirot en 2020, à seulement 27 ans, évoquant « les cadences », les « nombreux sacrifices », alors qu’il avait perdu sa place de titulaire au profit de Cyril Baille.
« Chacun a le choix de prendre une décision », a poursuivi le sélectionneur, avant re répéter sa volonté d’« identifier des joueurs déterminés qui ont la capacité de traverser les bons moments et les moments difficiles ».
Jalibert peut prendre exemple sur la carrière internationale de Galthié
Et d’évoquer un cas particulier de résilience en bleu : le sien. « Je pourrais parler de ma carrière, mais ce n’est pas le sujet ». Alors on va le faire pour lui.
La carrière du demi de mêlée sous le maillot bleu s’étire sur 12 ans, de 1991 à 2003. Il est notamment le N.9 titulaire lors de la Coupe du Monde 1991, à 22 ans.
Mais à ces débuts en fanfare succède une période bien moins faste. De 1991 à 1998, il ne cumule que 23 capes. Il est notamment devancé dans la hiérarchie des demis de mêlée par Guy Accocebery, Aubin Hueber ou Philippe Carbonneau.
« Galette » revient en grâce en 1999, à 30 ans, et figure notamment dans l’équipe de France finaliste du Mondial cette année-là, avec au passage la victoire mythique sur la Nouvelle-Zélande en demi-finale (43-31).
En 2001, il est nommé capitaine et poussera jusqu’à la Coupe du Monde 2003, sa 4e personnelle, au terme de laquelle il prendra sa carrière. À 34 ans et pour finir 64 sélections en bleu.
De quoi donner de l’espoir, et peut-être un motif de patience, à Matthieu Jalibert.
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