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Les joueurs d'aujourd'hui sont-ils vraiment meilleurs qu'avant ?

Les Springboks 2023 sont-ils meilleurs que leurs prédecesseurs de 1995 ? (Photo Getty images)

Le Tournoi des Six Nations m’a donné l’occasion de réfléchir au rugby et à la direction qu’il prend. C’est drôle, je me souviens de la réponse de Frik du Preez, grand capitaine des Springboks, à qui l’on demandait un jour : « Votre équipe des années 1960 battrait-elle l’équipe actuelle de l’Afrique du Sud ? Sa réponse ? « De 20 points seulement ». Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a répondu : « Eh bien, parce que nous avons tous 80 ans passés aujourd’hui ».

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Frik adore manier l’humour, mais la question qu’on lui a posée est récurrente chez tous les amateurs de sport : les légendes d’antan battraient-elles les joueurs d’aujourd’hui ?

L’année dernière, nous avons assisté à une Coupe du monde passionnante en France, à un Tournoi des Six Nations de grande qualité et le débat n’a jamais été aussi pertinent. Où en est le rugby aujourd’hui ? Se porte-t-il mieux ou moins bien qu’avant ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’au cours des derniers mois, deux icônes du jeu nous ont malheureusement quittés : JPR Williams et Barry John.

J’ai commencé à entraîner en 1982. J’étais alors étudiant à l’université de Varsity, et j’avais notamment accès aux VHS des plus grands matchs. Cela m’a permis de me plonger dans les exploits passés. Vous savez, l’équipe galloise des années soixante-dix qui a remporté trois fois le Grand Chelem, les glorieuses tournées des Lions britanniques et irlandais de 1971 et 1974, ou encore les équipes mythiques des All Blacks qui se rendaient dans les îles britanniques et battaient à plate couture toutes les nations qui se trouvaient sur leur passage ?

Je me régalais des « cad-deb » de Phil Bennett, des plaquages foudroyants de JPR Williams. Je restais assis là, tard dans la nuit, devant cette énorme télé, je pouvais m’imprégner des débuts de buteurs du calibre de Grant Fox, ou de joueurs uniques comme Zinzan Brooke. Il me semblait toujours qu’il y avait un énorme fossé entre ces icônes et les autres.

Zinzan Brooke All Blacks
Zinzan Brooke with the ball for the All Blacks. Credit: David Rogers/Allsport

Je me demande donc, et j’aimerais avoir l’avis du plus grand nombre, si le rugby s’est amélioré. Aujourd’hui, les enfants s’entraînent à plein temps. Ils disposent d’applications d’entraînement, de préparateurs physiques, ils ont accès à YouTube pour analyser d’autres joueurs. En fait, il n’y a jamais eu autant d’outils d’apprentissage à portée de main.

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Mais regardez les légendes, qu’ils soient plutôt coureurs comme Gareth Edwards, JJ Williams et Andy Irvine, ou massifs comme Willie John McBride, Fergus Slattery et Fran Cotton. Ce sont des joueurs incroyables. Mais sont-ils aussi doués que ceux que nous voyons aujourd’hui ?

Tout est une question de cycle. Prenons l’exemple de cette équipe d’Irlande qui vient de remporter le Tournoi. Les gens en font grand cas, et croyez-moi, ils le méritent, ils jouent un rugby formidable, mais ils n’ont pas gagné de Coupe du monde. Je me demande même s’ils auraient pu battre une équipe d’Irlande composée de Brian O’Driscoll, Keith Wood, Ronan O’Gara et Paul O’Connell. Je ne connais pas la réponse, et mon avis ne compte pas. C’est une question qui s’adresse aux amateurs de rugby. Regardez d’autres équipes qui ont marqué les esprits. Les Wallabies des années 90, doubles vainqueurs de la Coupe du monde, avec des joueurs comme Matt Burke, George Gregan, Stephen Larkham, Joe Roff et Wendell Sailor. Ensuite, on a eu une période de domination All Black, avec Richie McCaw, Dan Carter, Jerome Kaino, Ma’a Nonu, Keven Mealamu. La cuvée 2015 de la Nouvelle-Zélande était assez extraordinaire.

Lors de la Coupe du monde 2023, les Fidji ont battu l’Australie et ont failli battre le pays de Galles et l’Angleterre. Cela signifie-t-il que les nations historiquement fortes ont régressé, ou que les nations émergentes ont progressé ? Ces dernières affirment souvent : « Jugez-nous sur les Coupes du monde » parce qu’à ce moment-là, elles sont les moyens d’affronter les meilleurs joueurs du monde.

Pourquoi ? Parce que World Rugby injecte beaucoup d’argent, par l’intermédiaire du pôle haute performance. Tout cela a pour but d’uniformiser le niveau de jeu. Les joueurs issus de pays moins riches disposent de moyens pour s’entraîner, se préparer physiquement, afin d’être plus compétitifs.

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Il ne faut pas qu’il n’y ait qu’une ou deux équipes capables de remporter une compétition mondiale. Prenons l’exemple du football. Ce serait ennuyeux si le Brésil ou l’Allemagne gagnait la Coupe du Monde tous les quatre ans. En réalité, huit équipes l’ont remportée depuis 1930, contre quatre nations au rugby depuis 1987.

Mais les progrès ne sont pas des acquis éternels. Il est arrivé, lors de précédentes Coupes du Monde, que les Samoa battent le pays de Galles, mais les Samoa se sont effondrés. Ou encore la Roumanie. Elle était un pays majeur, mais elle s’est étiolée peu à peu.

Il y a aussi des exemples de réussite depuis que le rugby est devenu professionnel. Regardez ce que l’Italie a réalisé ces dernières semaines avec deux clubs professionnels, en décrochant un match nul face à la France qui compte 14 clubs d’élite, puis en battant l’Écosse et le pays de Galles lors des deux dernières journées. On pouvait voir toute la joie des Azzurri sur leur visage !

En septembre 1995, le rugby est devenu professionnel. Cela signifie que les joueurs sont encadrés dès leur plus jeune âge. Ils vont dans des centres de formation, sont payés et les meilleurs deviennent professionnel. S’ils sont exceptionnels, ils représentent leur pays.

Mais le professionnalisme ne profite pas à tous. Au pays de Galles, toutes les équipes de club ont été absorbées par la structure régionale, et les clubs écossais ont suivi le même chemin. En Afrique du Sud, nous sommes passés de 22 à 14 franchises.

Pourquoi est-ce que j’évoque cela ? L’ironie de la chose, c’est que je ne suis pas sûr que le sport ait progressé davantage en ayant moins de joueurs, plus d’argent et plus de temps pour affiner nos compétences. Les joueurs d’autrefois, qui étaient employés de banque, médecins, agriculteurs ou avocats, avaient plus de contraintes. Ils s’entraînaient tôt le matin, ou tard le soir, juste pour s’adapter à leur travail. Ce qui demande un réel dévouement, une passion pour le sport et une personnalité compétitive. Ils jouaient sur des terrains qui ressemblaient à des tourbières ou à des champs de poussière. Aujourd’hui, les joueurs s’entraînent sur des terrains parfaits, avec des installations intérieures, du gazon artificiel et à des heures où le trafic est fluide. Est-ce trop de confort ? À vous de le dire.

Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que les joueurs sont plus en forme, plus grands, plus rapides et plus forts que jamais, alors que les dimensions du terrain n’ont pas changé. C’est un peu comme au golf, les joueurs frappent plus longtemps, disposent d’un meilleur équipement avec des fers en graphite, et non des clubs en bois, et le terrain de golf reste de la même longueur. C’est la même chose au tennis, les entraîneurs doivent donc s’adapter.

Si l’on s’intéresse à des moments particuliers, il suffit de penser à ce magnifique essai des Barbarians en 1973. Il vaut encore le détour aujourd’hui pour les sensations qu’il procure, sa justesse la joie de vivre qui en ressort. D’ailleurs, on peut le rapprocher de ce magnifique essai français face à l’Angleterre, achevé par Nolann le Garrec ?

En parlant des Bleus, pensez-vous que Serge Blanco, Jean Pierre-Rives, Philippe Sella, ou Franck Mesnel ne s’épanouiraient pas dans le jeu d’aujourd’hui ? C’étaient des joueurs bénis des Dieux ! De l’autre côté de la Manche, il ne faut pas oublier l’équipe anglaise contre laquelle j’ai eu le privilège d’entraîner. Tindall, Greenwood, Grewcock, Johnson, Dallaglio, Thompson, Wilkinson. Combien d’entre eux auraient fait partie de l’équipe qui a affronté la France le week-end dernier ? Ils jouaient à un niveau très élevé moins de 10 ans après la professionnalisation du jeu et pour cela, je leur tire mon chapeau.

Aujourd’hui, je ne vois aucune équipe qui soit aussi dominante que ces grandes équipes à l’époque. Lors de la Coupe du monde 2023, il y avait un point d’écart entre la France et l’Afrique du Sud, trois points entre l’Irlande et la Nouvelle-Zélande. Trois points entre l’Irlande et la Nouvelle-Zélande. Aucun n’a l’air d’un géant comparé aux autres.

Les fans de sport posent aiment comparer les générations. J’étais récemment à une collecte de fonds et tous ces enfants nous posaient les mêmes questions, à quelques joueurs des Bulls et moi. « Quels sont les meilleurs joueurs que vous avez affrontés ? » « Quels sont les joueurs les plus difficiles que vous ayez affrontés ? » « Dans quel stade est-il le plus difficile de gagner ? »

Dans d’autres sports, vous vous disputeriez avec votre père pour savoir qui est le meilleur boxeur, Muhammad Ali ou Mike Tyson ? Le meilleur pilote de F1, Ayrton Senna ou Lewis Hamilton ? Le meilleur tennisman, Bjorn Borg ou Novak Djokovic ? Le plus grand footballeur, Pelé ou Messi ? Le meilleur footballeur américain, Joe Montana ou Tom Brady ? Je suis fan et regarde tous ces sports et je me demande s’ils se sont développés plus rapidement que le rugby.

Les débats sont amusants et peuvent souvent améliorer le produit, c’est pourquoi j’aime le sport. N’hésitez à me faire savoir ce que vous en pensez, ça m’intéresse beaucoup.

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