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Levani Botia, arrivé à La Rochelle pour trois mois, une légende dix plus tard

Par Liam Heagney
Levani Botia est arrivé à La Rochelle avec un contrat de trois mois en Pro D2 et est devenu une légende des Maritimes dix ans plus tard. (Photo by David Rogers/Getty Images)

Levani Botia vient de passer des mois difficiles. Réputé pour sa longévité, il squatte les feuilles de match du Stade Rochelais depuis une décennie, et a célébré sa 200e apparition sous le maillot des Maritimes en avril dernier.

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Pour l’occasion, le Fidjien était entré seul sur la pelouse de Marcel-Deflandre pour profiter des acclamations d’un stade plein comme un œuf, avant de décrocher un succès face à Toulon.

Treize jours plus tard, patatras. Il se fracturait l’avant-bras à Bordeaux, et attend depuis de débloquer son compteur, coincé à 201 matchs. Frustrant, ce n’est rien de le dire, et 22 semaines plus tard, la date de son retour n’est pas encore fixée. Le flanker (ou centre à l’occasion) n’exclut toutefois pas de participer aux Autumn Nations Series avec sa sélection. Les Fidji doivent y affronter l’Écosse, le pays de Galles, l’Espagne et l’Irlande.

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Une chose est sûre, c’est que Botia, à 35 ans, ne compte pas prendre sa retraite internationale. « Je reste disponible pour les Fidji si jamais l’équipe e besoin de moi. L’heure de la retraite n’a pas encore sonné », atteste-t-il à RugbyPass, lors d’un entretien téléphonique à la fin d’une journée de rééducation, une de plus. « Je travaille dur pour retrouver la forme et répondre à l’appel des Fidji au cas où. »

Cette blessure a été vécue comme un véritable calvaire pour le vétéran. « Je serai sans doute de retour dans quelques semaines. Je n’ai jamais connu de convalescence, de longue période de repos comme celle-ci auparavant. Le rugby me manque. Parfois, c’est pénible parce qu’on ne peut pas faire grand-chose dans cette situation. Il y a eu quelques entraînements, mais je n’ai pas eu le droit de faire des contacts. Le rugby me manque, vraiment ».

Botia est arrivé à La Rochelle avec un contrat de trois mois

Pas de quoi, cependant, altérer son statut de légende sur la côte Atlantique. Son arrivée en 2014 ressemblait pourtant à un pari. Il avait quitté sa famille et son job de gardien de prison aux Fidji pour tenter sa chance et répondre à la proposition d’un club qui évoluait alors en Pro D2 : un contrat de trois mois qui s’est transformé en carrière au long cours dans le rugby pro.

Un pari gagnant : La Rochelle est montée en Top 14, Botia est devenu un joueur essentiel et une figure rochelaise, dont l’histoire a culminé avec cette ovation du public qui adore le joueur, il y a six mois.

« C’était incroyable, c’est un souvenir que je n’oublierai jamais. Je n’aurais jamais cru disputer 200 matchs avec La Rochelle. C’est un parcours incroyable pour moi, et pour le club aussi.

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« Mes meilleurs souvenirs ? Je pensais rester trois mois et remporter la finale d’accession au Top 14 m’a permis de prolonger mon contrat. Et les deux victoires en Coupes d’Europe. »

« Honnêtement, ce n’était pas facile au début. Heureusement, la famille de Kini [Murimurivalu] m’a pris sous son aile »

Levani Botia fouille dans sa mémoire pour raconter ses premiers pas sur les terrains français, alors qu’il avait 24 ans et était totalement inconnu. « On était allés à Colomiers pour mon premier match, puis on avait accueilli Narbonne pour mon premier match à domicile. À ce moment-là, je n’avais pas encore décidé de vivre en France, et je n’imaginais pas rester aussi longtemps.

« Honnêtement, ce n’était pas facile. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur quelques légendes du rugby fidjien qui avaient joué ou qui jouaient à La Rochelle comme Sireli Bobo, Kini Murimurivalu et quelques autres. Tout était si différent : les gens, la langue, les surtout la nourriture.

« À tel point que j’ai perdu du poids en arrivant. Heureusement, la famille de Kini m’a pris sous son aile et j’ai vécu avec eux. Ça m’a beaucoup aidé. »

Aujourd’hui, le sacrifice en valait la peine. « Cette décennie a été incroyable. Ma famille a adoré cette petite ville à partir du moment où elle a mis les pieds ici. C’est tranquille, les gens sont adorables, on est super bien accueillis où que l’on aille. C’est un esprit de famille qui rappelle les Fidji ». Et la nourriture ? « Ce que je préfère ? Les huitres et la baguette ! »

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Botia et La Rochelle ont grandi ensemble. Rois d’Europe à deux reprises sous la direction de Ronan O’Gara (2022 et 2023), il leur reste à conquérir le Bouclier de Brennus, et font désormais partie des favoris chaque année.

« On n’a pas encore gagné le Top 14, mais on peut voir qu’on progresse. Pas mal de nos joueurs sont retenus en équipe de France, on a Jack Nowell, quelques All Blacks… »

Botia est aujourd’hui indissociable de la réussite rochelaise

En dix ans, il a pu noter l’évolution du club : « les installations, la mentalité des joueurs », liste-t-il. « L’une des meilleures choses, c’est d’avoir un coach anglophone en France. Ç’a fait évoluer l’état d’esprit de tout le monde et tendre vers une mentalité de champion. Ce n’était pas évident parce qu’il y avait un mix d’étrangers et de Français mais tout le monde s’est accordé année après année jusqu’à soulever un trophée. »

Botia est aujourd’hui indissociable de la réussite rochelaise. C’est un adversaire redouté, qu’il joue en troisième ligne ou au centre. Ses plaquages et ses charges ballon en main font des dégâts, et il excelle toujours dans le jeu au sol. « Peu importe ma position sur le terrain. Tant que je joue, je suis heureux. Mais en vieillissant, je crois que c’est mieux de jouer devant. »

Où qu’il soit aligné, il exerce son art du grattage aux quatre coins du terrain. « Je ne m’entraîne pas spécialement pour ça, mais c’est devenu l’un des mes forces. J’ai été malmené quelques fois dans les rucks en essayant de voler le ballon, particulièrement contre Toulouse et le Leinster, ou encore contre les Stormers au Cap, l’an dernier.

« C’est un rude combat chaque semaine. Je vois bien que les grands costauds cherchent à me chasser des rucks », ajoute-t-il en riant. « Après les matchs, ça tire un peu mais rien de nouveau là-dedans. J’essaie de récupérer le plus vite possible pendant la semaine. »

Sa condition physique, Botia l’entretient depuis son plus jeune âge. Aux Fidji, il parcourait 14 km à pied de Suva à Nakasi pour aller à l’entraînement puisqu’il n’avait pas assez d’argent pour payer le ticket de bus.

« Je faisais ça avant de travailler comme gardien de prison. J’habitais avec ma famille, mon oncle. Après le repas de midi, je mettais deux heures pour rejoindre le terrain d’entraînement. »

Botia avait 21 ans quand il a commencé à travailler en prison. Son salaire lui permettait de financer son ambition rugbystique. « Ce n’est pas agréable de travailler dans une prison », se souvient-il. « Vous avez affaire à des gens violents, à des gens qui n’ont rien à perdre.

« Il faut se comporter en homme quand tu mets les pieds en prison »

« Chaque jour, il fallait être sur le qui-vive, rester éveillé même en travaillant de nuit. C’est compliqué de s’occuper de gens qui ne t’écoutent pas, qui te menacent… Il faut se comporter en homme quand tu mets les pieds en prison et que tu te confrontes à ce milieu. »

Il a fini par en partir pour se consacrer à plein temps au rugby. « J’ai écrit ma lettre de démission. Ma femme [Emele] et mes enfants sont restés aux Fidji quand je suis parti en France. Je ne savais pas si j’allais bien gagner ma vie, avoir un contrat. Je suis parti dans l’idée de rester trois mois, puis de retrouver du boulot aux Fidji si ça n’allait pas plus loin. On en a discuté avec ma femme qui était d’accord. Alors je suis venu en France et je ne voulais pas repartir les mains vides ».

Sous contrat jusqu’en 2026, Botia, qui aura alors 37 ans, n’est pas sûr de ce qu’il fera à ce moment-là. « Pour le moment, ma préoccupation c’est de m’occuper de mes enfants. Qu’ils terminent leurs études, qu’ils fassent ce dont ils ont envie. J’ai dans un coin de la tête l’idée d’entraîner, il faudra que je me décide bientôt.

« Les gens me demandent quand j’arrêterai. Ça dépend de ce dit mon corps. Quand il me dira ‘stop’, j’arrêterai. Ce n’est pas encore décidé. Il me reste deux ans de contrat, et j’ai hâte de rejouer. »

Et tant qu’il le pourra, il continuera également à défendre les couleurs de son pays, malgré les difficultés. Le quart de finale atteint lors de la Coupe du Monde 2023 a en effet été terni par la guéguerre entre la Fijian Rugby Union (FRU, la fédération fidjienne) et les joueurs, qui ont menacé de ne pas disputer ce match pourtant historique.

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La FRU est revenue sur la polémique en publiant cette semaine les conclusions d’une enquête sur les paiements effectués aux joueurs lors du Mondial français.

« Tant qu’ils font le nécessaire pour rendre les joueurs heureux, ils feront bien leur boulot. Le jour du match approchait et notre état d’esprit était partagé entre le volet financier le sportif. Cela se passe comme ça depuis une éternité. Quand tu débarques en équipe des Fidji, ça se passe toujours comme ça. C’est le message qu’on souhaite faire passer à la FRU : prendre soin des joueurs, c’est quelque chose qui les aide à être bons sur le terrain. »

« Cela nous a poussés parce qu’on s’entraînait devant nos familles, dans notre pays, et quand c’était difficile, on ne se décourageait pas »

Car les Flying Fijians donnent toujours tout ce qu’ils ont pour rivaliser avec des équipes disposant de beaucoup plus de moyens, et ont beaucoup de fierté de représenter les leurs. Cela s’est encore vu l’an dernier, au cours des premières semaines de préparation physique pré Coupe du Monde.

L’équipe dirigée par Simon Raiwalui s’est astreinte à gravir encore et encore les dunes de Sigatoka, une répétition d’efforts très éprouvants. « Ç’a été une véritable source d’inspiration, car la première équipe des Fidji à parvenir en quarts de finale en 2007 s’était entraînée ici. Cela nous a poussés parce qu’on s’entraînait devant nos familles, dans notre pays, et quand c’était difficile, on ne se décourageait pas. »

« On savait qu’il fallait travailler dur pour atteindre notre rêve, donc tout le monde a tout donné, s’est battu pour gagner sa place. L’équipe retenue n’avait pas encore été annoncée, donc il fallait tout faire pour se faire remarquer. Les gens chez nous nous ont toujours soutenus chaque fois qu’on les croisait, nous glissaient un petit mot sympa en nous souhaitant d’être retenus. C’était extraordinaire de s’entraîner là-bas et cela nous a permis d’aller de l’avant. »

Cet article a été initialement publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.

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