Olivier Brouzet : « En 2022, je pensais vraiment qu'on allait gagner le championnat »
Dix-sept ans au sein d’un même club, forcément ça marque. Alors quand Olivier Brouzet parle de l’Union Bordeaux-Bègles, il ne peut s’empêcher de dire « on ». Pourtant, cela fait plus de trois ans qu’il a volontairement laissé le poste de directeur du développement qu’il occupait depuis 2007.
L’ancien 2e ligne international basculait alors dans sa « 3e vie » professionnelle : il s’est associé à la création et à la direction d’un restaurant, « La Cage », à Bègles qui souffle sa première bougie d’anniversaire ce 31 mai. On croit le nom de l’établissement, « La Cage », fait sur-mesure pour l’ancien 2e ligne. Raté, il faut plutôt aller chercher du côté du hockey-sur-glace.
« C’est un concept québécois de brasserie sportive de 240 couverts. Il y a deux écrans géants qui sont sans doute les plus grands d’Europe, on propose de la restauration nord-américaine, québécoise avec une touche de Sud-Ouest », explique Brouzet.
« C’est le premier établissement hors Québec à ouvrir ses portes. J’ai toujours eu envie d’avoir un resto comme ça et le fait d’être le premier en France et en Europe m’a plu. »
Joueur de devoir, international accompli (71 sélections, Grands Chelems en 1998 et 2002, finale de la Coupe du Monde 1999), le Biterrois de naissance était revenu en Gironde une fois retraité des terrains. Joueur, il avait porté quatre ans durant (1996-2000) les couleurs du CABBG (Club Athlétique Bègles Bordeaux Gironde), l’ancêtre de l’UBB.
Aux côtés du président Laurent Marti, l’ancien 2e ligne a été l’architecte du renouveau de Bordeaux-Bègles, passé de l’anonymat de la Pro D2 dans un stade Moga vide aux 9/10es aux premiers rôles du Top 14 dans un stade Chaban-Delmas rempli jusqu’aux cintres saison après saison.
Mais l’UBB cale pour l’instant sur l’avant-dernière marche. La litanie des demi-finales perdues ces dernières années montre autant les progrès du club que l’ampleur de la tâche restante : Challenge européen 2020, Champions Cup 2021, Top 14 2021, 2022, 2023.
À deux semaines des barrages d’accès aux demi-finales que l’UBB devrait disputer (à deux journées de la fin, les Bordelais sont troisièmes avec huit points d’avance sur le 7e et sept points de retard sur le 2e), « La Brouze » était l’observateur idéal pour retracer le chemin parcouru par son club de cœur, désormais prétendant sérieux aux récompenses suprêmes. RugbyPass l’a questionné.
Olivier, maintenant que vous avez pris un peu de recul, mesurez-vous le chemin parcouru par l’UBB depuis 2007 et votre arrivée au club dans le rôle de directeur du développement ?
« La montée est arrivée assez rapidement (en 2011), on ne pensait pas monter aussi vite que ça. L’idée, c’était ensuite d’aller crescendo et de s’installer de manière durable dans ce dernier carré, ce qui est fait depuis quelques années maintenant. (Le président) Laurent Marti a toujours mis un point d’honneur à faire un recrutement judicieux sans dépenser l’argent qu’il n’avait pas. Il a une grande connaissance et un amour fort pour le jeu. Ce doit être un des présidents les plus solides sur la connaissance de notre jeu. Maintenant, il ne manque plus qu’à concrétiser. Le finaliste, personne ne s’en souvient, donc il faut un titre. Une finale ne pourrait pas être considérée comme une étape même si cette année, Toulouse semble irrésistible. Il faudra bien les dépasser et les battre pour être champion. »
Y a-t-il eu des déceptions ?
« En 2015, il y a cette transformation ratée à Toulouse qui nous prive des phases finales. C’était vraiment cruel. En 2020 on aurait dû participer aux phases finales (l’UBB était en tête du Top 14 quand le championnat a été stoppé pour cause de pandémie, ndlr), mais on sait que ce n’est pas forcément l’équipe la plus régulière qui va l’emporter à la fin. Ça reste un match à élimination directe. La déception, c’est de ne pas avoir réussi à battre Montpellier en demie en 2022 (19-10). Je pensais vraiment qu’on allait gagner le championnat. Il y avait tout pour. On perd contre Montpellier un peu contre toute attente, on a raté le coche. »
Le club a aussi connu quelques crises, avec le départ en cours de saison de Rory Teague, ou celui de Christophe Urios alors qu’il lui restait un an de contrat…
« Rory Teague est définitivement une mauvaise personne, je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse encore embaucher un mec comme ça. Visiblement, d’autres n’ont pas eu la même expérience (que l’UBB). C’était une catastrophe. On lui a donné les clés du camion alors qu’il n’avait pas la carrure. Quant à l’ère Urios, elle a été très néfaste pour tout le monde, autant en interne que pour les joueurs. Christophe Urios a une aura, une image auprès des supporteurs, des partenaires, qui est à l’opposé de ce qu’il est réellement – c’est un point de vue très personnel. Je crois que le président a trouvé la bonne solution pour rebondir avec Yannick Bru. J’ai l’impression que c’est très équilibré, un peu plus humain. Ça se ressent, les joueurs ont plaisir à travailler ensemble et à reproduire tout ce travail sur le terrain.
L’UBB, c’est depuis plus de dix ans un jeu généralement tourné vers l’offensive, où l’on ne craint pas la prise de risque. C’était une volonté dans la reconstruction du club ?
« Ça s’est fait naturellement avec les équipes construites par le président Marti. Il y a toujours eu des joueurs qui ont cette folie, qui peuvent créer le danger à chaque instant. On a la chance d’en sortir parfois du centre de formation, puis se sont ajouté des facteurs X dans l’effectif comme Damian Penaud l’an passé. Dans ces joueurs un peu fous, je mets Laurent Ferrères (au club de 2007 à 2012, ndlr) qui a été un des premiers. Même nous, sur le terrain, on ne savait pas ce qu’il allait faire, l’adversaire encore moins (rires). En ce moment, les trois-quarts sont irrésistibles. Ils créent le danger, les équipes en face savent qu’il peut se passer quelque chose à tout moment. »
Justement, cette ligne de trois-quarts estampillée « équipe de France » (Bielle-Biarrey, Moefana, Depoortère, Penaud), tout comme la charnière (Lucu – Jalibert), ça doit être une sacrée fierté pour le club…
« C’est mon régal. J’ai repris beaucoup de plaisir à voir jouer cette équipe, ce qui n’était pas forcément le cas les années précédentes. Je me lève rarement de ma chaise, car je ne suis pas très expansif, mais le match contre Toulouse (31-28 le 24 mars), je me suis levé ce jour-là. Le jeu est toujours très ouvert, toujours très dynamique alors que la tradition à Bègles, c’était de laisser la balle jusqu’au 9 et pas plus loin derrière. Il y avait un vrai déséquilibre. Là, ça peut jouer partout et il y a aussi des joueurs devant capables de franchir et surtout de faire jouer derrière eux. J’ai l’impression que le « gap » qui pouvait être important en début de saison entre avants et trois-quarts est en train de se fermer. »
L’autre grand succès de l’UBB, c’est l’engouement populaire et les affluences records. Le club est passé de 3 000 spectateurs au stade André-Moga à plus de 25 000 à Chaban-Delmas…
« 3 000 ? Je me souviens plutôt d’un USBCABBG – Blagnac avec 400 personnes dans les tribunes en plein hiver ! La référence c’est ça, et la première fois qu’on a réussi à remplir, contre Bayonne je crois, 26 000 personnes en 2015. En France, on est leaders (en termes d’affluence) depuis des années. « Chaban » a été un merveilleux cadeau, c’est un stade qui peut être compliqué à gérer, car il a une centaine d’années, mais quel cadeau, quelle ambiance ! Et le public le rend tellement bien à l’équipe. On n’a pas forcément un public de socios comme Perpignan ou Clermont, mais on a des gens, des familles qui viennent et prennent du plaisir à regarder l’UBB jouer, à bénéficier de toute cette ambiance. On nous reproche souvent d’avoir surtout des spectateurs, mais ce sont des gens qui poussent à l’unisson derrière l’équipe et dans les moments difficiles c’est très important. L’affluence doit approcher les 28 000 maintenant. Passer de 400 à 28 000, c’est très singulier, mais ça veut dire que Laurent Marti a construit une équipe qui plait. »
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