Quand la France et les Pays-Bas lançaient le rugby féminin
Dans le cadre du mois dédié à l’histoire de la femme, nous remontons le temps pour parler du premier match international féminin entre les Pays-Bas et la France, le 13 juin 1982.
« Le rugby féminin jouit d’une riche histoire aux Pays-Bas », nous confiait Sylke Haverkorn en décembre dernier. L’ancienne sélectionneuse n’a pas tort.
Lors des six semaines à venir, tous les regards seront tournés vers Belfast, Twickenham, Édimbourg, Cardiff, Brive, Leicester ou Newport, entre autres, au cours d’un Tournoi des Six Nations qui servira de répétition générale avant une Coupe du Monde de Rugby féminine record.
Le fait que cette compétition se déroule dans de telles places fortes du rugby illustre la popularité et l’attractivité grandissantes du rugby féminin.
Et pourtant : c’est dans une contrée reculée de la discipline que cette dernière a vu le jour. Utrecht, quatrième plus grande ville des Pays-Bas, n’est pas spécialement connue pour son rugby. Pourtant, c’est là que s’est disputé le premier match international féminin de l’histoire de ce sport.
Le 13 juin 1982, une équipe représentant les Pays-Bas a accueilli la France au Sportpark Strijland de Meern pour un match joué dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire de la Fédération néerlandaise.
L’idée de ce match a germé à la suite d’une rencontre entre la fédération néerlandaise et Henri Fléchon, président de l’Association Française du Rugby Féminin (AFRF).
Arbitre de formation, Fléchon a été tellement scandalisé par les incessantes tentatives de la FFR pour empêcher les femmes de jouer au rugby qu’il s’est mué en ardent défenseur du rugby féminin. Il a occupé la présidence de l’AFRF pendant 11 ans jusqu’à sa mort, en 1986.
En 1988, son nom a été donné au premier trophée de la Coupe d’Europe qui s’est jouée en son hommage à Bourg-en-Bresse, sa ville d’origine. C’est donc sans surprise que, six ans plus tôt, il avait accepté de s’occuper de la mise en place d’une sélection française.
Un peu de contexte : à l’époque où le bus de la France a débarqué à Utrecht après 500 km de route au départ de Chilly-Mazarin, dans la banlieue parisienne, en juin 1982, un seul club de rugby féminin n’était pas affilié à une université au Royaume-Uni – Magor Maidens, au pays de Galles.
C’est un an plus tard que le premier club anglais a vu le jour à Finchley, peu avant les Wasps. Deux ans après, Wiverns est parti en tournée en Angleterre et en France, un événement qui a donné des idées aux joueuses du Royaume-Uni.
Mais c’est bien au Sportpark Strijland de Meern, lieu choisi parce qu’Hilversum, habituel domicile de la sélection néerlandaise, est en rénovation, que se trouve le centre du monde du rugby féminin.
Les 21 joueuses néerlandaises sélectionnées pour ce match historique, dont certaines n’avaient jamais joué un match complet à 15, ont été retenues sur un groupe de 30 à l’issue de cinq séances d’entraînement intenses.
Pour se préparer, elles avaient même joué un match sous 30°, mais la fatigue ne pouvait altérer la motivation de Leontien Hendriks et ses coéquipières au moment d’affronter la France.
Après la dernière séance, la centre de Castricum et ses coéquipières en club sont rentrées en voiture à leur club-house « heureuses et soulagées ». Elles ont ensuite enfilé leur tout nouveau maillot orange pour rentrer à vélo.
« C’était fou », écrit Hendriks dans son journal peu après le coup de sifflet final du match contre la France.
Le sentiment était plus ou moins le même chez les 22 Françaises, même si elles ressentaient une pointe de frustration. Avant de monter dans le bus, le 12 juin, elles avaient reçu un maillot blanc frappé des trois bandes adidas mais sans l’habituel emblème de la fédération.
« Nous n’avions pas le droit de porter le coq en tant que fédération féminine. On portait un badge tricolore à la place », confiait Monique Fraisse à World Rugby en 2020.
C’est donc dans une tunique flambant neuve qu’elles sont fièrement entrées sur le terrain d’Utrecht le 13 juin.
« Tout le monde était nerveux », écrivait Hendriks. « Avant le coup d’envoi, on a chanté les hymnes, c’était un vrai match international. »
À 14h00 heure locale, l’arbitre Roel Wijmans – « un vrai Belge » (au sens négatif du terme) selon Hendriks – a donné le coup d’envoi du tout premier match féminin de l’histoire du rugby.
Après cela, la rencontre s’est évidemment résumée en un attaque-défense, comme attendu au vu de la bien plus grande expérience à 15 des visiteuses.
Cela dit, les Néerlandaises se sont bien débrouillées et ont réussi, à la faveur d’une défense acharnée, à priver les Bleues du moindre point jusqu’à la pause.
Malheureusement, elles n’ont pas tenu 80 minutes. Une belle action lancée par l’ouvreuse Odette Desprats et conclue par l’ailière Isabelle Decamp a donné un avantage 4-0 – ce que valait l’essai à l’époque – aux visiteuses.
Hendriks confiait après le match qu’il avait été « très décevant pour les trois-quarts néerlandaises » mais que l’expérience avait été incroyable.
Les hôtes ont offert une bouteille de vin aux gagnantes, qui ont ensuite invité les Néerlandaises à venir en France l’année suivante, pour le match retour.
Les Françaises ont gagné ce match-là également – 10-0 devant 1 500 personnes le 5 juin 1983. Dans les années 1980, les deux équipes se sont croisées sept fois au total.
« À l’époque, nous n’avions pas forcément conscience de vivre un moment historique », relate Berodier. « Mais on espérait quand même que cela ouvrirait vers de nouvelles opportunités. Le fait de représenter la France signifiait que le rugby féminin allait avancer. Une fois à ce stade, on n’allait plus faire marche arrière. »
Ce texte, publié initialement sur RugbyPass.com, a été adapté en français par Idriss Chaplain.
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