Top 14 : les clubs parisiens dans la zone de turbulence
Par Gavin Mortimer
S’il y a bien un combat à la vie à la mort version rugby, c’est celui pour éviter la relégation du Top 14 cette saison. Et d’ici au 7 juin, on risque de voir pas mal de sang et de larmes couler.
Il reste cinq journées de saison régulière et quatre clubs jouent leur survie. Vannes est dernier avec 30 points, à six longueurs de Perpignan et du Stade Français, et à dix du Racing 92.
Mais Vannes recevra trois fois sur ses cinq derniers matchs, alors que Perpignan ne jouera que deux fois à domicile. Aller chercher une victoire à Montpellier, Clermont ou La Rochelle semble très peu probable. Et même à Aimé-Giral, les Catalans risquent de souffrir lors de la dernière journée, face à Toulouse.
Leur autre réception, programmée le 10 mai, sera contre le Stade Français. Une affiche capitale, d’autant que ce week-end, les Parisiens se déplacent eux aussi… mais juste à quelques kilomètres, chez leurs voisins du Racing 92.

La saison du Racing 92 est problématique, même selon les standards peu reluisants des dernières années. Stuart Lancaster a été remercié fin janvier, mais le départ de l’Anglais n’a pas changé grand-chose. Sous les ordres de Patrice Collazo, le Racing reste méconnaissable : une équipe de stars perdue dans un océan de médiocrité.
Cela dit, le Racing devrait avoir les armes pour faire valoir son avantage du terrain et battre le Stade Français dimanche 27 avril. Mais le simple fait que les deux clubs parisiens soient aujourd’hui en si grand danger est un véritable reflet de la déliquescence du rugby dans la capitale.
Et ça dure depuis un moment déjà. Paris n’est pas une ville de sport comme peuvent l’être Londres, Glasgow, Sydney ou Auckland. Le Racing 92 et le Stade Français peinent depuis des années à attirer des sponsors et à remplir leurs tribunes. En mars 2017, ils avaient tenté de régler le problème en fusionnant. Mais face au tollé général – FFR, clubs, politiques – le projet avait été abandonné.
Déjà que le Stade Français peine à attirer sponsors et spectateurs en évoluant dans le championnat le plus prestigieux du rugby mondial, on imagine mal comment il pourrait convaincre les Parisiens de venir voir Valence Romans ou Nevers un après-midi glacial de janvier.
À la fin de cette saison-là, le propriétaire du Stade Français, Thomas Savare, a tourné la page en cédant le club, après y avoir investi plus de 20 millions d’euros d’argent familial en cinq ans et demi.
On imagine sans peine qu’il n’a pas eu à regretter sa décision depuis, huit ans plus tard. Le repreneur, l’homme d’affaires suisse Hans-Peter Wild, avait annoncé dès sa première saison qu’il savait s’engager dans un défi « difficile », mais prédisait déjà : « Dans trois ans, on sera champions ! ».
On en est loin. Très loin. Aujourd’hui, le Stade se bat pour sa survie en Top 14. Le Midi Olympique ne s’y est pas trompé dans son édition du 21 avril : « Paris est en grand danger ». Il y a quelques semaines, les supporters du Stade Français ont même publié un communiqué appelant à la fin des « batailles d’ego » au sein du club. Il fallait désormais faire front commun, car le Stade se trouvait, disaient-ils, « dans une situation inédite et indigne de son histoire et de son palmarès ».

On peut craindre le pire pour l’avenir du club en cas de relégation en Pro D2. Déjà que le Stade Français peine à attirer sponsors et spectateurs en évoluant dans le championnat le plus prestigieux du rugby mondial, on imagine mal comment il pourrait convaincre les Parisiens de venir voir Valence Romans ou Nevers un après-midi glacial de janvier.
Le club s’est séparé de trois membres du staff cette saison, et on a l’impression que le moral des joueurs a pris la même porte de sortie. Dimanche dernier, ils ont perdu à domicile contre une équipe de Toulouse composée en grande partie de jeunes du centre de formation. Une claque.
Et même s’ils échappent à la dernière place – synonyme de relégation directe – une 13e position les enverrait en barrage contre le finaliste malheureux de Pro D2. À ce jour, cela pourrait bien être Grenoble ou Brive, version Courtney Lawes. Franchement, pas sûr que les bookmakers misent sur le Stade Français dans ce scénario.
Les semaines à venir s’annoncent stressantes pour de nombreux supporters français… Mais elles seront aussi passionnantes, et rappelleront à quel point la montée et la descente font partie de l’ADN du rugby et garantissent son intégrité.
Quant à Vannes, il y a encore de quoi garder le sourire. Le club breton n’a pas été le punching-ball annoncé en début de saison. Avec six victoires, un nul et plusieurs défaites très serrées, ils ont souvent vendu chèrement leur peau. Leurs quatre points de bonus défensifs ne sont dépassés que par trois autres équipes du championnat.
D’ici au 7 juin, Vannes recevra Toulon, La Rochelle et Pau, et se déplacera à Bayonne puis à Bordeaux. Et surtout, leur effectif semble mentalement mieux armé que celui du Stade Français. Car eux savaient dès le départ que cette saison serait une course pour le maintien.

Les semaines à venir s’annoncent stressantes pour de nombreux supporters français, qu’ils soient Bretons du grand Nord, Parisiens ou Catalans du Sud profond. Mais elles seront aussi passionnantes, et rappelleront à quel point la montée et la descente font partie de l’ADN du rugby et garantissent son intégrité.
Les fans de Grenoble et Brive auront, eux aussi, du mal à fermer l’œil, tout comme ceux de Béziers, Provence ou Colomiers, encore en course pour une montée en Top 14 depuis la Pro D2.
À l’inverse, la fin de saison régulière s’annonce bien moins palpitante en URC ou en Premiership. En Angleterre, par exemple, à cinq journées de la fin, les trois derniers – Northampton, Exeter et Newcastle – n’ont déjà plus rien à jouer.
Supprimez le risque, et vous ouvrez la porte à la prévisibilité, voire pire, à la monotonie. Cela ne fera peut-être pas fuir les investisseurs, mais cela détournera sûrement les spectateurs.
L’an dernier, on parlait d’un possible retour de la relégation en Premiership. Mais selon un article du Daily Telegraph publié la semaine dernière, la tendance se serait inversée. Le journal affirme que des figures importantes de la Premiership Rugby, de la RFU et des actionnaires de CVC Capital « travaillent depuis plusieurs mois sur un plan global » qui pourrait entrer en vigueur dès 2026.
Ce serait un modèle de type franchise, sans relégation, car « l’idée fait son chemin dans les hautes sphères du rugby anglais que la présence du risque décourage les investisseurs potentiels ».
Mais n’est-ce pas justement ce risque qui fait tout le sel du sport ? C’est ce qui le rend si palpitant. Supprimez le risque, et vous ouvrez la porte à la prévisibilité, voire pire, à la monotonie. Cela ne fera peut-être pas fuir les investisseurs, mais cela détournera sûrement les spectateurs.
Le 11 mai, Exeter affrontera Northampton, le même week-end où Perpignan recevra le Stade Français. Un match sera un vrai combat pour la survie. L’autre… une simple promenade de santé pour promener le chien, tant il n’y aura plus rien en jeu à Sandy Park.
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