Toulon : Sandrine Agricole, six semaines sous les projecteurs, et après ?
L’intérim de Sandrine Agricole sur le banc du RC Toulon est amené à se prolonger tant que Pierre Mignoni sera suspendu. Cette première saluée par l’ensemble du monde du rugby tient plus du passe-passe administratif que d’une vraie volonté du club.
Une femme au bord d’un terrain de Top 14 avec le brassard d’entraîneur au biceps. L’image était forte et inédite avant le week-end dernier, et a beaucoup fait parler. Une petite révolution pour certains, dans un univers réputé fermé et archi dominé par les hommes, dans toutes les strates des clubs professionnels.
Il faut dire que personne ne s’y attendait. Sandrine Agricole, ancienne grande joueuse de l’équipe de France féminine (83 sélections entre 2003 et 2014, trois Grands Chelems), s’est retrouvée sur le banc du RC Toulon à Créteil, pour la rencontre Racing 92 – RCT. Un événement était sans doute aussi inattendu pour les suiveurs du rugby français que pour elle-même.
Elle ne doit en effet cette première qu’à la mise en retrait volontaire de l’entraîneur en chef toulonnais Pierre Mignoni après son coup de sang à Clermont, la semaine précédente.
Une sage décision qui a permis d’atténuer quelque peu la sanction (l’ancien demi de mêlée a été suspendu six semaines) mais qui a pris au dépourvu le club varois : qui mettre sur le banc ?
Le règlement de la LNR stipule en effet qu’au moins un technicien en bord de touche doit posséder le DESJEPS (diplôme d’État supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) option rugby pour se positionner au plus près de la pelouse.
Petitjean, Masi, Parisse, Gray, Bastareaud… Personne, dans le staff du RCT ne possède le diplôme exigé à part Mignoni
Et au RCT, malgré un staff étoffé, personne à part Mignoni ne répond à cette exigence : ni Maxime Petitjean, responsable de la stratégie au pied, ni Andrea Masi, entraîneur des trois-quarts, ni Sergio Parisse, entraîneur de la touche, pas plus que Richie Gray, consultant pour l’attitude aux contacts, Laurent Emmanuelli, directeur sportif ou Mathieu Bastareaud, team manager, selon l’organigramme que l’on peut consulter sur le site du club.
C’est bien simple : l’ex demie d’ouverture ou centre, présente au club en qualité de kinésithérapeute depuis 2020, était absolument la seule de l’encadrement à pouvoir occuper le poste en l’absence de Mignoni…
« Mathieu Bastareaud et Luc Van Wassenhove (le secrétaire administratif) ont géré ça dans les derniers jours avant le match [contre le Racing 92] et ça s’est très bien passé », a reconnu sans fard Parisse.
« J’ai reçu beaucoup de messages pour savoir si elle était devenue entraîneure et, non, elle ne l’est pas devenue, elle est toujours kiné », a confirmé le demi de mêlée Baptiste Serin.
La LNR n’a rien trouvé à redire à ce tour de passe-passe administratif
La Ligue nationale de rugby (LNR), elle, n’a rien trouvé à redire à ce tour de passe-passe administratif. Il faut dire que la pratique, bien que teintée d’hypocrisie, est assez courante. Mais cela passe généralement inaperçu, car c’est un homme, et non une femme, qui joue le rôle de prête-nom.
Il n’y a donc pas de raison de s’en priver, et le RCT devrait continuer à inscrire Sandrine Agricole comme entraîneure, alors qu’elle ne dirige aucune séance, n’organise pas la stratégie de l’équipe, ou ne se présente pas devant la presse avant ou après les rencontres. Ce sera le cas ce samedi à Mayol pour la réception de Montpellier.
« Tant que Pierre (Mignoni) ne pourra pas être là, c’est sûr qu’elle va être importante pour nous dans les matchs, et surtout quand on fera les feuilles de match. Mais Sandrine est avant tout concentrée sur son rôle principal, celui de kiné », a poursuivi Parisse, comme pour bien souligner que l’intérim n’avait pas vocation à durer au-delà de la suspension de Mignoni.
Agricole, un profil proche voire supérieur à celui de ses « collègues » du Top 14
Pourtant, Sandrine Agricole présente un profil proche, voire supérieur à celui de bon nombre de ses « collègues » du Top 14. Elle a joué au rugby au niveau international pendant plus de dix ans, a fait partie du comité directeur de la FFR. Même le versant médiatique lui est familier puisqu’elle a travaillé comme consultante pour France Télévisions.
« Elle connaît très bien le rugby par sa carrière et ses diplômes », atteste d’ailleurs Serin à son sujet. « Ça reste une pionnière dans ce rôle et ça va peut-être donner des idées à d’autres clubs. Être un moteur pour les femmes et les encourager à passer leur diplôme ».
Pour attendre la suspension de l’entraîneur principal et jouer les prête-noms ? Pas certain que cette perspective crée beaucoup de vocations. La révolution attendra encore un peu.
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