UBB - Stade Français, une demie qui donne soif
La quatrième fois sera-t-elle la bonne pour l’Union Bordeaux-Bègles ? Demi-finalistes malheureux en 2021, 2022 et 2023, les Girondins se retrouvent une nouvelle fois cette année à une marche de la finale.
Ils la disputeront ce samedi (coup d’envoi 21h05) à domicile, au Matmut Stadium. Face au Stade Français, qui lui retrouve le dernier carré pour la première fois depuis 2015, année du 14e et dernier titre parisien.
Ce duel entre le 2e (Stade Français) de la saison régulière et le 3e (UBB) oppose donc un club historique à la recherche de sa gloire passée, à un club qui monte depuis son retour de Pro D2 (en 2011) sans parvenir toutefois à faire douter les mastodontes une fois les matchs couperets venus.
Autant dire qu’une demie ne suffira pas à étancher la soif de deux équipes qui devraient proposer une configuration un peu semblable à l’autre demi-finale Toulouse – La Rochelle : une équipe au jeu d’attaque spectaculaire et imprévisible face à un bloc solide parfois un peu terne.
Les statistiques confirment ce constat. Le Stade Français affiche la 2e meilleure défense du championnat (derrière La Rochelle) et la pire attaque à égalité avec le relégué Oyonnax. Ce qui est quand même fou pour une équipe capable de décrocher la 2e place de la phase régulière.
« Il y avait une culture axée depuis plusieurs saisons sur la conquête et la défense », estime Laurent Labit en conférence de presse, tout en saluant « le très bon travail du staff de Gonzalo » (Quesada, son prédécesseur).
Conquête et défense contre trois-quarts affolants
« On a tous envie de très bien jouer, mais ça prend forcément du temps », poursuit le coach parisien, pas amer face aux critiques. « Il faut trouver le meilleur des joueurs que tu as, le jeu qui peut te faire gagner. Et la construction offensive prend plus de temps. »
Ce puzzle offensif, l’UBB le bâtit depuis plusieurs saisons maintenant, et les pièces semblent parfaitement s’emboiter cette saison. Avec sa ligne de trois-quarts affolante (Bielle-Biarrey, Penaud, Tambwe, Moefana, Depoortere, Tapuai…), elle est en mesure de mettre le feu à tout moment, et ne s’en prive pas.
« Ça s’est fait naturellement avec les équipes construites par le président (Laurent) Marti », expliquait il y a quelques semaines Olivier Brouzet. L’ancien directeur du développement du club avait accordé un entretien exclusif à RugbyPass : « Il y a toujours eu des joueurs qui ont cette folie, qui peuvent créer le danger à chaque instant. »
Cette saison, le facteur X à Bordeaux s’appelle Damian Penaud, et ça n’étonnera personne. Le fantasque ailier des Bleus n’est pourtant pas le meilleur marqueur du Top 14 puisque Baptiste Couilloud a inscrit trois essais de plus (17 contre 14).
Mais l’ancien Clermontois est le plus efficace, puisqu’il n’a eu besoin que de 14 matchs pour atteindre ce total, contre 22 pour le demi de mêlée lyonnais. Ramené à son temps de jeu, le ratio culmine à un essai toutes les 69 minutes de jeu !
Mais les ballons arriveront-ils jusqu’à l’aile ? Penaud sera en effet privé de son fournisseur Matthieu Jalibert, blessé il y a deux semaines. À cette absence prévue, s’est ajouté cette semaine le forfait du pilier droit Ben Tameifuna, un autre cadre. Sans oublier l’incertitude durant la semaine autour de Matéo Garcia, le remplaçant de Jalibert à l’ouverture, qui devrait finalement pouvoir jouer.
De quoi, s’il le fallait, mettre un peu plus l’UBB sur ses gardes : elle n’a pas occulté que sur la saison 2023-2024, le Stade Français est invaincu face à elle. « Ils nous ont battus deux fois », rappelle Yannick Bru, le manager de l’UBB, dans les colonnes de Sud Ouest. « Une fois avec nos forces vives et une fois sans tout notre effectif », en référence à cette défaite à Chaban-Delmas 26-30, coincée entre deux journées du Tournoi des Six Nations.
Buros : « Ils en sortent toujours vainqueurs »
« Cette équipe nous a toujours fait déjouer et a fait déjouer beaucoup d’adversaires. Ce n’est plus un hasard », insiste l’ancien talonneur. « Le Stade Français a des croyances fortes, bâtit son rugby de manière très tactique et très réfléchie. Et c’est une équipe qui gagne. Donc à nous d’apprendre de nos deux défaites contre eux pour rivaliser cette fois ».
« Si on regarde la saison du Stade Français, on se dit qu’il y a beaucoup de matchs qui étaient à la portée des équipes adverses mais au final, ils en sortent toujours vainqueurs, renchérit l’arrière Romain Buros. Ça veut dire qu’ils ont quelque chose en plus. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont fini 2e du Top 14. Ça va se jouer sur les fondamentaux, la conquête et la défense »
Côté parisien, on la joue profil bas, endossant le costume de « l’invité surprise », histoire que la pression s’allège un peu de leurs épaules. « Il y a eu un changement de staff, une saison qui s’annonçait particulière avec un arrêt de deux mois à cause de la Coupe du monde. Notre staff n’a pas démarré la saison (lui-même et Karim Ghezal faisaient partie du staff de l’équipe de France jusqu’à la fin de la Coupe du Monde, ndlr) », énumère Labit.
Malgré tout, le Stade Français a vécu une saison assez linéaire, du moins en matière de résultats. Les Parisiens ont occupé une des deux premières places de manière ininterrompue depuis la mi-championnat, et ont donc eu le temps de se préparer à jouer les phases finales, ce qui n’était pas évident en début de saison.
« On pouvait s’attendre à une saison de prise en main, de démarrage. Quand on a annoncé en novembre qu’on était fier d’être à Paris, que le Stade Français devait être en position de gagner des titres tous les ans, on a pris pour des fous », rembobine Laurent Labit.
Les Parisiens répètent que « Bordeaux n’est qu’une étape »
« L’objectif était d’être dans le top 6, on s’est qualifiés directement. C’est pour ça que je dis qu’on est l’invité surprise : on mérite d’être à ce niveau. Mais Bordeaux n’est qu’une étape par rapport à ce qu’on veut faire. »
Un discours visiblement répété aux joueurs, car le capitaine Paul Gabrillagues était sur la même longueur d’onde que son coach vendredi face à la presse : « J’entends que c’est une saison réussie. Non ! Il faut absolument gagner samedi soir, sinon ce ne sera pas une saison réussie. Ce n’est qu’une étape ».
Bordeaux ville-étape sur la route de Marseille, lieu de la finale, mais quelle étape ! La ville de Bordeaux ayant obtenu l’organisation des demi-finales cette année, l’UBB se retrouve à disputer sa demie à domicile. Et quand on connait l’engouement des Girondins pour leur club (le stade Chaban-Delmas affiche la meilleure affluence d’Europe), nul doute que jouer chez soi, même au Matmut Stadium prêté par les footballeurs pour l’occasion, représente un sacré avantage.
« Cela fait partie des choses qui pouvaient arriver. On regarde tous les lieux en début de saison, la finale se déroule généralement à Paris, sauf de temps en temps », sourit Laurent Labit.
Le technicien n’en fait pas une montagne : « Les joueurs ont montré qu’ils étaient capables de belles performances à l’extérieur. On a fini meilleure équipe du Top 14 à l’extérieur. Après, sur le terrain, c’est quinze contre quinze. »
Effacée d’un revers de manche, la théorie du 16e homme ? Yannick Bru dit oui et non à la fois, oscillant entre satisfaction de faire plaisir aux supporteurs et focus sur le volet sportif.
« On avait un pacte non communiqué et de confiance avec nos supporteurs, on voulait leur offrir cette qualification en demi-finale. Ça, c’est fait, ce poids est parti », a-t-il démarré en conférence de presse, relayée par Rugbyrama.
Avant d’enchaîner : « Cela étant dit, c’est un match de phase finale. Le décor ne compte plus. La qualité des arbitres fait qu’ils seront imperméables à la pression du public. Comme on le dit souvent à nos joueurs, le public ne rentre jamais sur le terrain… À part peut-être Lucien Harinordoquy, le papa d’Imanol, une fois de temps en temps… »
L’info de la présence de Lucien Harinordoquy pour cette demie n’a pas filtré. Mais son troisième ligne de fils ayant raccroché les crampons il y a quelques saisons maintenant, on devrait être tranquilles de ce côté-là. Cela ne devrait pas empêcher le Matmut Stadium de crier jusqu’à plus soif pour l’avant-dernier match de la saison. Nul doute que pour le battu, la bière de la troisième mi-temps aura un goût amer.