Côté ouvert #2 : Caroline Suné
RugbyPassFR vous propose « Côté ouvert », une interview expresse en quatre questions d’un acteur (ou une actrice !) du rugby. Courte, rapide à lire, la rubrique a la volonté de s’éloigner un peu du terrain pour aborder une facette plus personnelle.
Pour cette deuxième, on a voulu se poser un peu avec une personnalité du rugby féminin qui passe un peu trop à notre goût sous les radars de la reconnaissance : Caroline Suné.
Caroline est la manager-coach des U20 féminine qui se préparent à vivre la toute première édition du Summer Series féminin organisé par Six Nations Rugby à Parme début juillet.
Caroline, vous êtes head coach des U20 féminines, adjointe au maire de votre commune de Frontignan, mais aussi championne de force athlétique. Vous arrivez à tout gérer ?
Je m’entraîne encore (rires). Je suis toujours listée sportive de haut niveau à la fédération française de force athlétique. Je n’ai pas eu la chance de faire les championnats d’Europe qui étaient en même temps que le match contre l’Angleterre (20 avril au Stade Mermoz de Rouen, ndlr). J’espère faire les championnats du monde en novembre.
C’est compliqué de tout faire et je mets des priorités dans tout. Je suis manager de l’équipe de France et donc cadre technique à la fédération, j’ai des missions nationales et régionales. Je m’occupe de toute l’Occitanie, la plus grande de France, de la coordination, de la formation… C’est varié, parfois pas évident. J’ai des projets persos aussi. C’est pour ça que la force athlétique est aussi loin derrière. Mais le sport me permet de me relaxer. C’est mon équilibre.
Quelle est la joueuse qui vous étonne le plus aujourd’hui et à quel poste ?
Il n’y a pas une joueuse qui m’étonne le plus ; il y en a quelques-unes. Hawa Tounkara par exemple, qui est plutôt trois-quarts aile/arrière au départ et qui a joué 13 avec l’équipe de France des moins de 20 ans. C’est une joueuse à suivre ; elle est étonnante et détonante. Elle a la joie de vivre. C’est quelqu’un d’unique dans un groupe. Elle faisait par exemple deux travails pour pouvoir survivre et ça se ressentait sur ses performances. A 1h du matin, elle servait encore des clients dans un bar pour subvenir à ses besoins. On ne se rend pas compte des sacrifices. Pour ces filles, c’est totalement amateur.
Une autre joueuse, c’est la capitaine, Zoé Jean. Si les pépins la laissent de côté… Ces dernières années elle a eu les cervicales, les adducteurs, plein de petits pépins. Elle est troisième-ligne centre. C’est une joueuse en laquelle je crois.
Je pense aussi à beaucoup d’autres joueuses exceptionnelles mais il faut laisser le temps. Il ne faut pas oublier que certaines n’ont que 18 ans.
Quel a été le moment le plus fort que vous avez vécu dans le rugby ?
Il y a forcément des moments en temps que joueuse qui résonnent. J’ai eu la chance de gagner les titres de champions de France avec notamment Toulouse et Montpellier. Ce sont ces moments qui restent uniques en tant que joueuse avec des personnes qui sont devenues ma famille. Pour moi, c’est vraiment une famille.
Et en tant que manager – ce n’est que ma troisième saison et on joue peu comparé aux autres équipes de France – le dernier souvenir qui m’a réellement touchée, c’est avec Florian Grill, le président de la FFR qui est venu à notre match qui se jouait à Rouen. Il y a eu un moment protocolaire et à la fin, il m’a glissé un mot assez sympa (que je tairais). Et je me suis dit ‘ok, t’es dans le vrai dans ce que tu proposes’.
Parfois, quand on a les batteries à plat, je me remémore ça et ça les recharge. Rien que sa présence et celle d’autres élus a dénoté quelque chose, en tout cas que l’on souciait de ces jeunes filles. Je me bats sans arrêt et je me battrais tant que j’y serais. Parfois ça tient à rien. Tiens, ça peut être con, mais ils avaient oublié les maillots. C’est bête, hein. Mais sur le Summer Series ils n’avaient pas prévu les maillots… Il faut se battre encore et toujours.
Quelle a été la chose la plus incroyable qui vous soit arrivée dans votre carrière ?
Quand je débute dans le rugby, j’ai 25 ans. Je suis encore jeune et je suis l’entraîneure en chef, la head coach, de la sélection masculine du Comité du Languedoc. Chaque année on partait avec les U18 en Irlande jouer face au Leinster. Je me présente là-bas, j’arrive et à chaque fois où j’arrivais on me demandait qui j’étais, si j’étais la physio. Et même encore aujourd’hui ça m’arrive. Ça dénote que ce n’est pas encore entré dans les mœurs. On a la sensation que ce n’est pas normal pour une fille. Tu peux être la médecine, la kiné, mais pas l’entraîneure. Je me bats là-dessus aussi. Je suis l’entraîneure en chef.
On se rend compte d’ailleurs qu’il n’y a pas beaucoup de filles qui entraînent les filles quand on regarde le Tournoi des Six Nations. Ce n’est pas encore si courant que ça. Chez les garçons, ça n’existe pas plus… A chaque fois je suis fière de me dire qu’une femme peut le faire.
On ne se pose pas la question quand on met un mec à la place : est-il compétent ou pas. Il y a des nuls aussi, mais on ne se pose pas la question. Et comment ils jugent la compétence ? Ils disent qu’il faut prouver. Et moi, je trouve qu’il faut que je le prouve 10 000 fois plus que des mecs. Et ça, c’est de la discrimination ; les gens ne se rendent pas compte.
Le programme des U20 féminine au Summer Series à Parme
- Le 4 juillet à 10h : contre le Pays de Galles
- Le 9 juillet à 18h30 : contre l’Écosse
- Le 14 juillet à 21h : contre l’Angleterre