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Gurthro Steenkamp : « Ces deux dernières années, il y a eu beaucoup de tricherie »

Gurthrö Steenkamp à l'entraînement de la mêlée (Photo Stade Rochelais)

Gurthro Steenkamp est un influenceur un peu particulier sur les réseaux sociaux. Champion du monde 2007, il vit le jeu au plus près, comme entraîneur de la mêlée de La Rochelle.

Ancien pilier gauche des Lions et des Bulls, puis star du Stade Toulousain pendant six saisons, Steenkamp a connu une transition difficile après sa retraite sportive. Il admet avoir traversé une période de dépression, perdant son identité de joueur.

Mais il s’est relevé et aujourd’hui, à 43 ans, il entame sa quatrième saison avec les doubles champions d’Europe du Stade Rochelais et est sous contrat jusqu’en 2027, en plein cœur du Top 14, ce championnat exigeant où chaque week-end est une bataille.

Gurthro Steenkamp (Springboks) célèbre son essai lors du match de la poule D de la Coupe du Monde de Rugby 2011 entre l'Afrique du Sud et les Fidji au Wellington Regional Stadium, le 17 septembre 2011 à Wellington, Nouvelle-Zélande. (Photo par Duif du Toit/Gallo Images/Getty Images)

En parallèle de son rôle d’entraîneur, Steenkamp utilise ses réseaux sociaux pour transmettre ses connaissances sur la mêlée à ses 52 000 abonnés. Ce partage, rare dans l’élite, n’a rien d’un geste pour briller en ligne.

La raison de ses posts décryptage de la mêlée à ses 52 000 followers

« Quand j’étais joueur, je manquais de ressources pour progresser en mêlée », explique-t-il dans une interview exclusive à RugbyPass. Désormais, il veut combler ce vide.

« J’ai toujours eu à cœur d’aider les joueurs, et c’est un engagement qui s’est renforcé après ma carrière. Que ce soit en conseillant des équipes, en encadrant des joueurs ou en partageant des idées avec des mentors, je continue à apporter ma contribution. Il y a tellement de jeunes motivés à apprendre, et je veux m’assurer que la mêlée reste un élément central du rugby. Mon objectif, avant tout, est d’éduquer et de transmettre ce savoir.

« Soyons réalistes : personne n’a révolutionné la mêlée, et ce n’est pas un concept qu’on peut simplement copier-coller. On peut utiliser les mêmes exercices, mais mal les exécuter ou les répéter au mauvais moment, ce qui les rend inefficaces. Tout repose sur la connaissance et le timing, et c’est précisément pour cela que je partage mes idées sur les réseaux sociaux.

« C’est cette passion qui m’a poussé à publier autant sur la mêlée : expliquer le rôle du pilier droit, celui du pilier gauche, et les subtilités des moments clés. Ce n’est pas une critique des arbitres ni un moyen d’attirer l’attention, mais une façon de partager mon expérience. J’ai eu une carrière riche et la chance de travailler avec des coéquipiers incroyables. Si je peux utiliser cela pour inspirer et aider un jeune joueur à progresser, c’est une immense satisfaction. »

Trop de tricherie

Pour lui, recevoir un message de remerciement d’un jeune joueur ou d’un coach est la plus belle des récompenses : « Ça prouve que mon travail fait une différence. »

Gurthro Steenkamp n’hésite pas à pointer du doigt les dérives actuelles. « La mêlée fait partie intégrante du jeu et appelons un chat un chat : ces deux dernières années, il y a eu beaucoup de tricheries, les joueurs sont revenus à ce que l’on appelle l’art de la fléchette… ils ont recours à la tricherie. Nous voyons beaucoup plus de mêlées écroulées. Les mêlées sont volontairement écroulées, qu’il s’agisse du pilier droit ou du pilier gauche.

La première ligne de Toulouse Census Johnston (2L), William Servat (C) et Gurthro Steenkamp (4L) se préparent pour une mêlée pendant le match de Top 14 entre Toulouse et Bayonne, au stade Ernest Wallon, le 23 février 2013 à Toulouse. AFP PHOTO/REMY GABALDA (Le crédit photo doit se lire REMY GABALDA/AFP via Getty Images)

« Nous avons introduit le pied-frein pour ajouter de la stabilité à la mêlée, mais nous voyons toujours autant de mêlées écroulées. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de stabilité. Les joueurs refusent de s’engager. Les joueurs veulent essayer d’exploiter le coup franc avec les nouvelles règles et c’est une tâche difficile pour les arbitres.

« Quand on parle aux arbitres, ils n’ont pas l’œil d’un spécialiste. Les arbitres font leur travail, ils font leurs devoirs et ont une bien meilleure compréhension qu’avant, mais c’est un gros effort qui doit être fait par tout le monde. Les entraîneurs, les joueurs. Si nous voulons que la mêlée reste intégrale, il est important que cela se produise ».

Pour lui, l’approche mentale est tout aussi cruciale que l’aspect physique. « Chaque joueur est unique. Je ne vais pas enseigner des skills à Uini Atonio, il les a déjà. Mais pour un jeune, je vais fournir des leviers sur le plan mental. Cela passe par des entraînements basés sur des scénarios : comment réagir si vous vous retrouvez dans une position difficile ? Il faut anticiper les problèmes pour qu’ils sachent déjà quoi faire, quel plan B activer. »

Steenkamp insiste sur l’humilité nécessaire en mêlée. « En ce moment, de grosses équipes nous testent. Si nous ne sommes pas au maximum, nous le payons. La mêlée, c’est une remise en question permanente : on peut dominer une semaine et être dominé la suivante. »

Le défi du Leinster

Se mesurer au pack redoutable du Leinster, emmené par un Tadhg Furlong en grande forme, est une perspective excitante pour La Rochelle. « C’est pour ces matchs qu’on s’entraîne », affirme Gurthro Steenkamp avec enthousiasme.

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« Quand j’étais joueur, c’était ce genre de rivalités que je voulais vivre. Affronter le Leinster, l’une des meilleures équipes d’Europe, c’est exceptionnel. Cette rivalité, forgée au fil des années, est un moteur. Ils nous ont battus lors de leur dernière visite ici, mais nous avons beaucoup appris depuis. »

Steenkamp met aussi en avant les récents progrès de l’équipe malgré des défis. « La défaite contre Toulouse, qui avait aligné une jeune équipe, a été frustrante, mais il y a eu de nombreux points positifs. Nous avons bien joué contre Bath et Bristol, et ces éléments doivent nous servir de tremplin face au Leinster. »

Conscient de l’enjeu, il ajoute : « Ce sera dur, comme toujours. Le Leinster possède une défense agressive, et nous devrons être précis en attaque. Avec Ronan O’Gara à nos côtés et toute l’histoire qui l’unit au Munster, c’est une rivalité empreinte de respect, mais aussi d’une belle intensité. »

Des débuts difficiles en tant que consultant

En novembre 2017, Gurthro Steenkamp, l’ancien pilier des Springboks avec 53 sélections, a disputé son dernier match professionnel. Après une période d’études au CREPS de Toulouse, puis des expériences d’entraîneur à Marcq-en-Barœul en Fédérale 1 et à Colomiers en Pro D2, il rejoint La Rochelle à l’été 2021.

Cependant, son passage de joueur à entraîneur n’a pas été sans difficultés. « Je ne vais pas mentir, ça a été difficile », admet-il. « J’ai eu l’impression de perdre mon identité. Avec du recul, je pense avoir traversé une période de dépression, sans en avoir conscience à l’époque. »

Pour partager cette expérience de transition, il a lancé un podcast, Lessons from the Game, pour aider ceux qui, comme lui, se retrouvent seuls et sans préparation dans cette phase de leur carrière.

Steenkamp confie que le début de sa reconversion a été difficile. « Je savais que je voulais être entraîneur de la mêlée, mais je me suis retrouvé à devoir gagner la confiance des autres. Je pensais que mes années de joueur me permettraient d’obtenir des opportunités, mais ce n’était pas le cas. »

La pandémie de Covid-19 a ajouté un autre obstacle, le réduisant au rôle de consultant. « J’ai dû me réinventer, apprendre à utiliser les réseaux sociaux, sortir de ma zone de confort. Aujourd’hui, les gens pensent que cela vient naturellement, mais cela n’a pas été facile ! »

Il insiste sur l’importance de l’état d’esprit et du désir de s’améliorer, tant pour les joueurs que pour lui-même. « Le talent vous fait entrer dans la salle, mais il faut vraiment le vouloir pour aller au-delà. » Quand il était joueur, son objectif était de laisser un héritage et d’inspirer sa communauté sud-africaine – une mission qu’il poursuit désormais en tant qu’entraîneur.

Réussir en France, retourner épisodiquement au pays

La détermination de Steenkamp à réussir en France, tant sur le terrain que sur le banc des entraîneurs, a fait qu’il n’a pas pu retourner en Afrique du Sud pendant plusieurs années. « L’année dernière, c’était la première fois en huit ans que j’y retournais. Ce n’était pas toujours possible, mais c’était un moment génial. J’aimerais pouvoir y retourner plus souvent », dit-il.

En France, Steenkamp apprécie particulièrement la culture et le mode de vie. « Les Sud-Africains sont passionnés, mais ce qui me plaît ici, c’est que la vie tourne autour des repas. À l’heure du déjeuner, tout le monde prend le temps de s’arrêter. En Afrique du Sud, vous avez une demi-heure, ici c’est une heure, voire deux. Les gens savourent un bon repas, un verre de vin, un dessert, et prennent le temps de vivre », savoure-t-il.

L'équipe de rugby de Toulouse les piliers sud-africains Gurthro Steenkamp (G) et Census Johnston (D) montrent le Bouclier de Brennus aux supporters le 10 juin 2012 sur la place du Capitole dans la ville française de Toulouse. Toulouse a remporté 18-12 le match de la finale du Top 14 français de rugby union contre Toulon, le 9 juin 2011 au Stade de France à Saint-Denis. AFP PHOTO / REMY GABALDA (Le crédit photo doit se lire REMY GABALDA/AFP/GettyImages)

Il souligne que les Français privilégient la qualité de vie plutôt que le luxe. « Les maisons ne sont pas aussi grandes qu’en Afrique du Sud, mais les Français apprécient les choses simples : passer du temps en famille, entre amis, les petites choses qui comptent vraiment. »

Bien que l’Afrique du Sud lui manque, surtout avec ses enfants qui grandissent, Steenkamp admet que leur vie et leur identité se construisent désormais en France. « Mon fils a 16 ans, ma fille 10 ans. Leur vie se passe ici, il serait difficile de les faire revenir en Afrique du Sud. »

Un tandem qui va encore durer un peu avec O’Gara

Si tout se passe bien, O’Gara, l’entraîneur irlandais, continuera de guider Steenkamp à La Rochelle pour un bon moment encore. « Il est intense, mais il me rappelle les entraîneurs que j’ai eus à l’époque, quand nous gagnions des titres et des trophées. Il faut des gars obsédés par le rugby, des génies. Vous pouvez voir à quel point il pense constamment au jeu. Et il a cette confiance absolue en son staff. »

Steenkamp souligne l’exceptionnel environnement de travail qu’O’Gara a créé : « Nous avons une vraie confiance les uns envers les autres, tout le monde s’entend bien. C’est l’atmosphère qu’il a instaurée. Oui, il est passionné et énergique, mais ce que vous voyez est ce que vous obtenez. J’apprécie Ronan pour ça. »

Il admire aussi la manière directe d’O’Gara : « S’il a un problème, il vous le dira clairement et vous dira : ‘Concentrons-nous sur la solution, continuons.’ C’est fantastique de voir quelqu’un d’aussi impliqué dans le rugby français. »

Steenkamp rappelle la difficulté pour un étranger d’entraîner à ce niveau en France, soulignant le respect que O’Gara a gagné de l’équipe, du club et du public. « Quand je vois comment le public l’accepte, cela me rappelle mon époque à Toulouse avec Guy Novès. Les Toulousains l’adoraient. »

Cet article a été initialement publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Willy Billiard.

Visionnez gratuitement le documentaire en cinq épisodes “Chasing the Sun 2” sur RugbyPass TV (*non disponible en Afrique), qui raconte le parcours des Springboks dans leur quête pour défendre avec succès leur titre de Champions du monde de rugby

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