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Les couteaux sont-ils sortis pour Shaun Edwards ?

SHAUN EDWARDS

Ah, c’est un métier imprévisible, le rugby professionnel. Il y a quelques mois encore, Shaun Edwards faisait l’objet de nombreux articles élogieux dans les journaux français. « Monsieur Défense » était le bon génie anglais qui allait permettre à la France de remporter la Coupe du monde.

Six mois plus tard, c’est le bruit des couteaux que l’on aiguise ? « Shaun Edwards, la remise en question », titrait le Midi Olympique la semaine dernière.

S’ensuit une analyse peu flatteuse de l’influence d’Edwards sur l’équipe de France depuis sa nomination à l’issue de la Coupe du Monde de rugby 2019. Certes, disait le Midol, son « système ultra-agressif » avait porté ses fruits très tôt, avec en point d’orgue le Grand Chelem de 2022 (le premier titre de la France dans le Tournoi des Six Nations depuis 2010), mais la pente avait été glissante par la suite.

« Quelque chose s’est incontestablement cassé », en déduit le journal. « La preuve : depuis le début de l’année 2023, les Bleus ont encaissé à six reprises plus de trois essais, alors que cela ne leur était jamais arrivé durant les trois premières années du premier mandat de Galthié. »

Le Midi Olympique insinue même qu’Edwards était « déconnecté » du staff d’entraîneurs, en écrivant qu’il passait « de longues heures en solitaire » pendant le dernier mondial.

La question soulevée par le journal est celle de l’avenir d’Edwards. Il notait que contre l’Écosse, le demi d’ouverture Matthieu Jalibert, faible défensivement, défendait à nouveau dans son couloir habituel, bien soutenu à son intérieur par le numéro huit Gregory Alldritt. Edwards avait l’an dernier positionné Jalibert en défense au poste de 13 mais selon le journal, Fabien Galthié et son nouvel entraîneur des avants, Laurent Sempéré, ont « imposé » le switch à nouveau dans son couloir. « Faut-il voir dans ces choix un désaveu pour Edwards ? Sans doute un peu », estime le journal.

Il ne fait aucun doute que la spirale négative qui a enveloppé le rugby français depuis la défaite d’un point contre l’Afrique du Sud en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby a affecté Shaun Edwards. À la veille du tournoi en France, il se délectait de l’environnement de la maison, comme il l’a expliqué dans un article de journal : « Je peux sentir l’effervescence partout où nous allons. Les fans attendent des autographes devant l’hôtel et les visages des joueurs sont affichés sur les panneaux d’affichage dans toute la ville. J’adore ça… J’adore la pression que nous ressentons en ce moment. C’est un privilège. »

Avancez de cinq mois jusqu’à la conférence de presse de la veille du match contre l’Écosse et Edwards parle à nouveau de pression, mais sans aucune exubérance. On l’a décrit comme « irritable », « en colère » et « piquant » alors qu’il défendait son bilan à la lumière de la défaite record de 38-17 face à l’Irlande lors du week-end d’ouverture du Tournoi. « La défense du XV de France était la meilleure de la Coupe du Monde », a-t-il rappelé aux journalistes. « Au cours des quatre dernières années, nous avons remporté 75 % des victoires, parfois 80 %. C’est (le match contre l’Irlande) la seule fois où j’ai l’impression que nous n’avons pas été à la hauteur de ce que nous faisons habituellement. »

Edwards s’est dit convaincu que contre l’Écosse, les Français seraient une équipe différente de celle qui s’est inclinée face à l’Irlande. Ils n’ont pas perdu à Édimbourg, grâce à la décision de l’arbitre vidéo, mais ils n’ont pas non plus impressionné lors de la victoire 20-16.

Edwards aurait proposé à l’équipe de France des « critiques constructives » à la suite du match contre l’Ecosse, et les Bleus seront soulagés de voir qu’ils affronteront l’Italie, qui n’a pas réussi à marquer le moindre point contre l’Irlande à Dublin.

Il est dommage que les médias spéculent sur le poste d’Edwards. Ceux qui doutent de ses capacités devraient se replonger quelques années en arrière, dans le marasme des Bleus des années 2010.

Pendant huit ans (2012 à 2019), la France n’a pas réussi à terminer dans les deux premiers du Tournoi des Six Nations, et elle a été régulièrement martelée par les géants de l’hémisphère sud ; rappelons-nous de la gifle 62-13 infligée par les All Blacks en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby 2015.

Shaun Edwards a sans doute été le facteur le plus important de la renaissance de la France au cours de cette décennie. Ce n’est pas seulement ce qu’il apporte à la structure défensive de l’équipe, mais aussi sa personnalité, une attitude nordique dure et sans états d’âme.

Jonathan Danty, dont la carrière internationale s’est enfin épanouie depuis qu’Edwards a rejoint l’équipe de France, décrit l’Anglais comme « énergique et méticuleux » dans son travail d’entraîneur. De plus, il « nous aide à mieux gérer l’émotion des matchs… sa vigueur et son langage corporel expriment exactement l’attitude qu’il nous demande d’avoir sur le terrain ».

Les joueurs admirent et respectent Edwards. Un membre de l’équipe de France, dont l’identité n’a pas été révélée, a déclaré au Midi Olympique que « Shaun est toujours très précieux pour nous. De par sa manière de communiquer, de nous rappeler en permanence l’importance de monter fort, de combattre et de continuer à défendre après le plaquage, il crée un conditionnement dans nos esprits qu’on retrouve sur le terrain ».

La France est en difficulté dans le Tournoi des Six Nations pour plusieurs raisons. L’absence de plusieurs joueurs clés – Antoine Dupont, Romain Ntamack (plus fort défensivement que Jalibert) Thibaud Flament et Anthony Jelonch – en est une. La fatigue en est une autre. Et il y a aussi les nouveaux entraîneurs, Sempéré et Patrick Arlettaz, en charge de l’attaque. La France a marqué quatre essais en deux matchs et réalisé huit franchissements de ligne ; seule l’Italie en a fait moins. Mais Arlettaz n’a pas été soumis au même traitement qu’Edwards.

Sa nationalité le rend-elle plus vulnérable au cas où les performances de la France ne s’amélioreraient pas et qu’un sacrifice ne soit nécessaire ?

Le rugby français est très fermé. Elle est la seule des six Nations à n’avoir jamais employé un étranger comme entraîneur principal. On retrouve les mêmes têtes dans le circuit des entraîneurs du Top 14 et on a parfois l’impression qu’il s’agit d’un réseau de vieux potes. Les présidents, les directeurs et les entraîneurs se connaissent souvent depuis des années, depuis l’époque où ils jouaient ensemble dans les clubs amateurs.

Il n’y a pas que l’esprit de clocher qui habite le rugby français, il y a aussi la politique, qui n’est jamais loin de la surface. Edwards a été courtisé par Bernard Laporte, président de la FFR en 2019, qui s’est dit « honoré » lorsque l’Anglais a signé ce que l’on croit être un contrat lucratif.

Laporte n’est plus, ayant démissionné dans le déshonneur l’année dernière après sa condamnation par un tribunal de Paris pour corruption. Son successeur, Florian Grill, est l’ennemi juré de Laporte et l’a récemment rendu responsable des finances « catastrophiques » de la FFR. On se serre la ceinture, au point qu’à Édimbourg, l’équipe de France n’a pas séjourné dans son hôtel de luxe habituel pour économiser quelques euros.

Laporte est également à l’origine du recrutement de Fabien Galthié en tant que sélectionneur. Les deux hommes étaient très proches et Galthié a rendu hommage à son ancien patron après que la France a infligé une défaite record de 53-10 à l’Angleterre l’année dernière.

À l’époque, Galthié marchait sur l’eau et pouvait dire ce qu’il voulait. Ce luxe s’est envolé le soir de la défaite de la France contre l’Afrique du Sud. Il n’est plus invulnérable, pas plus qu’Edwards, qu’un grand journal français décrivait en 2020 comme ayant des « mains d’or ».

Ce serait un acte d’une extrême folie si la FFR procédait à des changements dans son staff d’ici à la Coupe du monde 2027. Une équipe de rugby, comme une entreprise, connaîtra toujours des ratés au fil de son développement et de ses progressions. Le tout est de ne pas paniquer, de ne pas céder à la pression et surtout d’ignorer les donneurs de leçon.

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